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Un roman sur l'amour - Voyage au bout de la nuit (Céline)

Publié le 16/09/2018

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amour

AMOUR ET VÉRITÉ

La seconde opposition importante entre les deux femmes vient de la claire franchise de l'une et du mensonge où est enfoncée l'autre. Écoutons Robinson s'adressant à Madelon : « Tous les sentiments que tu vas chercher pour que je reste avec toi collé, ça me fait l'effet d'insultes si tu veux savoir... Et tu t'en doutes même pas non plus parce que c'est toi qui es une dégueulasse parce que tu t'en rends pas compte... Et tu t'en doutes même pas non plus que tu es une dégoûtante !.. . [. . . ] Ou bien c'est-y que tu vois rien ? ... Je crois plutôt que tu t'en fous !... Tu fais la sentimentale pendant que t'es une brute comme pas une... » (p. 618-619). C'est clair : Madelon se ment à elle-même et veut imposer son mensonge à Robinson ; elle ne sait que déguiser les réalités de la chair derrière un leurre de grands sentiments.

 

En regard, la « bonne », l' « admirable » Molly ne cache rien et avoue en toute lucidité ce que sont l'homme et la femme en face l'un de l'autre. En acceptant franchement l'amour physique, elle s'unit avec Ferdinand par un lien pur de toute hypocrisie. Ainsi elle lui apporte ce qu'il cherche, car, nous l'avons déjà dit, Bardamu ne se soucie guère que de ce que les femmes peuvent donner aux hommes et Céline ne semble jamais avoir soupçonné l'existence du problème inverse, même en pensant à Mme Bonnard. Or, ce dont les hommes ont besoin, pour Céline, et cela dès la thèse du Dr Destouches, c'est de transgresser une logique étroite qui est selon lui celle des hommes de science. Céline a été hanté par le besoin de faire sa part à l'irrationnel. Molly va donner à Bardamu la possibilité d'atteindre ce pays au-delà de la raison masculine. D'abord par la simple proposition de sa beauté. Dans L'Église, une pauvre petite Janine s'offrait à Bardamu et il ne la prenait pas parce qu'elle était laide, et il lui expliquait que la beauté ne ment pas et ne se justifie pas. Aucun discours ne peut rendre compte de la beauté. Dès lors la raison de vivre de l'homme, si tant est qu'il en ait une, sera de perpétuer la joie que lui a donnée un corps féminin parfait. Parlant de Molly, Bardamu nous confie : « J'ai gardé tant de beauté d'elle en moi, si vivace, si chaude que j'en ai bien [...] pour au moins vingt ans encore, le temps d'en finir » (p. 301 ). Surtout la femme apporte à l'homme l'instant de déraison de l'acte sexuel. Comme toujours, c'est dans L'Église que nous

amour

« jeu nesse >>(p.

292).

Quoi qu'il en soit, ce sont les deux hom­ mes qui s'enfuient, car c'est bien le désir de s'échapper à tout prix qui amènera Robinson à provoquer les coups de revolver de Madelon lorsqu'il ne verra plus d'autre moyen d'être débar­ rassé d'elle.

Cette analogie de situation montre à elle seule que l'amour est vu du point de vue de l'homme.

AMOUR ET LIBER TÉ Dès lors, à travers l'opposition trait pour trait entre deux pers onnages féminins, par l'éloge de l'un et la condamnation de l'autre, le texte va laisser entendre ce qu'on demand e à une femme dans les rapports amoureux.

Tout d'abord Made­ lon est insu pportable parce qu'elle veut imposer à Robins on sa conception de l'amour et sa présence constante.

Que l'on relise les explications de Robinson p.

564 sqq.

jusqu'à la con­ clusion : " On peut dire qu 'elle était amour euse et bien emmer­ dante >> (p.

571 ).

Si nous cherchons en quoi Molly diffère des autres femmes, nous nous apercevons qu'elle laisse autr ui, et Fer dinand en part iculier, toujours parfaitement libre :«Vous faites, n'est-ce pas, Ferdinand, exactement ce que vous avez bien envie de faire ? Voilà ce qui est important ...

>> (p.

300) .

La forme interrogative prouve la nature de l'inq uiétude : si Fer­ dinand ne se trompe pas sur lui- même, alors Molly n'a pas à juger la conduite de son ama nt.

Or, Bardamu a véritable­ ment été perverti par la rencontre de Lola : cette femme avait exigé de notre héros qu'il fût absolument conforme à l'image qu 'elle s'était forgée du soldat en allant jusqu'à être sûre d'a vance que son Ferdi nand est bon tireur (p.

79).

Après cela Bar damu aura besoin d'avoir la preuve que le libéralisme de Moll y n' est pas seulement verbal.

L'uni que vraie preuve que celle-ci puisse donner de son respect pour la volonté de l'autre, c'e st de le laisser s'éloigner et rentrer en Europe.

Voilà la " gentille sse>> de Moll y (p.

301 ).

Il n' y a entre Molly et Ferdi­ nand qu'une scène d'amour possible, c'est la scène de rupture.

L'amour n'est le plus fort des liens que s'il n'empêche pas une parfaite liberté.

Constatons que ni Bardamu ni Robins on ne trouvent de solution à cette contradiction.. »

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