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Madame de La Sablière reproche à Boileau d'avoir omis la fable dans son Art poétique.

Publié le 09/02/2012

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boileau

Je viens de lire, Monsieur, votre Art poétique. Je reconnais la justice des éloges que vous décerne un public éclaire. Vous êtes bien «le législateur du Parnasse français«. Jamais le bon sens et la raison ne parlèrent un plus beau langage en pareille matière; votre ouvrage sera le code littéraire de ce siècle....

boileau

« saurait .prendre rang à côté de la comédie, de l'idylle, de l'élégie, de l'ode, du sonnet, de l'épigramme, du rondeau, de la ballade, de la satire et du vaudeville.

Place à ces grands seigneurs 1...

Foin de ce parent pauvre! ...

Voilà donc, avons-nous pensé, pourquoi vous avez omis de mentionner M..

de La Fontaine.

Plein d'amitié pour sa personne, d'estime pour ses talents, vous l'avez oublié volontairement, à cause du genre qu'il a traité.

La Fable a.

nui a_u.

Fablier! ...

Eh bien 1 permettez-moi de croire que, s'il y a des genres plus renommés que d'autres, c'est parce que le génie leur a conféré un lustre plus brillant.

I...a tragédie, la comédie ont eu des débuts bien humbles, il leur a fallu les Eschyle, les Sophocle et les Euripide; les Aristophane, les Plaute et les Térence pour les sortir de leur obscurité première.

Et si elles ont trouvé dans notre siècle un regain de gloire, c'est que MM.

Corneille, Racine et Molière leur ont apporté le meilleur de leur génie.

Et, pour :parler d'un genre qui.

vous est plus particulièrement cher : la Satire, ses origines gros­ sières pouvaient-elles faire présager ce qu'elle deviendrait entre les mains d'un Horace et d'un Juvénal, entre les vôtres surtout, Monsieur, puisque vous l'avez portée à sa perfection? M.

de La Fontaine n'a-t-il pas fait pour la Fable .ce que d'autres ont fait pour la satire, la comédie, la tragédie? •..

Ce genre, je le reconnais, a vieilli dans une longue enfance; il bégayait encore, alors que d'autres avaient atteint une robuste et féconde maturité.

Mais à qui la faute? A Esope, qui en fait un théorème de géométrie,.

ter­ miné par la formule C.

Q.

F.

D., ou un syllogisme sec et roide, auquel.

le récit sert de prémisses et le précepte de conclusion; à Phèdre, bon versi­ ficateur et médiocre poète, dont la tête est bourrée de métaphores, d'expres­ sions toutes faites, d'épithètes et de synonymes convenus, et non, comme il faudrait, de sensations, de sentiments, d'idées personnelles ou, mieux encore, d'animaux vivants, ruminants, bêlants, mugissants, coassants et rugissants; à nos fabulistes savants et ennuyeux du xv1• siècle, Haudent, Guéroult, Habert, qui ne savent se borner, et, par conséquent, écrire, comme vous l'avez si bien dit.

Mais avec M.

de La Fontaine, la Fable se renouvelle, se transforme, se transfigure, elle J?eUt désormais marcher de pair avec ses compagnons et ses compagnes Jusque-là plus fortunés.

Dans la Fable antique, la morale était tout, le récit rien.

Avec M.

de La Fontaine, le récit -c'est-à-dire la poésie -devient presque tout, et fait passer la morale après lui.

Car ne vous y méprenez pas, quand notré· Bonhomme nous assure « que conter pour conter lui semble peu d'affaire :.

, il ne faut J?as le croire.

Je sais J?ertinemment qu'il apporte un soin infini, un art meticuleux à la confectiOn de ce qu'il appelle dédaigneusement « deux ou trois contes d'enfants :.

.

Il est beaucoup plus vrai quand il avoue avoir fait de la Fable · Une ample comédie à cent actes divers Et dont la scène est l'univers.

Vous ne sauriez protester, Monsieur, contre une telle affirmation; n'avez­ vous pas, plus que tout autre, admiré les petits poèmes qui forment cette ample comédie? Ce sont, en leur concision, des drames achevés tantôt tra­ giques comme Le Chêne et le Roseau, Le Lion et le Moucheron, Les ani­ maux malades de la peste, tantôt comiorte successivement sur les rives fleuries d'une rivière, dans le champ où 1 alouette cache sa couvée, dans la garenp.e où Jeannot Lapin s'en va .faire à l'aurore sa cour «parmi le thym et la rosée :.

.

Cela nous repose un peu des royaux appartements ou des intérieurs bourgeois où se déroulent les chefs-d'œuvre de Racine et de Molière.

Et quelle science de l'action 1 Quoi de plus vif que ces expo­ sitions en deux ou trois vers : Du palais d'un jeune lapin Dame belette, un beau matin S'empara, C'est une rusée .... »

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