Madame de Sévigné, Lettre du 3 février 1695 à Emmanuel de Coulanges.
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
1. Présentation de l'extrait
- Mme de Sévigné se trouve à Grignan, dans le sud de la France, chez sa fille, la femme du Conte de Grignan, lieutenant général de Provence. — Elle écrit à son cousin germain à propos d'une lettre qu'a envoyée Mme de Chaulnes, une amie (il s'agit de l'épouse du gouverneur de Bretagne).
- Esquisse d'une petite société d'aristocrates, un cercle au centre duquel brille la marquise.
Elle y brille à distance par sa verve d'épistolière.
2. Annonce du plan
Rappel de la définition du mot verve : une bien curieuse étymologie ! Le mot vient du latin vervex, signifiant : tête de bélier !
La verve, c'est d'abord la fantaisie, le caprice (copra : chèvre !), et puis ajoute le dictionnaire littré : Une chaleur d'imagination qui anime le poète, l'orateur, l'artiste, dans sa composition.
Cet extrait nous donne l'illustration des deux sens du mot verve : une extrême fantaisie qui se manifeste à chaque ligne, une forte imagination qui enfièvre littéralement la marquise.
«
II.
LA CHALEUR DE L'IMAGINATION
1.
Des images
La marquise esquisse de rapides tableaux pour illustrer la situation, la rendre présente à Coulanges, mais lesmots ne sont pas assez évocateurs, il manque un peintre : « Je souhaite tous les jours un peintre pour bien représenter l'étendue de toutes ces épouvantables beautés.
»
Il faut quelqu'un qui puisse rectifier par une image l'imagination de Mme de Chaulnes.
2.
L'imagination débridée
Il s'agit pour la marquise de prendre le rebours de l'imagination de Mme de Chaulnes : « elle croit que tous nos jours sont filés d'or et de soie ».
Elle mobilise donc toutes les ressources de son imagination pour modifier cette fausse image.
Une phrase est à cet égard très significative :
« Nous sommes exposés à tous les vents ; c'est le vent de midi ; c'est la bise ; c'est le diable.
»
L'évocation du Mistral ne suffit pas, il faut lui adjoindre cet improbable vent du Nord, la bise, mais qui a unevaleur métonymique et représente l'hiver, enfin le vent associé à l'image du démon suscite le « c'est le diable » qui termine la série.
On conçoit comment l'imagination de la marquise glisse d'un mot à l'autre, d'une évocation, d'une image à l'autrepour saisir enfin la plus intense, la plus expressive.
III ELEMENTS POUR UNE CONCLUSION
Donc brillante démonstration de la verve de la marquise.Toutefois, cette démonstration n'est pas au seul usage de son destinataire d'origine.
Mme de Sévignés'adresse à M.
de Coulanges, à travers lui à Mme de Chaulnes, et on l'imagine au cercle de ses amies.
De cefait, à lire une telle lettre, on a le sentiment d'assister toujours à la mise en oeuvre d'un « morceau debravoure » par lequel la marquise aime à réfléchir d'elle-même cette image de brillante femme d'esprit, àl'imagination vive.
Quel que soit l'incident narré, l'objet de la lettre restera son écriture
même et à travers elle la marquise en personne.
Pour parodier une formule célèbre .
l'art épistolaire n'est pas autre chose que la continuation de la mondanité,mais avec d'autres moyens..
»
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