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Madame de Grignan disait des Provinciales : « C'est toujours la même chose! » - Madame de Sévigné lui écrit un jour qu'elle vient de relire quelques-unes des Petites Lettres et qu'elle ne partage pas cette opinion.

Publié le 13/02/2012

Extrait du document

 

Aux Roches, ce samedi 6 juillet 1685.

Ma chère enfant,

Dès longtemps vous me savez entêtée de mes lectures : il me faut en parler à quelqu'un. Et vous êtes toujours la première personne à qui, lorsque j'ai lu, j'éprouve le besoin de transmettre mes impressions. Nous relisons présentement, avec v.otre frère, les Petites Lettres de feu M. Pascal. Ma bonne, tout comme lorsqu'elles couraient encore sous le manteau, j'en suis charmée, enchantée....

« Montalte retourne chez le Docteur, tout joyeux a la pensee qu'il va pou- voir reconcilier ces adversaires imaginaires.

Aux premiers mots, le Doc- teur l'arrete : « Tout beau! it faut etre theologien pour en voir la fin! » Et it lathe le mot magique qui a fait fortune comme « le Pauvre homme!» de Tartuffe et le « Sans Dot! » de l'Avare...

Les Jansenistes disent bien que les justes ont le pouvoir d'accomplir les commandements, mais ne spe- cifient pas si c'est le pouvoir prochain.

Voila derriere quel fragile retran- chement se refugient les ennemis de M.

Arnauld! Nouvelle visite au Janseniste, devenu mefiant.

Ce mot de pouvoir pro- chain n'a ete invente que pour tout brouiller, dit-il.

Montalte feint de rester neutre; sur le conseil du Janseniste it ira consulter sur la question les. Molinistes, qu'il ne croit pas capables de mechants desseins.

Le rideau tombe sur cette resolution.

20 acte.

Ott it est prouve que les adversaires des Jansenistes sont en desaccord entre eux.

Louis de Montalte s'est rendu chez le Moliniste, disciple de M.

Le Moyne. Celui-ci, jeune, decisif et decisionnaire, n'hesite pas un instant.

II recite la definition apprise de son maitre : « Avoir le pouvoir prochain, c'est avoir tout ce qui est necessaire pour accomplir l'acte, en sorte qu'il ne manque rien pour agir.

» Voila qui est clair! Mais, questionne, it s'empetre dans ses explications, perd toute assurance et renvoie l'enqueteur a M.

Le. Moyne.

Montalte, en homme methodique, prefere s'adresser a une autre espece de molinistes, un Nouveau Thomiste, disciple du P.

Nicola.

Apres les 4 Fort bien! 2> du disciple de M.

Le Moyne, les « Oui da! les « Voila qui va bien! 3, des Jacobins, qui embrassent l'arrivant.

Helas! tout ne vas pas tres bien, car d'apres le nouveau thomiste le pouvoir prochain est « incom- plet » ; pour prier, les hommes ont besoin d'un autre secours, d'une grace efficace qui n'est pas donnee a tous.

3' acte.

Oil it est prouve que les ennemis de M.

Arnauld ont depouille les mots pouvoir prochain de toute signification, afin de le condamner. Ceux que Montalte a interroges separement sont maintenant reunis.

Il resume les opinions precedentes, jette sur le Jesuite et le Dominicain le reseau de sa dialectique serree : « Ce serait, leur crie-t-il, une chose indigne de la Sorbonne et de la Theologie d'user de mots equivoques et captieux_ sans les expliquer.

A quoi Hs repondent par cette singuliere declaration : « Vous etes opi- niatre; vous direz comme nous ou vous serez heretique et M.

Arnauld aussi. Car nous sommes le plus grand nombre : et s'il nous est besoin, nous ferons venir tant de Cordeliers que nous l'emporterons.

3, J'ai 0111 dire que ce mot fut prononce par la Reine-Mere dans le temps oil s'assemblaient les Docteurs de Sorbonne pour condamner notre vieil ami.

Il ne grandira pas. Anne d'Autriche aux yeux de la posterite; mais M.

Pascal l'a enchasse dans sa Lettre avec infiniment d'a-propos.

Comment, ma fille, n'avez-vous point ete entrainee, vous habituee aux spe- culations philosophiques, par le mouvement qui anime ces pages? Encore une fois, vous n'avez fait que lire des yeux.

Cette dialectique agile vit, park; ne percevez-vous pas les intonations des interlocuteurs, adroitement diversifiees, marquant les oppositions de caracteres? Voyez comme ces phrases tantat alertes et court vetues, twit& majestueuses et portant robe- a traine, se suivent, se poussent sans confusion.

Monotone, ce dialogue or se melent, en de si justes proportions, une feinte naivete, une subtile malice, une juste colere, une verve eloquente?...

Non jamais plus vous n'oserez for- - muler semblable jugement! Que si ma demonstration vous parait trop fragile, ne portant que sur la_ premiere de ces Petites Lettres si justement celebres, voulez-vous que nous parlions de la quatrieme, si differente par la matiere et par le ton? Vous.

comprendrez mieux, je pense, que ce n'est pas « toujours la meme chose »! Estimant que la theologie pure ne se prete guere aux longues discussions publiques; craignant pent-etre aussi de faire un faux pas sur un terrain oil it n'est point accoutume de marcher, M.

