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L'OEUVRE DE RABELAIS: Le Gargantua.

Publié le 23/06/2011

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rabelais
 — Le succès du Pantagruel avait encouragé Rabelais à écrire un nouveau livre de « folastries «, le Gargantua. Sans se mettre en peine de donner à son Pantagruel la suite annoncée par le dernier chapitre : descente du héros aux enfers, visite des régions de la lune, déconfiture des Cannibales, mariage de Panurge, il entreprenait simplement de remanier le livret des Grandes et inestimables Cronicques. Ainsi le livre qu'il écrivait en second lieu devenait dans l'ordre chronologique des récits le premier de la série, puisqu'il racontait l'histoire de Gargantua, père de Pantagruel ; et désormais le Pantagruel devenait le second livre de la geste de ses géants. De ce remaniement l'originalité est saisissante. Ce n'est plus la fiction fabuleuse et la description « gigantesque « qui sont au premier plan dans la composition. Qu'il reprenne au canevas du livret populaire quelques épisodes ou qu'il en crée lui-même de nouveaux, Rabelais, sans renoncer à étonner le lecteur par la démesure du géant, tend à donner à ses fantaisies une base de réalité. Il y avait déjà des tableaux de moeurs dans les chapitres du Pantagruel consacrés au séjour du géant sur la montagne Sainte-Geneviève ; ils se multiplient dans le Gargantua. La naissance merveilleuse du héros qui fait son entrée dans le monde par l'oreille gauche de sa mère, ne retient guère le conteur, qui s'intéresse beaucoup plus à la description des circonstances qui ont accompagné ce prodige.

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« Le héros de ces aventures, Pantagruel, est un géant qui a, comme tous les géants des épopées et des romansantérieurs, des forces et un appétit proportionnés à sa stature.

Mais un trait particulier le distingue : il a le dond'engendrer la soif chez tous ceux qui l'approchent.

Ni cette singularité, ni le nom de Pantagruel ne sont del'invention de Rabelais.

Sans être aussi populaire que celui de Gargantua, ce nom n'était pas inconnu alors.

Unmystère, dont il y eut maintes représentations à la fin du XVe et au début du XVIe siècle, les Actes des Apôtres, deSimon Gréban, l'avaient vulgarisé.

Pantagruel y était le nom donné à un petit diable qui régnait sur l'un des quatreéléments, l'eau.

Il parcourait les régions marines, y puisant du sel qu'il jetait, la nuit, dans la gorge des ivrognes.

Parsuite, la même dénomination glissant de la cause à l'effet, le Pantagruel désigna, dans d'autres textes de lalittérature dramatique, la soif ou une irritation de la gorge provoquant la soif.Cette vertu altérative du géant Pantagruel, Rabelais nous la montre s'exerçant de façon diverses.

Dans l'expéditionmilitaire contre le roi Anarche, le géant, pour venir à bout de son adversaire par un stratagème, lui fait remettre uneboîte pleine d'euphorbe, de coccognide et autres drogues très âcres.

« Tout soudain qu'il en eut avalé unecueillerée, luy vint tel eschauffement de gorge avecque ulcération de la luette que la langue luy pela.

Et pourremède qu'on luy feist, ne trouva allègement quelconque sinon de boire sans rémission...

Autant en firent sescapitaines » ; puis l'armée entière qui s'endormit « comme porcs », la gueule baye et ouverte.

Alors Pantagruel,renouvelant le geste du petit diable des mystères, de puiser à pleines mains le sel qu'il porte dans un baril accrochéà sa ceinture et de le jeter dans la bouche des soldats ennemis.Pantagruel a diverses manières de prendre les gens « à la gorge ».

Un écolier limousin n'ayant répondu à sesquestions que par des phrases de « verbocination latiale » presque inintelligibles, de colère il lui serre le cou.L'escholier en resta, toute sa vie, altéré et mourut de la «Mort Roland », c'est-à-dire de la soif.

Parfois cette vertualtérative de Pantagruel s'exerce par sa seule présence et à son insu.

A Paris, pendant que le géant prépare àl'hôtel de Cluny une argumentation contre le savant Thaumaste, celui-ci souffre de la soif comme si « Pantagruel letenait à la gorge ».

A Orléans, le fracas d'une cloche dont il sonne par les rues fait « poulser » et gâter le vin dansles caves, si bien que les habitants se sentent altérés et « crachent blanc comme coton de Malte ».C'est ainsi que Rabelais utilisait d'une manière imprévue, pour plusieurs épisodes, ce nom même de Pantagruel qu'ilavait choisi pour son géant et le pouvoir que la tradition dramatique lui attribuait.

Mais les ressources que lui offraitce thème étaient limitées.

Plus riche était la veine de la description du géant, de sa stature, de sa force, de sonappétit.

Les Cronicques lui montraient comment on pouvait exploiter ce thème comique.

Il ne s'est pas fait fauted'agrandir à l'échelle gigantesque les fonctions physiologiques de son héros.

« Pour la bouillie » du jeune Pantagruel,il lui faut non une timbale, mais un timbre (auge en pierre).

Il dévore la moitié d'une vache qui l'allaitait.

Il met enpièces un ours qui était venu lui lécher les babines dans son berceau, etc.

Ce genre d'inventions est assuré dusuccès auprès d'un auditoire de badauds au goût puéril.Rabelais y joignit un élément comique dont il trouvait des modèles dans les Cronicques, la précision spécieuse enmatière de poids, de mesures, de dénombrements .« Vous noterez, dit-il, que, l'année de la naissance dePantagruel, fut seicheresse tant grande en tout le pays d'Afrique que passèrent (sans pluie) trente-six mois, troyssepmaines, quatre jours, treize heures et quelque peu davantaige...

» Plaisant scrupule d'exactitude dans un sujet simanifestement fabuleux ! Laisse-t-il incertains quelques dénombrements, c'est à l'exemple de la Bible: « sans lesfemmes et les petits enfants » est une réserve, de style biblique, qui figure à la fin de ses comptes fantastiques.Autre mode de vraisemblance spécieuse dont il relève ses « narrés » populaires : il rattache au récit quelquesparticularités géographiques ou quelques traits de l'histoire.

Les Cronicques expliquaient incidemment l'absence deforêts en Beauce et en Champagne : la jument de Gargantua les avait, au passage, fauchées de sa queue.

Les îlotsdu Mont-Saint-Michel et de Tombelaine étaient des rocs déposés là par Grandgosier et Galemelle.

Si l'on en croitMaître Alcofribas, de Pantagruel aussi maints souvenirs demeurent dans le pays de France.

Bourges conservait alorsson « timbre » : c'était « l'écuelle du géant » qu'aux jours de réjouissance on remplissait de vin pour le populaire.

LaRochelle, Angers, Lyon, conservaient les chaînes de fer dont il avait été lié en son berceau.

Poitiers s'enorgueillitencore de la Pierre-Levée, le dolmen qu'il dressa sur ses quatre piliers, « au milieu d'un champ bien à son ayse »,pour que les escholiers pussent s'y ébattre à monter dessus, à y inscrire leurs noms et à y banqueter à forceflacons, jambons et pâtés.La légende s'enrichissait ainsi, de quelques notes de géographie, d'histoire, de coutumes locales, tirées du théâtremême où se déroulait la vie du géant.

Car, à l'exception de la troisième partie qui se passe en Utopie, paysimaginaire inventé par Thomas Morus et que le conteur place en Asie orientale, la toile de fond du Pantagruel est laFrance.

C'est à Poitiers que le géant commence ses études ; à Paris, qu'il les achève, après avoir fait, comme maintécolier du XVIe siècle, le tour de la France universitaire, visitant successivement Bordeaux, Toulouse, Montpellier,Avignon, Valence, Angers, Bourges et Orléans, toutes villes que Rabelais caractérise par quelques traits de moeurs,études, jeux ou passe-temps, empruntés à la vie universitaire.Plus encore que les détails tirés de la vie provinciale ou parisienne, les lectures de Rabelais ont fourni de l'étoffe àson livre.

Il a signalé lui-même, dans son Prologue, les ouvrages qu'il avait lus avant de narrer des prouesses «gigantales ».

Il en est un qu'il a mentionné deux fois et dont il s'est fréquemment inspiré : c'est l'Opus macaronicumdu moine italien Théophile Folengo, dit Merlin Coccaie.

Ecrit dans un latin farci d'italien latinisé, d'où son titreculinaire de Macaronées, il raconte les exploits d'un héros, Balde, assisté de trois compagnons qui représentent, l'un,Falchetto, la vitesse ; l'autre, Cingar, la ruse, et le troisième, Fracassus le géant, la force.

A l'exemple de MerlinCoccaie, Maître Alcofribas nous montre son héros secondé, au cours de son expédition contre les Dipsodes, parquatre u officiers », ses quatre « apostoles » ou apôtres portant des noms tirés du grec : Epistémon, le docte ;Eusthènes, le fort ; Carpalim, le rapide ; Panurge, le rusé.Mais les rôles de ces personnages sont d'une importance inégale.

La force d'Eusthènes (qui double inutilement celledu géant) n'est mise en oeuvre qu'une seule fois.

Le savoir d'Epistémon n'est invoqué que bien rarement.

Carpalimn'a que trois occasions de montrer sa vitesse à la course.

La ruse de Panurge, au contraire, apparaît dans lacampagne contre les Dipsodes comme un auxiliaire constant de la force du géant.Courageux, comme les autres « apostoles n, résolu à vivre ou à mourir pour son maître, Panurge encourage ses. »

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