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VIGNY ET SES LEÇONS: LA BEAUTE ET L'ATTICISME

Publié le 27/06/2011

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vigny

Alfred de Vigny cherchait un nom pour la philosophie nouvelle qu'il rêvait de promouvoir parmi les hommes. Il trouva, vers 1845, celui d'atticisme. En se mettant ainsi sous le signe de la Grèce, il rendait hommage à ce paganisme dont Julien l'Apostat avait voulu défendre contre toute barbarie le génie vacillant. Fidèle à l'esprit païen, il désignait dans le même terme un idéal esthétique et un idéal moral : « L'Atticisme est l'amour de toute beauté «, proclame-t-il ; et il songe à la « beauté des actions «, qui rend « la vie d'un homme digne de mémoire «, autant qu'à la « beauté des pensées «, qui « a pour fin la poésie la plus parfaite «. En cet atticisme se rejoignent les diverses leçons qu'il laisse à la postérité.

vigny

« annoncer parfois, quoique adversaire de l'Art pour l'Art, l'idéal de rigueur marmoréen que se proposeront, après lui,les Parnassiens : un poème, pour lui, doit être taillé, poli et limé « comme un marbre de Paros ».L'élaboration de l'œuvre est longue et pénible.

Vigny « perfectionne longuement le moule de la statue ».

Souventl'expression se dérobe ou s'embarrasse.

Souvent le symbole un moment choisi se révèle compliqué ou confus.

Ainsicelui du Compas :La pensée est semblable au compas qui perce le point sur lequel il tourne, quoique sa seconde branche décrive uncercle éloigné.

L'homme succombe dans son travail et est percé par le compas ; mais la ligne que l'autre branche adécrite reste gravée à jamais pour le bien des races futures.Combien de poèmes ainsi en germe ne sont pas venus à maturité ! Combien d'idées n'ont pu trouver de vêtement àleur mesure !Mais les réussites sont éclatantes.

Le symbole, alors, simple et profond, se développe avec souplesse, pour traduiretoutes les nuances de l'idée, qui se grave ainsi dans les imaginations et pénètre les mémoires.

C'est, par exemple,celui de Moïse, ou de la Maison du Berger, ou encore celui de la Momie, qui permet au sage Libanius d'illustrer avecéclat son enseignement immortel.

Plus lumineux encore est celui de cette Bouteille qui se heurte aux glaçons ou auxvagues comme l'œuvre à l'indifférence ou à l'hostilité des foules, avant d'aborder enfin aux rivages de la postérité :elle prend ainsi une vie autonome dans le poème, dont elle est, selon Vigny lui- même, l'héroïne véritable.Ce symbolisme ne se résume pas toujours en une image unique : il épouse souvent la forme du drame.

Vigny se plaîtà mettre sur pied des scènes à grand effet, où s'affrontent des individus, des principes, des civilisations.

Ces scènesrépondent à un dessein général du philosophe : « La pensée pure ne réussit pas, parce que c'est une étude.

— Il lafaut donner en pilule de drame.

» Elles offrent pourtant un intérêt puissant par le seul mécanisme de l'action.

Letroisième acte de Chatterton, où l'on assiste aux suprêmes entretiens du héros avec le Quaker et avec Kitty Bell ; lascène décisive de La Maréchale d'Ancre où Borgia et Concini exhalent leur joie, puis leur rage, en se portantréciproquement des coups meurtriers, atteignent à une rare violence d'émotion.

Mais les récits, autant que lesœuvres conçues pour le théâtre, sont fertiles en scènes proprement dramatiques.

Vigny montre son sens dudialogue dense et fort dans le chapitre de Stella où le père d'André Chénier, par sa malheureuse intervention auprèsde Robespierre, consomme la perte de son fils ; dans le chapitre de La Canne de Jonc où le pape Pie VII oppose sonmépris et son calme superbes aux séductions, puis aux fureurs de Bonaparte ; dans le passage de Laurette où lecapitaine notifie à son jeune passager l'arrêt qui le condamne à mort.

Laurette est sans doute son chef-d'œuvredramatique : la sobriété la plus pure s'y allie avec naturel au pathétique le plus intense.Parfois, le récit ou le dialogue s'interrompt pour faire place au monologue lyrique, où l'écrivain semble s'abandonner àl'ardeur de ses rêves.

La phrase s'allonge en période, dont le rythme entraîne les cœurs ; ainsi dans le célèbre credopoétique de Stello, si émouvant, malgré son vocabulaire un peu vagtie et son éloquence un peu surannée :Je crois en moi, parce que je sens au fond de mon cœur une puissance secrète, invisible et indéfinissable, toutepareille à un pressentiment de l'avenir et à une révélation des causes mystérieuses du temps présent.

Je crois enmoi, parce qu'il n'est dans la nature aucune beauté, aucune grandeur, aucune harmonie qui ne me cause un frissonprophétique, qui ne porte l'émotion profonde dans mes entrailles, et ne gonfle mes paupières par des larmes toutesdivines et inexplicables.

Je crois fermement en une vocation ineffable qui m'est donnée, et j'y crois à cause de lapitié sans bornes que m'inspirent les hommes, mes compagnons en misère, et aussi à cause du désir que je me sensde leur tendre la main et de les élever sans cesse par des paroles de commisération et d'amour.

Comme une lampetoujours allumée ne jette qu'une flamme très incertaine et vacillante lorsque l'huile qui l'anime cesse de se répandredans ses veines avec abondance, et puis lance jusqu'au faîte du temple des éclairs, des splendeurs et des rayonslorsqu'elle est pénétrée de la substance qui la nourrit, de même je sens s'éteindre les éclairs de l'inspiration et lesclartés de la pensée lorsque la force indéfinissable qui soutient ma vie, l'Amour, cesse de me remplir de sachaleureuse puissance ; et lorsqu'il circule en moi, toute mon âme en est illuminée, je crois comprendre tout à la foisl'Éternité, l'Espace, la Création, les créatures et la Destinée ; c'est alors que l'Illusion, phénix au plumage doré, vientse poser sur mes lèvres, et chante.

Mais je crois que, lorsque le don de fortifier les faibles commencera de tarir dansle Poète, alors aussi tarira sa vie ; car, s'il n'est bon à tous, il n'est plus bon au monde.

Je crois au combat éternelde notre vie intérieure, qui féconde et appelle, contre la vie extérieure, qui tarit et repousse, et j'invoque la penséed'en haut, la plus propre à concentrer et rallumer les forces poétiques de ma vie : le Dévouement et la Pitié.A ces savantes cadences, on peut préférer, dans le dernier chapitre de Servitude ou dans le Journal, l'énergiquebrièveté des formules sur l'honneur : « L'honneur, c'est la conscience, mais la conscience exaltée...

L'honneur, c'estla pudeur virile...

L'honneur, c'est la poésie du devoir...

» Leur vertu lapidaire s'apparente à celle qui, dans Moïsedéjà, mais surtout dans Les Destinées, rayonne de certains vers gnomiques : Gémir, pleurer, prier, est également lâche.(La Mort du Loup.)Le Juste opposera le dédain à l'absence.(Le Mont des Oliviers.)Sur la pierre des morts croît l'arbre de grandeur.(La Bouteille à la Mer.) En cristallisant ainsi l'idée, Vigny obtient ce « diamant », cette « perle de la Pensée », dont il a célébré l'éclatmagique.Plus rare encore est le prix de cette souplesse ou de cette fluidité qui, dans La Maison du Berger surtout, rend lesnuances les plus fragiles du sentiment.

L'auteur d'Éloa et du Cor témoignait déjà d'un sens musical très sûr.

Mais lepoète des stances à Éva utilise avec un bonheur beaucoup plus constant les ressources rythmiques, mélodiques ouharmoniques de son instrument.

Dans le vers :. »

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