Devoir de Philosophie

C.E. 5 mai 1976, SOCIÉTÉ D'AMÉNAGEMENT FONCIER. ET D'ÉTABLISSEMENT RURAL D'AUVERGNE ET MINISTRE DE L'AGRICULTURE C. BERNETTE, Rec. 232

Publié le 01/10/2022

Extrait du document

agriculture

« AUTORISATION DE LICENCIEMENT DES REPRÉSENTANTS DU PERSONNEL CONTRÔLE DU JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR C.E.

5 ma i 1976, SOCIÉTÉ D'AMÉNAGEMENT FONCIER. ET D'ÉTABLISSEMENT RURAL D'AUVERGNE ET MINISTRE DE L'AGRICULTURE C.

BERNETTE, Rec.

232 (D: 1976.563, note Sinay; J.

C.

P.

1976;Il.18429, J:.tote Macheion; Gaz.

Pal.

1976.2: Doctr.520.

chr.

Moderne; A.

J.

1976.304, chr.

Nauwelaers et Fabius; Dr.

Soc.

1976.345, conci.

Dondoux, note Venezia; Dr.

ouvrier 1976.425, chr.

Cohen). Cons.

que la requête susvisée de la Société d'aménage�ent foncier et d'établissement rural d'Auvergne et le recours susvisé du ministre de l'agriculture présentent à juger les mêmes questions; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision; Cons.

qu'aux termes de l'article 16 de la loi du 16 avril 1946 « tout licenciement d'un délégué du personnel titulaire ou suppléant, envisagé par la direction, devra être obligatoirement soumis à l'assentiment du comité d'entreprise.

En cas de désaccord, le licenciement ne peut intervenir que sur la décision de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement»; que les mêmes garanties sont accordées par l'article 22 de l'ordonnance du 22 février 1945, modifiée par celle du 7 janvier 1959, aux membres titulaires ou suppléants des comités d'entreprise et aux anciens membres de ces comités pendant les six mois qui suivent l'expiration de leur mandat; que l'article 4 du décret du 7 janvier 1959 précise que le ministre du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur; qu'enfin ces dispositions législati­ ves et réglementaires ont été étendues aux salariés des professions agricoles, au nombre desquels figurent les agents des Sociétés d'aména­ gement foncier et d'établissement rural et les attribut.ions qu'elles confèrent aux inspecteurs et au ministre du travail, dévolues, en ce qui concerne ces salariés, aux inspecteurs des lois sociales en agriculture et au ministre de l'agriculture par le décret du 7 mars 1959 et par la loi du 21 décembre 1971; • Cons.

qu'en vertu de ces dispositions, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle; que, lors­ que le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail ou à l'inspecteur des lois soda/es en agriculture saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre_ des intérêts en présence; Cons.

que le sieur Bernette, chef du service départemental de l'Allier de la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural d'Auver­ gne, a été licencié le 26 octobre 1973 alors qu'il était délégué du personnel et qu'il avait cessé depuis moins de six mois d'appartenir au comité d'entreprise; que ce licenciement, qui n'avait pas obtenu l'assen­ timent du comité d'entreprise, a été autorisé le 1er octobre 1973 par une décision du ministre de l'agriculture annulant, sur le recours hiérarchi­ que de l'employeur, le refus opposé par l'inspecteur des lois sociales en agriculture; que la décision d'autorisation est fondée sur le motif que le sieur Bernette aurait commis, dans l'exercice de son activité profession­ nelle, des fautes graves justifiant son licenciement; qu'il résulte de l'instruction que les faits reprochés au sieur Bernette ne présentent pas un caraçtère suffisant de gravité pour justifier la décision du ministre de l'agriculture d'autoriser son licenciement; que le ministre ne peut utilement, pour donner un fondement légal à sa décision, se prévaloir de la mission de service public des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural; Cons.

qu'il résulte de tout ce qui précède que la Société d'aménage­ ment foncier et d'établissement rural et le ministre de l'agriculture ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision autorisant le licenciement du sieur Bernette; ...

