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Stendhal (Henri Beyle, dit), LA CHARTREUSE DE PARME & Guy de Maupassant, CHRONIQUES, «Va t'asseoir ! »

Publié le 26/09/2010

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stendhal

 

Stendhal (Henri Beyle, dit), LA CHARTREUSE DE PARME

La Chartreuse de Parme Dès que ce ministre fut sorti, une porte secrète introduisit chez le prince le fiscal général Rassi, qui s'avança plié en deux et saluant à chaque pas. La mine de ce coquin-là était à peindre ; elle rendait justice à toute l'infamie de son rôle ; et, tandis que les mouvements rapides et désordonnés de ses yeux trahissaient la connaissance qu'il avait de ses mérites, l'assurance arrogante et grimaçante de sa bouche montrait qu'il savait lutter contre le mépris. Comme ce personnage va prendre une assez grande influence sur la destinée de Fabrice' , on peut en dire un mot. Il était grand, il avait de beaux yeux fort intelligents, mais un visage abîmé par la petite vérole ; pour de l'esprit, il en avait, et beaucoup et du plus fin ; on lui accordait de posséder parfaitement la science du droit, mais c'était surtout par l'esprit de ressource qu'il brillait. De quelque sens que pût se présenter une affaire, il trouvait facilement, et en peu d'instants, les moyens fort bien fondés en droit d'arriver à une condamnation ou à un acquittement ; il était surtout le roi des finesses de procureur. A cet homme, que de grandes monarchies eussent envié au prince de Parme, on ne connaissait qu'une passion : être en conversation intime avec de grands personnages et leur plaire par des bouffonneries. Peu lui importait que l'homme puissant rît de ce qu'il disait, ou de sa propre personne, ou fît des plaisanteries révoltantes sur Mme Rassi ; pourvu qu'il le vît rire et qu'on le traitât avec familiarité, il était content. Quelquefois le prince, ne sachant plus comment abuser de la dignité de ce grand juge, lui donnait des coups de pied ; si les coups de pied lui faisaient mal, il se mettait à pleurer. Mais l'instinct de bouffonnerie était si puissant chez lui, qu'on le voyait tous les jours préférer le salon d'un ministre qui le bafouait, à son propre salon où il régnait despotiquement sur toutes les robes noires du pays. Le Rassi s'était surtout fait une position à part, en ce qu'il était impossible au noble le plus insolent de pouvoir l'humilier ; sa façon de se venger des injures qu'il essuyait toute la journée était de les raconter au prince, auquel il s 'était acquis le privilège de tout dire ; il est vrai que souvent la réponse était un soufflet bien appliqué et qui faisait mal, mais il ne s'en formalisait aucunement. La présence de ce grand juge distrayait le prince dans ses moments de mauvaise humeur, alors il s 'amusait à l'outrager. On voit que Rassi était à peu près l'homme parfait à la cour : sans honneur et sans humeur.

Guy de Maupassant, CHRONIQUES, «Va t'asseoir ! «  

Outre ses activités de romancier et de nouvelliste, Guy de Maupassant pratiqua le journalisme avec brio, sans sacrifier à l'opportunisme : ses articles saisissaient sur le vif des faits de société exemplaires à valeur générale. En voici un exemple.

Va t'asseoir!

