Ricardou: aventure et écriture
Publié le 14/09/2015
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Dans ses Problèmes du Nouveau Roman (1967), Jean Ricardou analyse en parallèle le texte de Description panoramique d’un Quartier moderne (Ollier) et celui de La Jalousie (Robbe-Grillet). La confrontation de ces deux textes est pour lui l’occasion de considérations plus générales sur le roman qu’il résume ainsi : « Ainsi un roman est-il pour nous moins l'écriture d’une aventure que l’aventure d’une écriture. »
«Enfin, la fiction, nous l’avons vu, est soumise à deux mobiles contraires : l’un, illusionniste, tend à réduire la présence du texte en fascinant le lecteur avec des événements. Ainsi arrive-t-il à Homère de dissimuler la nécessaire succession descriptive sous une contingente suite de gestes. Pour cette diversion, le récit se veut surtout, selon la formule, l’écriture d’une aventure. Inversement, s’il choisit de décrire une simultanéité, Flaubert fait paraître, pur de toute succession anecdotique, le mouvement descriptif lui-même. Pour cet index, le récit s’ofFre plutôt comme l’aventure d’une écriture. »
«
la réalité -celle d'une aventure, d'une intrigue -
puisse être rendue par
le biais de la littérature.
Ce
qu'affirment les nouveaux romanciers, c'est que la litté
rature n'est pas traduction du réel, mais production du
texte.
Ainsi vouloir ramener
le texte à une quelconque
réalité extérieure, c'est ignorer
ce qui fait sa spécificité.
On n'est pas très loin, on le voit, de la conception que,
dans
le champ de la poésie, avaient élaborée à la fin du
XIXe siècle les symbolistes : tout comme la poésie, le
roman se fait non avec des idées mais avec des mots
(voir
« Poésie >>).
Renonçant à être l'écriture d'une aventure, le roman
doit donc se vouloir l'aventure d'une écriture, c'est-à
dire qu'il doit s'assumer comme production de langage,
prendre conscience que
ce sont les mots qui constituent
sa véritable réalité.
C'est
le programme esthétique
qu'en tout cas Jean Ricardou s'est assigné
à lui-même
dans ses propres romans comme
La Prise de Constanti
nople
(1965) ou Les Lieux-dits (1969), fictions ne ren
voyant à aucune intrigue réaliste mais générées par un
système purement interne au texte .
..,_ Le nouveau roman naît dans les années 50 avec la
publication de textes tels que
Les Gommes de Robbe
Grillet en
1953 ou La Modification de Butor en 1957 et
le retentissement que le monde littéraire -critique ou
élogieux selon les cas -leur donne.
Comme la plupart
des mouvements littéraires, le nouveau roman ne se
laisse que difficilement saisir.
Comme l'affirmait Ro
land Barthes, un des premiers défenseurs de ces textes,
dans un article de
1958 repris dans ses Essais critiques:
«Il n'y a pas d'école Robbe-Grillet.
>>
S'il y a jamais eu unité de ceux que la presse a nommés
«nouveaux romanciers», cette unité a d'abord été né
gative : elle a consisté dans
le refus des codes tradition-.
»
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