Devoir de Philosophie

RACINE ET LA TRAGEDIE FRANCAISE

Publié le 05/04/2011

Extrait du document

racine

   Ce qui fait l'intérêt de Racine dans cette étude, c'est qu'il est un très grand poète tragique, sans doute, mais aussi le plus classique peut-être de nos auteurs ; peu d'hommes ont réussi à isoler une inspiration littéraire avec autant de rigueur que lui, à faire une tragédie qui soit aussi exclusivement tragique. Son œuvre nous montre donc jusqu'où peut aller la distinction des genres avec les avantages qu'elle comporte.    • Il a grandi sous la double influence du Jansénisme et de la littérature grecque. Le Jansénisme, pour ne pas limiter la toute-puissance de Dieu, enseignait que les œuvres humaines n'ont aucun poids sur les décisions divines : les hommes sont d'avance, et quoi qu'ils fassent, damnés ou élus. Cette croyance à la prédestination remplace en fait la Providence par une fatalité de type tragique. En même temps, Racine découvrait dans le théâtre grec des exemples concrets d'une fatalité assez semblable par sa rigueur, mais plus sensible, moins métaphysique et par là-même plus séduisante.

racine

« D'Hermione, par exemple, nous savons seulement comment l'amour-propre pervertit l'amour et exaspère la jalousiejusqu'au crime.

Dans la vie réelle, des jeunes filles comme Atalide ou Aricie ne manqueraient pas de s'intéresser à ladernière mode des manteaux et des chapeaux; mais cela n'est pas tragique et jamais Racine ne nous présente deces bavardages, comme on en trouve au premier acte de Marion Delorme. On voit donc avec quelle rigueur Racine soumet son sujet à l'esthétique du dépouillement.

Il en est de même pour lavaleur artistique qu'il donne à son œuvre, elle n'est que tragique. 1° L'inspiration comique ne se développe jamais chez Racine.

Or les sujets raciniens ne sont pas spécialementtragiques.

Mithridate n'est pas loin de L'Avare de Molière ; Andromaque serait un bon sujet pour Marivaux; on feraitfacilement une comédie légère avec la donnée initiale de Bajazet ou de Phèdre; on trouve même telle réplique quipourrait figurer dans une comédie, par exemple ce souhait de Pyrrhus à propos d'Hermione et d'Oreste : Ah ! qu'ils s'aiment, Phœnix, j'y consens.

Qu'elle parte ! Que, charmés l'un de l'autre, ils retournent à Sparte! Tous nos ports sont ouverts et pour elle et pour lui. En fait, de tels passages ne font pas rire, car dès la scène d'exposition, l'âpreté des passions, les menaces de mort,la présence de la fatalité, la solennité du discours, tout nous a situés dans un monde d'où le rire est exclu. 2° On trouve bien chez Racine quelques passages lyriques (invocation de Phèdre), mais ils sont trop brefs pour ralentir le drame; il ne s'agit pas de brillants hors-d'œuvre, mais du lyrisme involontaire qui jaillit de l'action et qui marque l'instant où le héros prend conscience deson malheur.

Quand Phèdre invoque Vénus, elle constate sa déchéance, et cette constatation détermine sonattitude ultérieure.

En ce sens, le lyrisme est un aspect de l'action intérieure ; c'était déjà vrai chez Corneille où lesstances (Le Cid, Polyeucte) sont une délibération et une lutte ; mais Corneille isolait encore des points d'orguelyriques en leur donnant un rythme spécial; Racine s'interdit ces couplets à part et mêle étroitement le lyrisme audialogue. 3° Il en est même pour l'épopée : quand Hermione demande à Oreste de tuer Pyrrhus, Oreste imagine aussitôt uneautre guerre de Troie dirigée contre Pyrrhus, solution qui infléchirait la pièce vers l'épopée; mais Hermione refuse, etce refus conserve au sujet son caractère tragique : Tirais attendre ailleurs une lente vengeance, Et je m'en remettrais au destin des combats, Qui peut-être à la fin ne me vengerait pas ! Cette volonté de s'en prendre à un seul individu révèle et rend plus effrayante la haine d'Hermione, plus pitoyableaussi la situation d'Oreste; la tragédie gagne incontestablement à refuser la tentation épique. 4° Racine écarte aussi de sa tragédie l'inspiration romanesque, et d'abord dans les détails.

Au début d'Andromaque,les voyages d'Oreste pourraient être prétexte, comme les aventures de Sévère, chez Corneille, à un long récitromanesque ; en fait, que sait-on du voyage d'Oreste ? Que son amour, c'est-à-dire son malheur, ne l'a jamaisquitté.

Ce refus du romanesque est plus net encore si l'on considère l'ensemble d'une pièce.

Nous avons vucomment Corneille devait accumuler les événements extraordinaires pour obtenir une donnée tragique; les sujets deRacine sont au contraire d'une déconcertante simplicité : qu'arrive-t-il à Roxane, Hermione Phèdre? Simplementqu'elles ne sont pas aimées de celui qu'elles aiment.

Ce malheur initial est presque la seule part que Racine accordeau hasard dans l'élaboration de sa tragédie. Devant une intrigue aussi simple, la curiosité perd ses droits; il n'est plus guère question de savoir quelle péripétieva faire avancer l'action, mais seulement jusqu'où ira le malheur, jusqu'à quel point la tragédie sera tragique. On voit donc avec quelle rigueur Racine s'est imposé l'esthétique du dépouillement et a pratiqué la distinction desgenres.

Pour être tout à fai: exact, ne disons pas qu'il supprime tout élément romanesque, lyrique ou épique ; à lalimite, ce n'est guère possible; disons plutôt qu'il les réduit au minimum et qu'il les utilise toujours pour l'effettragique.

Un peu comme dans les cathédrales ogivales, la peinture dès vitraux, la musique des orgues, la sculpture,tous les arts en un mot, sont mis au service de l'architecture; de même chez Racine, comique, lyrisme, épique,romanesque n'ont plus d'existence autonome, mais sont les serviteurs de la tragédie. En réduisant ainsi la part du romanesque, Racine s'interdit de faire une tragédie d'intrigue; il faut donc qu'il aitrecours à la fatalité du caractère.

On trouve bien chez lui quelques éléments fortuits : retour de Mithridate ou deThésée, arrivée d'Orcan, mais ils précipitent le drame sans en modifier le schéma : même sans le retour de Thésée,Phèdre connaîtrait la jalousie et le désespoir.

Les événements inattendus corsent l'action chez Racine, ils ne la. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles