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Qu'est-ce que ''Jacques le fataliste ''

Publié le 29/06/2015

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Religieuse, récit dramatique, comme la c contrepartie « de Jacques 1, et telle lettre à sa fille faisait entrer Jacques dans la même infusion thérapeutique que Gil Blas, Le Roman Comique, Don Quichotte et... Manon Lescaut2. Cette dernière référence nous suggère que le rire n'y est pas exempt de cruauté (cf. ch. 12). D'où vient cependant qu'on rit ou qu'on sourit à lire ce roman de la fatalité ? Sans doute n'a-t-il rien de morbide ni d'atroce, contraire­ment à La Religieuse. La mort même y est parodiée ou mise à distance : menacé d'être pendu, Jacques est soigné par un bourreau ; de son capitaine, on ne saura jamais s'il est mort ou vif ; des cinq trépas effectifs, aucun n'est senti comme tragique, ni celui des deux moines à Lisbonne, ni celui de Mme Duquênoi, ni celui de l'homme des derniers sacrements, ni même la fin violente du rival de Desglands ou celle du chevalier de Saint-Ouin, escamotée par un dénouement éclair. Du récit picaresque, Jacques, roman de la route, reprend certains traits : un héros issu du peuple, des aventures farcesques et des scènes truculentes, un univers de la duperie et du secret ; mais Diderot casse la complicité traditionnelle entre le récit comique et la vie populaire : les piteuses amours du maître relèvent du registre burlesque'. En outre, Jacques déborde le dessein purement comique par l'ironie philosophique liée à la vision fataliste (cf. ch. 10) et par l'humour narratif propre au récit réfléchi (cf. ch. 4). Comme Tristram Shandy, « ce livre si fou, si sage et si gai «, comme le rêve extravagant de d'Alembert (« cela est bien gai et bien fou «, dit Bordeu), ce récit allègre et déraisonnable nous propose du monde l'image d'un grand jeu de hasard où tous les coups de dés, ceux de la pensée comme ceux de la vie, jamais n'aboliront le destin.

La quête d'une définition univoque devient vite illu­soire. Mieux vaut changer la question. Non plus : qu'est-ce que Jacques ? mais : comment lire Jacques ? Soit encore : à quels jeux de l'esprit — plaisir et travail — ce récit-conversation convie-t-il ses lecteurs ? Jeu réglé, Jacques nous propose trois niveaux de lecture : un jeu romanesque, un jeu philosophique, un jeu culturel.

Roman-jeu, Jacques est d'abord un jeu avec le roman, un paradoxe narratif sur le roman. Comment peut-on

écrire un roman ? Possibilités et limites de l'écriture roma­nesque ? A ces questions Diderot répond par un texte qui se veut ininterprétable comme roman et qui, pourtant, finit par s'avouer comme tel. Anti-roman, non-roman, Jacques prodigue les dénégations sarcastiques : « ceci n'est pas un roman « et détruit l'illusion romanesque en se réclamant de la vérité. Et pourtant, le lecteur a le sentiment de lire un véritable roman, et même plusieurs romans enchevêtrés. Sans le dire, le texte cède aux prestiges de la fiction : prolifération d'histoires, afflux de personnages, symboles et coïncidences, rythmes narratifs... Page après page se trame un tissu bariolé mais solide. Par là même, Jacques reste en deçà des vertiges contemporains : jeux de miroirs à la Borges, auto-représentation (Ricardou) ou auto-destruction du récit (Sollers). S'il brise la continuité de l'histoire princi­pale en multipliant les histoires enchâssées, Jacques n'ap­porte pas un principe d'organisation narrative radicalement nouveau. Il s'en tient à un va-et-vient pédagogique entre énoncé et énonciation, entre histoire et narration : l'auteur transgresse une règle pour en démontrer l'arbitraire, exhibe un procédé pour en révéler l'artifice. Récit réfléchi, récit réflexif, Jacques nous enseigne à lire, à nous défier du roman comme pratique consacrée de l'illusion, à n'être dupes ni des mots ni du réel (cf. ch. 4 et 8). Ce récit paradoxal fait l'éducation de ses lecteurs.

 

Epopée d'apprentissage (Télémaque) ou récit de forma­tion (L'Ingénu, Candide, La Nouvelle Héloïse), le roman philosophique tendait à relater une transformation des personnages par l'expérience de la vie. Or ni Jacques ni le maître n'évoluent vraiment (cf. ch. 10). L'être éducable, ici, c'est... le lecteur. C'est pourquoi il faut se méfier des interprétations qui ramènent Jacques au roman empiriste, voir « expérimental «. Si expérience il y a, elle ne porte

« L'Opéra de quat 'sous 1 313 dépravées de la haute société, la version de Brecht et de Weill, puisant largement dans la tradition du cabaret expressionniste alle­ mand, constitue davantage un brillant réquisitoire contre une société pourrissante, contaminée encore par la montée sournoise du nazisme.

Parce qu'elle met en scène des éléments de la fange de la société, elle renoue avec 1' esprit de 1'. »

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