Pascal, genie pratique, con- naisseur du coeur humain, passe dans le champ immense de la morale.

Usant du procede dramatique qui lui a si bien reussi dans sa premiere Lettre (1), it fait parler un representant des opinions qu'il combat, lui (1) Avouons que de cet artifice commode Pascal abuse un peu Montalte retourne chez le Docteur, tout joyeux à la pensée qu'il va pou­ voir réconcilier ces adversaires imaginaires.

Aux premiers mots, le Doc­ teur l'arrête : «Tout beau! il faut être théologien pour en voir la fin!» Et il lâche le mot magique qui a fait fortune comme «le Pauvre homme!» de­ Tartuffe et le « Sans Dot! » de l'Avare ...

Les Jansénistes disent bien que­ les justes ont le pouvoir d'accomplir les commandements, mais ne spé­ cifient pas si c'est le pouvoir prochain.

Voilà derrière quel fragile retran­ chement se réfugient les ennemis de M.

Arnauld! Nouvelle visite au Janséniste, devenu méfiant.

Ce mot de pouvoir pro­ chain n'a été inventé que pour tout brouiller, dit-il.

Montalte feint de rester neutre; sur le conseil du Janséniste il ira consulter sur la question les.

Molinistes, qu'il ne croit pas capables de méchants desseins.

Le rideau tombe sur cette résolution.

2• acte.

Où il est prouvé que les adversaires des Jansénistes sont en.

désaccord entre eux.

Louis de Montalte s'est rendu chez le Moliniste, disciple de M.

Le Moyne.

Celui-ci, jeune, décisif et décisionnaire, n'hésite pas un instant.

Il récite la définition apprise de son maître : «Avoir le pouvoir prochain, c'est avoir tout ce qui est nécessaire pour accomplir l'acte, en sorte qu'il ne· manque rien :pour agir.» Voilà qui est clair! Mais, questionné, il s'empêtre· dans ses explications, perd toute assurance et renvoie l'enquêteur à M.

Le: Moyne.

Montalte, en homme méthodique, préfère s'adresser à une autre espèce· de molinistes, un Nouveau Thomiste, disciple du P.

Nicola'i.

Après les.

«Fort bien!» du dis~iple de M.

Le Moyne, les «Oui da!», les «Voilà qui va bien! » des Jacobins, qui embrassent l'arrivant.

Hélas! tout ne vas pas très.

bien, car d'après le nouveau thomiste le pouvoir prochain est « incom­ plet»; pour prier, les hommes ont besoin d'un autre secours, d'une grâce efficace qui n'est pas donnée à tous.

3• acte.

Où il est prouvé que les ennemis de M.

Arnauld ont dépouillé· les mots pouvoir prochain de toute signification, afin de le condamner.

Ceux que Montalte a interrogés séparément sont maintenant réunis.

Il résume les opinions précédentes, jette sur le Jésuite et le Dominicain le réseau de sa dialectique serrée : « Ce serait, leur crie-t-il, une chose indigne· de la Sorbonne et de la Théologie d'user de mots équivoques et captieux.

sans les expliquer.» A quoi Hs répondent par cette singulière déclaration : «Vous êtes opi­ niâtre; vous direz comme nous ou vous serez hérétique et M.

Arnauld aussi.

Car nous sommes le plus grand nombre : et s'il nous est besoin, nous ferons venir tant de Cordeliers que nous l'emporterons.» J'ai ouï dire que ce mot fut prononcé par la Reine-Mère dans le temps où s'assemblaient les.

Docteurs de Sorbonne pour condamner notre vieil ami.

Il ne grandira pas.

Anne d'Autriche aux yeux de la postérité; mais M.

Pascal l'a enchâssé­ dans sa Lettre avec infiniment d'à-J?ropos.

Comment, ma fille, n'avez-vous pomt été entraînée, vous habituée aux spé­ culations philosophiques, par le mouvement qui anime ces pages? Encore· une fois, vous n'avez fait que lire des yeux.

Cette dialectique agile vit,.

parle; ne percevez-vous pas les intonations des interlocuteurs, adroitement diversifiées, marquant les oppositions de caractères? Voyez comme ces phrases tantôt alertes et court vêtues, tantôt majestueuses et portant robe· à traîne, se suivent, se poussent sans confusion.

Monotone, ce dialogue où: se mêlent, en de si justes proportions, une feinte naïveté, une subtile malice, une juste colère, une verve éloquente? ...

Non jamais plus vous n'oserez for­ muler semblable jugement! Que si ma démonstration vous paraît trop fragile, ne portant que sur la.

première de ces Petites Lettres si justement célèbres, voulez-vous que nous parlions de la quatrième, si différente par la matière et par le ton? Vous.

comprendrez mieux, je pense, que ce n'est pas « toujours la même chose » ! Estimant que la théologie pure ne se prête guère aux longues discussions publiques; craignant peut-être aussi de faire un faux pas sur un terrain où il n'est point accoutumé de marcher, M.

Pascal, génie pratique, con­ naisseur du cœur humain, passe dans le champ immense de la morale.

Usant du procédé dramatique qui lui a si bien réussi dans sa première Lettre (1), il fait parler un représentant des opinions qu'il combat, lui (1) Avouons que de cet artifice commode Pascal abuse un peul. »

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