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Publié le 16/02/2011

Extrait du document

Ceux que nous avons appelés les lecteurs de romans ne demandent au roman qu'une distraction, un rafraîchissement, un repos de la vie courante. Ils oublient facilement, leur lecture leur est sans cesse nouvelle, elle influe peu sur la matière et la substance de leur vie. La majorité du public qui lit des romans appartient à cette classe. Et d'ailleurs, à toutes les époques, presque tous les hommes ont considéré l'art comme un divertissement momentané. Mais si au lieu d'être la majorité cette classe était la totalité, l'art ne progresserait pas. Le roman en particulier se traînerait indéfiniment dans la répétition d'aventures monotones et dans la platitude. Tel fut d'ailleurs le cas du roman de chevalerie, qui sous la forme des remaniements et de la bibliothèque Bleue trouva à peu près jusqu'au XVIIIe siècle la même masse relativement épaisse de lecteurs à distraire. Les romans de Dumas et Eugène Sue, que le cinéma adopte et adapte volontiers, sont appelés à durer dans des conditions analogues. Mais si, au-dessus de ces couches tranquilles, de cette pluie régulière absorbée docilement par la terre qui l'attend, il existe un monde aérien où les nuages passent, où les pluies se forment, où les climats se créent, je veux dire celui d'une littérature vivante, c'est que les lecteurs de romans ne tiennent pas toute la place, et qu'il y a les liseurs. Les liseurs de romans, ils se recrutent dans un ordre où la littérature existe, non comme un divertissement accidentel, mais comme une fin essentielle, et qui peut saisir l'homme entier aussi profondément que les autres fins humaines. Au premier rang de ces liseurs proprement dits, il faudrait mettre l'homme que j'appellerai viveur de romans. Tout roman, toute fiction narrative ou dramatique, est destinée plus ou moins à nous faire vivre une autre vie que la nôtre, à nous imposer et à nous suggérer la croyance en le monde créé par l'artiste. Mais il y a des degrés et dans l'œuvre et dans le lecteur. Le degré rudimentaire, c'est la simple crédulité, qui témoigne simplement de la sottise du liseur. Par exemple, Cervantès nous montre d'honnêtes servantes qui croient à la réalité de ce qui est conté dans les romans... Cette crédulité en quelque sorte mécanique n'a rien assurément de la suggestion qui gouverne le monde de l'art et de la vie. Et cette suggestion vraie, celle qui fait lé viveur de romans, l'homme qui vit les romans, qui vit romanesquement9 Cervantes l'a héroïsée dans Don Quichotte. Si Don Quichotte croit que le monde des romans de chevalerie existe, ce n'est pas parce qu'il lui est garanti par le privilège officiel du libraire. C'est parce que ce monde seul répond aux aspirations de sa nature, et à son idée héroïque de l'humanité. Ce qui répond au contraire pour lui à la catégorie de l'illusoire et du faux, c'est précisément la réalité mesquine, ridicule et pratique en laquelle se résolvent toujours les magnifiques départs et les romanesques aventures, et qu'il attribue au prestige d'enchanteurs mal intentionnés. Et s'il connaît dans le monde romanesque le monde réel, c'est qu'il projette en ce monde romanesque son monde intérieur et spirituel. Pour que le roman soit vécu par le lecteur, pour que la crédibilité technique devienne suggestion vivante, deux moyens sont possibles, deux moyens inverses, dont chacun devient le principe d'une des deux formes antithétiques du roman9 le côté de Don Quichotte et le côté de Sancho. Ou bien l'auteur s'élève sur un plan héroïque, déploie un vol de vie idéale, s'efforce de les suggérer au lecteur, et le lecteur, s'il y a déjà en lui quelque chose qui sympathise avec ce plan, se met en effet à vivre plus ou moins ce roman. Ou bien l'auteur suit la marche inverse, en apparence plus facile et plus sûre. Pour être bien certain que son roman sera vécu par les lecteurs, il s'inspire précisément de la vie que les lecteurs ont vécue ou sont en train de vivre, il la leur renvoie comme un miroir, et nous avons le roman dit réaliste. Le roman dès lors ne fait pas vivre une vie nouvelle à ses liseurs, mais il les aide à vivre leur vie ordinaire, il la souligne, il la détache, ou au contraire l'harmonise à un courant plus général. Mais alors, ici encore deux cas peuvent se présenter. D'un côté le réalisme à la George Eliot, de l'autre côté le réalisme à la Flaubert. Ou bien le roman fait découvrir au lecteur dans la vie la plus terne, la plus humble, les mêmes puissances de noblesse et de tragique que dans les vies les plus illustres, les plus éclatantes et les plus dramatiques : c'est la doctrine qu'a exposée Eliot dans un chapitre célèbre d'Adam Bede1. Ou bien le roman amène le lecteur à se dégonfler de ses illusions, à prendre conscience de sa misère, de son ridicule, de la misère et du ridicule de toute humanité : c'est le cas des romans de Flaubert et d'une bonne partie du roman naturaliste. Albert Thibaudet, Réflexions sur le roman (Gallimard).

