Devoir de Philosophie

Vous ferez le commentaire du texte de Balzac, Le Chef-d’œuvre inconnu

Publié le 09/09/2018

Extrait du document

balzac

2. Le regard du romancier et la participation du lecteur...

 

Le narrateur prend alors le relais : il intervient et superpose son regard à celui du peintre ; curieusement, il fait entrer le lecteur dans son récit, fait appel à son imagination par les impératifs successifs qu’il lui adresse (« imaginez ”, « mettez cette tête », « jetez >>) : le lecteur participe ainsi à l’élaboration du portrait.

 

Le narrateur romancier se comporte lui-même en peintre dans la création progressive de ce portrait, traçant des lignes, jouant en virtuose des couleurs - « vert de mer >> -, et des << ombres », des contrastes entre l’éclat de la << dentelle étincelante » et le << pourpoint noir »•

 

Ce double point de vue constitue une stratégie romanesque à la fois efficace et déroutante. Elle multiplie en effet les précisions réalistes qui devraient raisonnablement permettre au lecteur de se représenter

■ Pistes de recherche

 

Première piste : un point de vue complexe

 

• Étudiez le(s) point(s) de vue dans ce portrait : à travers les yeux de qui est décrit le vieillard ?

 

• « pictural » vous suggère d’analyse ce qui montre que le personnage est vu par un peintre.

 

• Quel est le rôle du narrateur dans ce portrait ?

 

• Pensez à comparer le portrait en peinture et en littérature.

 

• Comment le lecteur est-il impliqué dans ce portrait ?

 

• Le portrait permet-il au lecteur de se faire une idée de ce personnage ?

 

• Comment le romancier éveille-t-il la curiosité du lecteur ?

Deuxième piste : un portrait réaliste
• Étudiez l’organisation, la progression de ce portrait.
• Étudiez les aspects réalistes de ce portrait. Quels types de détails sont donnés : physiques ? vestimentaires ? sociaux ?
• Analysez les rapports entre le portrait physique et le portrait moral.
• Montrez que le portrait est très précis et minutieux.
Troisième piste : un portrait fantastique
• Analysez ce qui rend ce personnage inquiétant, presque surnaturel.
• Quelles contradictions frappent le lecteur ?
• Comment le cadre et l’atmosphère rendent-ils compte de cette étrangeté ?
• Montrez en quoi ce personnage est fantastique.

L'action de ce roman se déroule en 1612. Fraîchement débarqué à Paris, un jeune peintre ambitieux, Nicolas Poussin, se rend au domicile de Maître Porbus, un célèbre peintre de cour, dans l'espoir de devenir son élève. Arrivé sur le palier, il fait une étrange rencontre.

 

Un vieillard vint à monter l’escalier. À la bizarrerie de son costume, à la magnificence de son rabat1 de dentelle, à la prépondérante sécurité de la démarche, le jeune homme devina dans ce personnage2 ou le protecteur ou l’ami du peintre ; il se recula sur le palier pour lui faire place, et l’examina curieusement, espérant trouver en lui la bonne nature d’un artiste ou le caractère serviable des gens qui aiment les arts ; mais il aperçut quelque chose de diabolique dans cette figure, et surtout ce je ne sais quoi qui affriande3 les artistes. Imaginez un front chauve, bombé, proéminent, retombant en saillie sur un petit nez écrasé, retroussé du bout comme celui de Rabelais ou de Socrate ; une bouche rieuse et ridée, un menton court, fièrement relevé, garni d’une barbe grise taillée en pointe, des yeux vert de mer ternis en apparence par l’âge, mais qui par le contraste du blanc nacré dans lequel flottait la prunelle devaient parfois jeter des regards magnétiques au fort de la colère ou de l’enthousiasme. Le visage était d’ailleurs singulièrement flétri par les fatigues de l’âge, et plus encore par ces pensées qui creusent également l’âme et le corps. Les yeux n’avaient plus de cils, et à peine voyait-on quelques traces de sourcils au-dessus de 20 leurs arcades saillantes. Mettez cette tête sur un corps fluet et débile4, entourez-la d’une dentelle étincelante de blancheur et travaillée comme une truelle à poisson5, jetez sur le pourpoint noir du vieillard une lourde chaîne d’or, et vous aurez une image imparfaite de ce personnage auquel le jour faible de l’escalier prêtait encore une couleur fantastique. Vous eussiez dit d’une toile de Rembrandt marchant silencieusement et sans cadre dans la noire atmosphère que s’est appropriée ce grand peintre.

Honoré de Balzac, Le Chef-d’œuvre inconnu, 1832.

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles