Devoir de Philosophie

Textes de MONTAIGNE et de VAUVENARGUES sur l'ambition.

Publié le 15/02/2011

Extrait du document

montaigne

MONTAIGNE. « de la présomption «. (II-17). Quant à l'ambition, qui est voisine de la présomption, ou fille plutôt, il eût fallu, pour m'avancer, que la fortune me fût venu quérir par le poing. Car, de me mettre en peine pour une espérance incertaine et me soumettre à toutes les difficultés qui accompagnent ceux qui cherchent à se pousser en crédit sur le commencement de leur progrès, je ne l'eusse su faire: spem pretio non emo (== je n'achète pas l'espérance à ce prix) Térence.

Je m'attache à ce que je vois et tiens, et ne m'éloigne guère du port, Alter remus aquas alter tibi radat arenas ( = que l'une de tes rames batte les flots, que l'autre frôle le sable. Properce) Et puis on arrive peu à ces avancements qu'en hasardant premièrement le sien (1), et je suis d'avis que, si ce qu'on a suffit à maintenir la condition en laquelle on est né et dressé (2), c'est folie d'en lâcher la prise sur l'incertitude de l'augmenter (3). Celui à qui la fortune refuse de quoi planter son pied et établir un être (4) tranquille et reposé, il est pardonnable s'il jette au hasard ce qu'il a, puisqu'ainsi comme ainsi (5) la nécessité l'envoie à la quête (6). Capienda rébus in malis praeceps via est. (= dans le malheur, il faut prendre des chemins hasardeux.) Sénèque. Et j'excuse plutôt un cadet de mettre sa légitime (7) au vent que celui à qui l'honneur de la maison est en charge, qu'on ne peut voir nécessiteux qu'à sa faute (8). J'ai bien trouvé le chemin plus court et plus aisé (9), avec le conseil de mes bons amis du temps passé (10), de me défaire de ce désir et de me tenir coi, Cui sit conditio dulcis sine pulvere palmae : (= pour jouir d'une condition douce sans affronter la poussière de la victoire. Horace) jugeant ainsi bien sainement de mes forces qu'elles n'étaient pas capables de grandes choses... Turpe est quod nequeas capiti committere pondus, Et pressum inflexo mox dare terga genu. (= il est honteux de se charger la tête d'un poids que l'on ne saurait porter, pour fléchir ensuite les genoux sous le fardeau et tourner les talons. Properce.)   

montaigne

« procurent et à l'activité qu'elles suscitent, les réhabilite.

Ainsi l'ambition est condamnée par Montaigne dans la pagesuivante tirée du chapitre « De la présomption » : « Quant à l'ambition...

—> capitalement ».

Au contraire,Vauvenargues, plus optimiste : « Le défaut d'ambition, dans les grands, dit-il...de la gloire ».

Expliquons ces deuxattitudes en nous référant à la philosophie personnelle de ces auteurs, et, grâce aux éléments fournis par l'étude deces deux textes, formulons à notre tour notre opinion sur cet important problème de l'ambition. 1.

— Montaigne et Vauvenargues. 1.

— Montaigne. a) Son point de vue. Montaigne, envisageant son propre cas, rejette délibérément l'ambition dont il ne peut supporter ni les inconvénientsni l'immoralité foncière.

Selon lui la part du hasard est telle que l'ambition est souvent une duperie : (« espéranceincertaine...

incertitude de l'augmenter...

s'il jette au hasard ce qu'il a...

mettre sa légitime au vent..).

Cela étant «si ce qu'on a suffit, (et c'est le cas de Montaigne), c'est folie d'en lâcher la prise sur l'incertitude de l'augmenter ».Que de tracas intolérables en outre ! (« de me mettre en peine...

et me soumettre à toutes les difficultés...

je nel'eusse su faire...

»).

Enfin Montaigne éprouve une violente répulsion pour les vices qui, selon lui, provoquentl'ambition ou permettent sa réalisation : («...

voisine de la présomption, ou fille plutôt...

; (ses) qualités...

inutiles ;...

cette nouvelle vertu de feintise et dissimulation,...

je la hais capitalement.

») b) Cette attitude de Montaigne et la morale des « Essais ». Nous retrouvons bien dans cette attitude : — le souci constant de Montaigne d'assurer sa tranquillité morale par le rejet de tout excès, de toute déraison : «Les plus belles vies sont, à mon gré, celles qui se rangent au modèle commun et humain, avec ordre, mais sansmiracle et sans extravagance ».

L'ambition est précisément une « extravagance » dont il faut se méfier. — l'habitude qu'a Montaigne de faire parallèlement l'apologie de sa propre méthode et la critique de ce que font sescontemporains (« en ce siècle...

cette vertu de feintise et dissimulation qui est à cette heure si fort en crédit...

»),ce qui laisse supposer que son attitude est, pour une bonne part, une attitude de réaction.

Montaigne s'élèvecontre un défaut qui sévit à son époque.

En effet, dans les chefs de partis religieux, il voit des chefs de partispolitiques, et il met sur le compte de l'ambition des grands (et des bas instincts des troupes) les misères des guerresde religion.

Son style traduit bien l'ardeur de sa lutte : il se fait plus « soldatesque », plus combatif que jamais(insistance sur l'incertitude des avantages offerts par l'ambition ; termes vigoureux : « c'est folie...

» ; imagesvéhémentes : « quérir par le poing »...

« jette au hasard ce qu'il a...

» « mettre sa légitime au vent...

»).

Voilà sansdoute pourquoi sont laissés dans l'ombre les beaux côtés de l'ambition...

que Vauvenargues mettra en vedette. — enfin ses qualités de bon sens (prudence) de jugement (n jugeant aussi bien sainement de mes forces...

»,), savolonté (il en faut pour « se défaire de ce désir »), son sens moral profond (haine du mensonge et de l'orgueil), safréquentation salutaire des Anciens, « ses bons amis du temps passé », dont les citations émaillent son texte. 2.

— Vauvenargues. a) Son point de vue. Vauvenargues envisage lui aussi un cas particulier : celui des grands qui, — comme Montaigne, — n'ont pas besoindes avantages que procure l'ambition.

Il n'en est pas moins très favorable à l'ambition : — parce qu'elle développe des qualités que les grands ne posséderaient pas sans elle : elle les rend « laborieux » : ilest exact que si l'ambitieux veut réaliser de grandes choses, il doit se dépenser ; « accessibles », « serviables » :l'ambitieux qui a besoin d'autres hommes pour parvenir à ses fins peut se les attacher par son affabilité et ses bonsoffices ; « honnêtes » : s'ils aspirent à une gloire de bon aloi.

Ainsi Louis XIV, avide de gloire, prend à cœur son «métier de roi », s'attache à développer la prospérité de son royaume (Colbert), protège les artistes qui contribuentau prestige de son règne (Molière...).

Inversement Louis XV ne possède ni l'ambition...

ni les qualités de sonprédécesseur. — parce qu'elle est le signe d'une « âme forte » : il y a du courage, selon Vauvenargues, à affronter les difficultésqui rebutaient Montaigne, à vaincre les obstacles. — parce qu'elle procure des satisfactions puissantes.

Dans sa seconde maxime, Vauvenargues a choisi l'époque despremiers succès, c'est-à-dire le moment où les rêves n'ont rien perdu de leur prestige, où la fatigue, les sollicitationsmauvaises ne se manifestent guère, où la victoire a le charme de la nouveauté. b) Cette attitude de Vauvenargues et la morale des Maximes. Nous retrouvons dans cette attitude :. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles