Vous avez lu le sonnet de du Bellay intitulé : Le beau voyage. - N'avez-vous jamais éprouvé vous-même une impression analogue en retrouvant votre coin familier ? Dans un récit ou une lettre, à votre choix, exprimez tout ce que vous avez ressenti alors.

« - 6:>- dira plus tard Lamartine, et au contraire, la douceur infinie de retrouver le toit où l'on a grandi, les souvenirs des parents dis­ parus, l'atmosphère, enfin, qui a bercé l'enfance et la J•eunes·s·e.

Ce qui fait le charme immortel de cette pièce, c'est qu'elle peint des sentiments qui existent de tous temps.

üe que du llellay a éprouvé, chacun de nous, placé dans les 'memes circonstances, le retrouve en son cœur.

C'est là le caractère e·ssentiel du lyrisme, c'.est en quoi ce genre de poésie ne vieillit pas, puisqu'elle est l'écho direct des s•entiments humains, des émotions de l'àme.

N'avons-nous pas, les uns et les autres, quelque petit coin de France qui évoque à nos yeux tout un cher passé et qu'il nou,s egt doux de revoir? Nous en préférons ·Souvent les :beautés modes­ te:< aux plus splendides paysages, parce que là notre sensibilité trouve indéfiniment à s'enrichir, à s'émouvoir.

Nous y vivons avec plus d'intensité car les pensées d'autrefois s'y unissent pour nous aux pensées d'aujourd'hui, et des ombres chéries le peuplent encore.

Pour moi, c'est une petite ville calme et blanche, du centre de la France, qui vit mes premier.s pas.

La Loire, lente et bleue, baigne ses murs, au pied de sa cathédrale et de son palais ducal; de claires avenues, un grand parc ombreux, une maison ensoleil­ lée, tels sont mes premi·ers souvenirs, aussi loin que je remonte dans mes jours d'enfance.

Ges souvenirs évoquent mes jeux d'alors, le monde immense de l'imagination où évoluaient mes poupées préférées et mon chien fidèle, et plus loin, très loin, dans un halo lumineux, presque féerique, ces terres défendues de l'ave­ nir où « les grandes personnes )) pouvaient, tels des monarques orientaux, faire tout ce qui leur passait par la tête, réaliser tou­ tes leurs fantaisies, tous leur.s caprices ...

Je reviens souvent dans cette petite ville provinciale que la plUr­ part des gens trouv.ent morne et triste.

Pour moi, elle n'est pas ainsi, car le moindre de mes pas y fait lever d'anciens rêves, y évoque ceux qui m'ont quittée.

C'est en contemplant la Loire.

que j'eus, pour la premièr.e fois, 1 'idée d,e la beauté du monde, et main­ tenant que d'autres formes se son'L inscrites dans mes regar•ds, j'aime comparer celle-ci, toujours pareille, avec mes expériences nouvelles, j'aime, devant ce pay.sage qui m'a vue enfant, méditer sur ce que j'ai perdu, sur ce que j'ai gagné, depuis ces jours loin­ tains où je suis partie à la conquête de la vie.

Ces rues silen­ cieuses m'apparaissent toutes frémissant·es, car j'y entends tant de voix qui se sont tues pour toujours et dont l'intonation chère vibre encore en moi 1 Je les écoute auss.i dans ce grand cimetière où dorment les miens, ceux dont la r:::«t a causé ma première dou­ leur, ou même ceux dont je desoends :Jans savoir rien d'autre d'eux que leur nom.

La première impression de beauté, les ·premiers rêv·es, les pre· mières larmes, voilà les soUJVenirs que me réserve mon pays natal.

Du Bellay, exilé, en a surtout senti la douoeur, mais ne recè­ J.ent-ils pas aussi une mélancolie infinie 1. »