Quel triste métier, vraiment, que celui d'homme politique ! Je ne veux point parler, bien entendu, des saltimbanques de la chose, de ceux qui font uniquement du trapèze avec les élections. Ceux-là ne sont jamais à plaindre, quoi qu'il arrive, et ils forment assurément la grosse majorité des Parlements. Petits journalistes sans talent, petits avocats sans murs et sans veuves, petits médecins sans moribonds, ils demandent à un métier facile d'escamoteur le pain que ne donnent point aux avortés les professions naturelles. Le procédé est commode. Dès qu'ils se sentent impuissants dans les fonctions normales que remplissent les simples bourgeois, ils se mettent à crier, d'une voix claire et retentissante : « Vive le peuple ! « Rien que ça. On leur demande leurs idées, leur programme, leurs croyances. « Vive le peuple ! « Au Parlement, ils servent, dans chaque discussion, un gros « Vive le peuple ! « avec quelques légumes autour. S'ils sont menacés, ils descendent dans la rue en hurlant : « Vive le peuple ! « Et lui, le peuple malin, se dit : « Pourvu qu'ils crient toujours comme ça, ça me suffit, à moi. « Mais ils vieillissent. Leur voix s'éraille, grouille dans leur gorge ; et ils s'époumonent encore à grogner, sur le ton enroué des ivrognes à perpétuité : « Vive le peuple ! « Et le peuple rit. Il les reconnaît à l'intonation et murmure : « Ça, c'est un solide ; votons pour lui. « Et il vote. Ainsi l'on voit, du berceau à la tombe, siéger les mêmes ganaches ânonnantes et sans cesse furibardes, qui perdent un à un tous leurs cheveux sur le dossier du même fauteuil, au Parlement. Elles deviennent alors les vieilles barbes, les vieilles barbes, immortelles tout comme les principes de 89. La pépinière est fournie, ne nous occupons point de ceux-là. Parmi les jeunes siégeant aujourd'hui, il y en a qui siégeront encore dans quarante ans. Parlons des autres, des convaincus, des naïfs, des honnêtes, de ceux qui croient à la politique, au peuple, aux principes, au progrès, à la sagesse, à la puissance de la raison, à toutes les blagues sonores et vénérables, qui forment le fond de la malle politique d'un républicain sincère. Oh ! les pauvres diables, quelle tête piteuse ils doivent faire le jour où le peuple souverain leur dit plaisamment, as dans un moment de caprice et de gaieté : « Va t'asseoir ! « Ils ont travaillé en conscience, étudié, pioché : ils sentent vraiment battre leur coeur en prononçant ce mot « la République « ; car ils ont collaboré à sa naissance et à son élevage ; et voilà que ce grand Manitou de suffrage universel leur crie au nez : « Va t'asseoir. «

I. Questions

1. Identifiez les différents types d'hommes politiques distingués par les auteurs. 2. Relevez les termes et les expressions qui reviennent dans les deux textes. Expliquez les effets produits par ces répétitions. 3. Identifiez et justifiez les principales figures de rhétorique utilisées par les deux auteurs. 4. Quel(s) registre(s) de langue ces textes exploitent-ils ? (Identifiez, entre autres, le champ lexical du dénigrement dans le texte de Stendhal.) A quelles fins ?

II. Travaux d'écriture

1. Les portraits que les auteurs brossent de certains hommes politiques vous semblent-ils véridiques ? Analysez et commentez les textes en une cinquantaine de lignes. 2. Aristote, un philosophe grec, pensait que l'homme est un « animal politique «, autrement dit qu'il ne devient homme que dans la cité où il exerce ses droits. Après avoir défini avec rigueur le terme POLITIQUE (de POLIS, qui, en grec, signifie « cité «), vous confronterez cette thèse aux positions de Stendhal et de Maupassant. Vous produirez une réponse organisée en une quarantaine de lignes ou plus.

 

L'évocation de la principauté de Parme fournit à Stendhal l'occasion de faire un portrait charge de l'homme politique incarné, notamment, par Rassi.

stendhal

« Oh ! les pauvres diables, quelle tête piteuse ils doiventfaire le jour où le peuple souverain leur dit plaisamment, as dans un moment de caprice et de gaieté : « Va t'asseoir! »Ils ont travaillé en conscience, étudié, pioché : ils sentent vraiment battre leur coeur en prononçant ce mot « laRépublique » ; car ils ont collaboré à sa naissance et à son élevage ; et voilà que ce grand Manitou de suffrageuniversel leur crie au nez : « Va t'asseoir.

» I.

Questions 1.

Identifiez les différents types d'hommes politiques distingués par les auteurs.2.

Relevez les termes et les expressions qui reviennent dans les deux textes.

Expliquez les effets produits par cesrépétitions.3.

Identifiez et justifiez les principales figures de rhétorique utilisées par les deux auteurs.4.

Quel(s) registre(s) de langue ces textes exploitent-ils ? (Identifiez, entre autres, le champ lexical du dénigrementdans le texte de Stendhal.) A quelles fins ? II.

Travaux d'écriture 1.

Les portraits que les auteurs brossent de certains hommes politiques vous semblent-ils véridiques ? Analysez etcommentez les textes en une cinquantaine de lignes.2.