(Rejet). OBSERVATIONS I.

- Depuis la Libération, le législateur a créé et aménagé un statut protecteur des représentants du -personnel dans les entreprises.

L'ordonnance du 22 février 1945 prévoit que le licenciement d'un membre d'un comité d'entreprise doit être soumis à l'assentiment du comité et, en cas de désaccord, à l'autorisation de l'inspecteur du travail.

Des dispositions analo­ gues ont été prévues pour les délégués du personnel (loi du 16 avr.

1946), les représentants syndicaux aux comités d'entre­ prise (loi du 18 juin 1966), les délégués syndicaux (loi du 27 déc.

1968), les membres des comités d'hygiène et de sécurité (loi du 27 déc.

19n).

Ces dispositions, qui ont été insérées dans , le code du travail, intéressent au total près de 400 000 travail­ leurs. Une autorité administrative, l'inspecteur du travail, intervient ainsi dans les conflits de droit privé entre les employeurs et certains de leurs salariés; sa décision peut faire l'objet d'un recours hiérarchique auprès du ministre du travail, soit en vertu des principes généraux du droit (C.

E.

30 juin 1950, Quérait, Rec.

413; D.

1950.593, note F.

M.; S.

1951.3.85, notes Auby et Pi de F.

R.; J.

C.

P.

1950.11.5969, note P.

H.; Dr.

Soc. 1951.246, concl.

Delvolvé), soit, dans certains cas, selon les modalités prévues par un décret du 7 janv.

1959.

Ces pouvoirs, qui sont exercés pour des catégories particulières de salariés par d'autres autorités tels l'inspecteur des lois sociales en agricul­ ture et le ministre de l'agriculture, sont naturellement soumis au contrôle du juge administratif.

C'est la portée de ce contrôle qui a été profondément modifiée par la décision S.

A.

E.

E.

R. d'Auvergne c.

Bernette. M.

Bemette était délégué du personnel à la S.

A.

F.

E.

R. d'Auvergne, après avoir été membre du comité d'entreprise.

Les S.

A.

F.

E.

R.

sont des sociétés à but non lucratif qui sont chargées d'une mission de service public : « acquérir des terres ou des exploitations agricoles » et les rétrocéder après les avoir éventuellement aménagées, afin « d'améliorer les structures agraires, d'accroîtrç la superficie de certaines exploitations agricoles et de faciliter la mise en culture du sol et l'installation d'agriculteurs» (art.

15 de la loi du 5 août 1960).

Chef d'un service départemental de la S.

A.

F.

E.

R.

d'Auvergne, M.

Ber­ nette devait appliquer cette politique; ses supérieurs lui repro­ chaient essentiellement d'avoir laissé faire dans son service une opération fortement déficitaire.

C'est par ce motif, joint à quelques griefs plus anciens et moins sérieux, qu'ils entendaient justifier Son licenciement; le comité d'entreprise a refusé son accord et l'inspecteur des lois sociales en agriculture son autorisation; sur recours hiérarchique, le ministre de l'agricul­ ture a donné satisfaction à l'employeur, mais sa décision a été annulée par un jugement du Tribunal administratif de Cler­ mont-Ferrand qui a été confirmé en appel.

Le Conseil d'État a estimé en effet que les fautes reprochées à M.

Bemette n'étaient pas sµffisamment graves 'pour justifier l'autorisation de son licenciement. Avant d'en àrriver à cette conclusion d'espèce, le Conseil d'Etat a fait, dans un considérant de principe, la théorie de l'intervention de l'autorité administrative et du contrôle du juge de l'excès de pouvoir, dans la matière de la protection des représentants du personnel : - le licenciement « ne doit pas être en rapport avec les 1 fonctions représentatives normalement exercées ou l'apparte­ nance syndicale de l'intéressé», et il appartient évidemment à l'administration de s'en assurer, sous le contrôle du juge; - dans le cas d'un licenciement disciplinaire, l'administra­ tion doit rechercher si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante.... »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles