Vous montrerez que Pascal, en faisant appel tour à tour dans ses « Pensées » au raisonnement logique, à la sensibilité et à l'imagination de son lecteur, a su accorder la richesse de son talent d'écrivain à la diversité de ces appels.

« PASCAL 37 expérimentales.

Pour s'en aviser il suffit de voir par exemple comment s'organise la célèbre page sur le divertissement.

Elle débute par une observation sur le comportement des hommes qui, en se livrant sans cesse à des occupations fébriles, s'efforcent de se sortir d'eux-mêmes.

Pascal cherche ensuite le motif pro­ fond de ce comportement : il pense le découvrir dans le souci qui anime les hommes d'oublier la misère de leur condition.

Ainsi, à partir des faits, il a formulé une hypothèse.

Il s'attache alors à en prouver la justesse en examinant si elle s'applique à un cas particulièrement significatif: celui d'un roi, qui en dépit de toutes les raisons qu'il pourrait avoir d'être heureux, et pour peu qu'il fasse trêve à ses occupations, ressentira la hantise de tous.

Ainsi, vérifiant par l'expérimentation son hypothèse, il lui confère la valeur d'une loi qu'il applique enfin avec succès aux activités humaines les plus diverses.

Bref le texte dans son déroule­ment restitue scrupuleusement toutes les phases de la méthode expérimentale.

Dans ses recherches sur le problème du vide, Pascal n'avait pas procédé autrement.

Les qualités de l'expression sont celles que l'on peut s'attendre à retrouver chez un homme de science soucieux de traduire et de transmettre avec exactitude et rigueur le message de sa pensée.

Il utilise avec une précision impitoyable un vocabulaire vaste et varié qui ne fait pas fi des mots du langage quotidien, mais qui n'hésite pas non plus à recourir avec mesure aux mots techniques quand la notion qu'ils expriment est intraduisible dans le lan­ gage commun.

On ne relève pas chez lui le goût du bavardage qui se plaît à délayer la pensée et à fabriquer, en un balancement factice d'expressions, de fausses fenêtres.

C'est assez dire déjà le soin qu'il apporte à la rigueur de ses phrases.

La place qu'il y donne aux mots met en valeur l'importance que ces mots revêtent au sein du raisonnement : une formule fameuse suffit à en rendre compte : « Le nez de Cléôpatre, s'il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé.» D'instinct il place en tête en une construction audacieuse l'enjeu, le détail minime sur lequel s'est joué le sort du monde.

Cette disposition insolite fait éclater la disproportion entre la cause et l'effet, qui doit dans sa pensée révéler la vanité de l'homme.

Quant aux éléments de la phrase, ils s'organisent avec densité selon une rigoureuse perspective et sur ce point encore il faut prendre un exemple significatif : « Le plus grand philosophe du monde, sur une planche plus large qu'il ne faut, s'il y a au-dessous un précipice, quoique sa raison le convainque de sa sûreté, son imagination prévaudra».

Tout s'y trouve indiqué : la personnalité de l'homme en cause -. »