« prennent à la lettre tout ce qu'ils lisent, se révèle un type de lecteur, tel Don Quichotte, qui retrouve dans le romansa propre vision du monde.

Pour s'imposer comme réalité vivante au lecteur, l'œuvre romanesque a deux possibilités: s'élever sur un plan idéal, ou lui faire revivre sa propre vie.

Dans ce dernier cas, le lecteur peut tantôt découvrir àson existence banale des dimensions insoupçonnées, tantôt prendre conscience à la fois de sa médiocrité et decelle des autres hommes. ANALYSE Nous découvrons deux étapes principales dans le déroulement de la pensée de l'auteur. 1° Distinction entre /'attitude générale des « lecteurs » et celle des « liseurs » L'auteur part de l'attitude générale des lecteurs de romans : Leur seul souci est de s'adonner à un passe-temps agréable. Il en étudie le retentissement sur les œuvres : le type de romans auquel ces lecteurs s'intéressent, ne peutprogresser puisqu'ils lui demandent toujours uniquement des aventures distrayantes.

Le critique cite comme exempleles romans de chevalerie, en particulier. Il s'attache alors à l'autre catégorie, aux « liseurs », qui trouvent dans les romans une réalité aussi prenante que laréalité quotidienne. 2° Etude des « liseurs de romans », et des œuvres qui leur correspondent a) Les « liseurs de romans » L'auteur évoque rapidement ceux qui, par bêtise, croient à la réalité tangible de ce que le roman raconte.

Il citel'exemple d'honnêtes et sottes servantes dans Don Quichotte. Pensant à Don Quichotte, il parle plus longuement de ceux qui vivent de façon romanesque; toute l'étude de cetype de liseurs se fonde sur cet exemple.

Don Quichotte croit aux romans de chevalerie (ceux qui distraientseulement les autres) parce qu'il y retrouve sa propre vision du monde.

Pour lui, c'est la réalité quotidienne qui estillusoire.

b) Les types de romans susceptibles de séduire ces «liseurs».

L'auteur en distingue deux : — le roman « héroïque » ; — le roman dit « réaliste » qui raconte la vie telle que le lecteur en fait l'expérience. A l'intérieur de ce dernier type il distingue deux groupes : — ceux qui cherchent à mettre en lumière des valeurs inhérentes au quotidien le plus banal ; — ceux qui en soulignent la misère. COMMENTAIRE Ce texte offre un large choix et vous pourriez, parmi les diverses catégories de lecteurs qu'énumère Thibaudet,retenir pour l'étude l'une ou l'autre, à votre gré.

Il nous a paru intéressant d'examiner le cas le plus banal, enapparence : celui des « lecteurs de roman » qui ne cherchent « qu'une distraction, un rafraîchissement, un repos dela vie courante». Thibaudet déclare, dans ses Réflexions sur le roman : « Ceux que nous avons appelés les lecteurs de romans nedemandent au roman qu'une distraction, un rafraîchissement, un repos de la vie courante.

» Cette assertion pose leproblème du rôle et de la signification de l'art, de la manière dont ils sont perçus par le public.

S'il est vrai que, plusencore que les autres œuvres d'art, les romans servent à maints lecteurs de simple récréation, il faut se garder decondamner ces derniers systématiquement.

Nous pouvons tenter d'expliquer leur attitude et, au besoin, la critiquer. I.

- ANALYSE DE L'ATTITUDE DES LECTEURS DES ROMANS Avant de jeter la pierre à ceux qui, pensons-nous, lisent « mal » les romans, il serait intéressant de savoir pourquoiils les lisent.

Ils ne le font pas simplement en manière de divertissement indifférent.

Ils trouvent à la lecture d'unroman un intérêt spécifique qu'il nous faut définir.

Toutes sortes d'activités s'offrent à eux pour les faire échapperquelques instants à une réalité le plus souvent mesquine et chargée de préoccupations qu'ils ne parviennent pas àsurmonter.

Mais seul le roman leur propose en retour une autre réalité de nature différente.

A cet égard la midinetteadopte exactement la même attitude que les « lettrés » ; elle retire de sa lecture les mêmes joies.

Si le roman. »

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