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Sainte-Beuve a écrit : « On a dit, et j'ai moi-même écrit quelque part, que les Jésuites ne firent de réponse directe et en règle aux Provinciales qu'après quarante ans et par la plume du P. Daniel. En parlant ainsi on omet et l'on oublie cette longue et continuelle réfutation qu'en fit Bourdaloue dans sa prédication publique. » (Causeries du Lundi, t. IX, p. 232). Feugère, de son côté, a déclaré : « Bourdaloue, venu trente ans plus tôt, rendait les Provinciales impossibles. » (Bourdal

Publié le 18/02/2011

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On ne saurait parler de la Compagnie de Jésus sans évoquer l'affaire du Jansénisme et ce serait négliger un moment de l'histoire de Port-Royal que de passer sous silence la lutte acharnée, passionnée, que les Solitaires et leurs amis soutinrent contre les Jésuites. Sans doute, les causes profondes de cette rivalité sont complexes; ce qui est clair pourtant, c'est que les hostilités entre les deux partis éclatèrent dès la parution, à Louvain en 1640, de l'ouvrage de Jansénius l'Augustinus.  Fils de la Renaissance, les Jésuites étaient décidés à marcher du même pas que le monde nouveau pour le diriger, et non pas à aller à contre-courant. « Pour conquérir l'Humanisme, ils se firent humanistes; pour conquérir l'homme nouveau, ils reconnurent ses droits et au lieu de bouder la vie nouvelle qui s'organisait, ils cherchèrent à y insérer le Christianisme. « (Calvet, Littérature religieuse de François de Sales à Fénelon, p. 146)

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« accessible au grand public.

Il fallait perdre la Compagnie de réputation, et Pascal, mieux qu'aucun autre, s'y employaavec toutes les ressources de son génie et les accents de sa bonne foi et de sa sainte indignation.

Les Jésuites,selon lui, ne veulent pas corrompre la morale, mais leur désir de dominer le monde les y amène (Ve Provinciale).

Dèslors, les casuistes de la Compagnie passent pour être les seuls responsables du relâchement des moeurs.

Or, dansl'esprit des Constitutions, le but de la Compagnie étant le bien des âmes, il était nécessaire qu'elle eût sesmoralistes pour informer les confesseurs et les rendre plus aptes à mieux remplir le ministère de la confession; l'idéen'était pas nouvelle : les Dominicains organisaient déjà des conférences sur les cas de conscience.

Le rôle descasuistes se bornait à circonscrire la zone du péché et à tracer les limites du devoir et non à fournir une règle de viemorale.

Or, c'est précisément en se servant de ces casuistes que Pascal persifle la Compagnie : ils ont inventé uningénieux système qui permet aux chrétiens de se partager entre Dieu et le monde.

Pascal confond volontairementle précepte et le conseil, isole les citations, les tire à lui, leur fait dire plus qu'elles ne veulent dire; il est alorsinévitable que le coup porte et qu'aux yeux d'un public mal informé la Société de Jésus devienne une société deperversion (XVIIIe Provinciale).

Pascal parlait en chrétien sincère et les Provinciales eurent l'heureux effet d'arrêterles casuistes de la Compagnie sur la pente dangereuse du laxisme; mais elles eurent aussi une conséquencemalheureuse, celle de créer autour du terme de « Jésuite » tout un réseau de subterfuges habiles pour déguiser sapensée et esquiver les prescriptions de la loi morale.

Le public était sensibilisé et l'honneur de la Compagnie atteint. II - LA RIPOSTE DES JÉSUITES : BOURDALOUE Les efforts des Jésuites pour se disculper étaient à l'avance voués à l'échec par une simple et astucieuse notationde Pascal : « Si on leur reproche leur extrême relâchement, ils produisent incontinent au public leurs directeursaustères et quelques livres qu'ils ont faits de la rigueur de la loi chrétienne; et les simples, et ceux quin'approfondissent pas plus avant les choses, se contentent de ces preuves » (Ve Provinciale).

Pour relever le gant,il fallait un homme dont le prestige égalât le succès des Provinciales, dont la logique et la clairvoyance nelaissassent aucun avantage à la pénétration de Pascal; un homme dont la vie fût austère et sainte, dont la parolefût en accord avec les actes et qui fût tout ensemble inflexible et doux, bon et intègre.

Ce champion, l'on s'estcommunément accordé à le trouver en Bourdaloue et Feugère a pu écrire : « Bourdaloue, venu trente ans plus tôt,rendait les Provinciales impossibles.

» (op.

cit., p.217).

Dès 1669, date à laquelle il fit ses débuts à Paris, Bourdalouejouit d'une audience inespérée (cf.

Chansonnier-Maurepas, t.

XXIV fol.

419, Sur la mode des grands chapeaux (lesJésuites)).

Bien que Madame de Sévigné le comparât à « Monsieur Arnauld » (Lettre du 5 mars 1683), un Mémoiretouchant les infractions de la paix clémentine, qui devait être présenté au roi par la duchesse de Longueville (1676),dénonçait Bourdaloue comme le plus violent adversaire du Jansénisme (Arnauld, Œuvres, t.

XV).

Si Bourdaloue nepouvait être suspecté de jansénisme, il ne pouvait l'être non plus de relâchement.

Il présente en effet la loichrétienne, absolue dans son austérité, immuable dans ses prescriptions, également obligatoire pour tous leshommes quels qu'ils soient (cf.

Sermons sur la fausse conscience et sur la préparation à la mort).

Le souci pastoralpeut expliquer l'austérité de la prédication de Bourdaloue : assurément il fallait frapper fort pour ébranler deshommes de plaisir et d'intrigue (cf.

Madame de Sévigné, Lettre du 29 mars 168o).

Dans sa thèse, La prédication deBossuet, M.

Truchet fait observer que « le laxisme ne peut être le fait d'un prédicateur, ou du moins de laprédication.

Si l'on peut psychologiquement imaginer un directeur ou un confesseur indulgent communiquant à tellepersonne en particulier des recettes de facilité, l'on ne conçoit pas qu'elles aient pu faire l'objet d'un enseignementex cathedra.

L'éloquence sacrée doit être exigeante, presque par définition; il lui faut demander le plus pour obtenirle moins.

» (t.

II, p.

71-72).

Remarque judicieuse, mais suffit-elle à expliquer la sévérité de Bourdaloue tant dans saprédication que dans sa direction de conscience? (L'Instruction pour le temps de carême dans laquelle Bourdaloueinterdit même les jeux innocents, les conversations mondaines et les promenades, est un écho étrange et saisissantde ce que Saint-Cyran écrivait à la Princesse de Guéménée en 1642 : « Toute la vie chrétienne doit être une vie depénitence»).

L'explication est à chercher dans le tempérament même du prédicateur, plus austère encore que sadoctrine (cf.

Témoignages du Président Ch.-F.

de Lamoignon, et de la Comtesse de Pringy); ce prédicateur quitonne contre les abus du siècle et qui en dénonce les scandales, ce directeur sévère ennemi du relâchement,s'identifie aux grands Jansénistes, aux Solitaires de Port-Royal dont les pénitences et les vertus forcent l'admiration.C'est, selon l'expression de Madame de Sévigné, un « nouveau Desmares, » ou suivant celle de Sainte-Beuve, « leplus janséniste des Jésuites » (Port-Royal, t.

II, p.

185).

Bourdaloue prêche une morale austère et combat lesmêmes relâchements que ceux que dénonce Pascal.

Mais quelle que soit la force avec laquelle il insiste sur lesprescriptions indispensables de la loi et sur sa redoutable sanction, quelle que soit la rigidité monastique decertaines de ses directives, il est fort loin de porter dans la morale cette intempérance de sévérité et ce rigorismeétroit hors desquels il n'y avait, selon Port-Royal, que relâchement criminel et damnation assurée.

Bourdaloue aconscience d'être sévère, mais sa sévérité n'a rien d'extrême (cf.

Sermons sur la fréquente communion et sur lasévérité de la pénitence).

Ainsi, la morale de Bourdaloue, ne ménageant et ne flattant personne, sut joindre ettoute la douceur et toute la perfection de la loi évangélique : morale austère qui enlevait aux Solitaires de Port-Royal le droit de se dire les seuls gardiens de la morale chrétienne et de formuler les reproches de relâchement quel'on adressait à la Compagnie de Jésus. III.

- DANS QUELLE MESURE LA PRÉDICATION DE BOURDALOUE EST-ELLE UNE RÉFUTATION DES «PROVINCIALES » ? Dans son Panégyrique de saint Ignace, Bourdaloue avait donné le témoignage public de l'affection qu'il portait à la. »

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