Aristote, un philosophe grec, pensait que l'homme est un « animal politique », autrement dit qu'il ne devienthomme que dans la cité où il exerce ses droits.

Après avoir défini avec rigueur le terme POLITIQUE (de POLIS, qui,en grec, signifie « cité »), vous confronterez cette thèse aux positions de Stendhal et de Maupassant.

Vousproduirez une réponse organisée en une quarantaine de lignes ou plus. Question 1 : Identifiez les différents types d'hommes politiques distingués par les auteurs. Stendhal évoque un seul personnage politique, « le fiscal général Rassi », autrement dit « l'ignoble » personnagechargé de relever les impôts — qui ne font plaisir à personne.

L'auteur prend donc parti pour accabler, sous lacharge, un personnage déterminé par « toute l'infamie de son rôle » (l.

5) : vu ses fonctions, il ne saurait être qu'uncoquin mais un coquin compétent.

En effet, le narrateur de Stendhal lui reconnaît (pour aussitôt les remettre encause par l'utilisation qu'il en fait) une belle allure, un regard intelligent et de l'esprit.

Toutes ces belles qualités, «que de grandes monarchies eussent envié au prince de Parme » (l.

22), sont gâchées par la passion de serapprocher à tout prix du pouvoir.

Ainsi, quelque brillant politique qu'il soit, Rassi incarne un personnage complaisanten proie à « l'instinct de bouffonnerie » (l.

33) : il dégrade sa belle nature et devient un vil courtisan, « sanshonneur et sans humeur » (l.

47). C'est cette confusion de deux statuts qui, selon Stendhal, contribue à dévaluer l'homme politique : celui-ci seconduit comme s'il se trouvait sous la coupe d'un monarque dont il convient de s'attirer les faveurs, alors qu'ildevrait appliquer la loi avec conscience.

Voilà ce qui définit les origines d'une tyrannie qui dénature les rapportssociaux et humains dans la mesure où, délateur parce que complaisant, Rassi impose aux nobles le silence.Maupassant, lui, définit une sorte de typologie (ou série de types) politique : dans la catégorie « homme politique »,il distingue les « saltimbanques » (l.

3) des honnêtes convaincus.

Les premiers, majoritaires, sont venus à lapolitique faute de mieux : ce sont des ratés « impuissants » (l.

12) à remplir un autre rôle (« Petits journalistes sanstalent, petits avocats sans murs et sans veuves, petits médecins sans moribonds », l.

7).

Ces individus, sansqualité, sans idée, sans conviction, manipulent sans vergogne le peuple tout aussi ignorant qu'eux en répétant àl'envi « Vive le peuple » (l.

15 à 25).

Ces hommes politiques sclérosés s'apparentent quelque peu à Rassi, mis à partle fait que Maupassant ne leur accorde aucune qualité : ils se ressemblent parce qu'ils apparaissent comme desbouffons.

D'un texte à l'autre, la référence a changé : au prince succède le peuple, qui, lui, apparaît commetotalement stupide.

En fait, Rassi a encore l'avantage d'être complaisant vis-à-vis d'un supérieur ; les «saltimbanques » de la politique sont de véritables néants.

Ce vide intérieur les aide à donner le change car, pourl'auteur, la réussite, en politique, vient de l'insignifiance.Maupassant évoque une autre catégorie de politiques : il parle « des convaincus, des naïfs, des honnêtes » (l.

37).Ceux qui, dotés de convictions, s'efforcent d'oeuvrer vraiment en faveur du peuple et s'avèrent totalementincapables de le séduire — ce qui le discrédite.

Mais ils n'en apparaissent pas pour autant comme des êtressupérieurs, bien au contraire.

Maupassant les donne comme des êtres stupides, des besogneux, « pauvres diables »(l.

43) croyant aux vieilles lunes dont la liste édifie le lecteur : a la politique [...] raison ».

En somme, bien du tempss'est écoulé depuis le XVIIIe siècle : le temps n'est plus où Rousseau ou Condorcet espéraient un avenir radieux.Mais Maupassant est un pessimiste formé à l'école de Flaubert. Question 2: Relevez les termes et les expressions qui reviennent dans les deux textes.

Expliquez les effetsproduits par ces répétitions.. »

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