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A votre choix, vous résumerez le texte suivant ou analyserez les idées autour desquelles s'ordonne cette définition de l'univers théâtral. Vous dégagerez ensuite une idée qui vous paraît particulièrement importante; vous la commenterez, et au besoin la discuterez, à la lumière de votre expérience personnelle.

Publié le 29/03/2014

Extrait du document

 

[Dans une de ses pièces, un auteur dramatique du xxe siècle place dans la bouche de trois personnages une conversation ayant pour sujet... le Théâtre.]

LECHY ELBERNON. — ... Moi je connais le monde. J'ai été

partout.

Je suis actrice, vous savez. Je joue sur le théâtre.

Le théâtre. Vous ne savez pas ce que c'est ?

MARTHE. — Non.

LECHY ELBERNON. — Il y a la scène et la salle.

Tout étant clos, les gens viennent là le soir, et ils sont assis par

rangées les uns derrière les autres, regardant.

MARTHE. — Quoi ? Qu'est-ce qu'ils regardent, puisque tout est

fermé ?

LECHY ELBERNON. — Ils regardent le rideau de la scène,

Et ce qu'il y a derrière quand il est levé.

Et il arrive quelque chose sur la scène comme si c'était vrai.

MARTHE. — Mais puisque ce n'est pas vrai ! C'est comme les

rêves que l'on fait quand on dort.

LECHY ELBERNON. — C'est ainsi qu'ils viennent au théâtre la

nuit.

THOMAS P. NAGEOIRE. — Elle a raison. Et quand ce serait vrai

encore, qu'est-ce que cela me fait ?

LECHY ELBERNON. — Je les regarde, et la salle n'est rien

que de la chair vivante et habillée.

Et ils garnissent les murs comme des mouches, jusqu'au plafond.

Et je vois ces centaines de visages blancs.

 

L'homme s'ennuie, et l'ignorance lui est attachée depuis sa

naissance.

Et ne sachant de rien comment cela commence ou finit, c'est

pour cela qu'il va au théâtre.

Et il se regarde lui-même, les mains posées sur les genoux.

Et il pleure et il rit, et il n'a point envie de s'en aller.

Et je les regarde aussi, et je sais qu'il y a là le caissier qui sait

que demain

On vérifiera les livres, et la mère adultère dont l'enfant vient de

tomber malade,

Et celui qui vient de voler pour la première fois, et celui qui n'a

rien fait de tout le jour.

Et ils regardent et écoutent comme s'ils dormaient.

MARTHE. — L'oeil est fait pour voir et l'oreille

Pour entendre la vérité.

LECHY ELBERNON. — Qu'est-ce que la vérité ? Est-ce qu'elle

n'a pas dix-sept enveloppes, comme les oignons?

Qui voit les choses comme elles sont ? L'oeil certes voit, l'oreille

entend.

Mais l'esprit tout seul connaît. Et c'est pourquoi l'homme veut

voir des yeux et connaître des oreilles

Ce qu'il porte dans son esprit, — l'en ayant fait sortir.

Et c'est ainsi que je me montre sur la scène.

MARTHE. — Est-ce que vous n'êtes point honteuse ?

LECHY ELBERNON. — Je n'ai point honte ! mais je me montre,

et je suis toute à tous.

Ils m'écoutent et ils pensent ce que je dis ; ils me regardent et

j'entre dans leur âme comme dans une maison vide.

C'est moi qui joue les femmes :

La jeune fille, et l'épouse vertueuse qui a une veine bleue sur la

tempe, et la courtisane trompée.

Et quand je crie, j'entends toute la salle gémir.

Paul Claudel, l'Échange (Gallimard).

RÉSUMÉ

Lechy Elbernon, actrice, explique à Marthe ce qu'est le théâtre : une salle, la scène. Pour toutes deux le théâtre est comme un rêve, mais elles réagissent différemment à cette idée. Pour Marthe il est factice, tandis que Lechy Elbernon y voit une sorte de réponse à l'angoisse des hommes plus ou moins conscients de leur vide. A Marthe qui réclame la vérité, Lechy Elbernon réplique que

 

l'homme vient au théâtre pour se connaître. Marthe réagit contre une certaine impudicité de l'acteur, mais Lechy Elbernon, sortie d'elle-même lorsqu'elle joue, savoure sa puissance sur le public.

ANALYSE

A partir de deux personnages-types : l'actrice passionnée par son métier — Lechy Elbernon — et Marthe qui ignore tout de l'art dramatique, s'amorce une conversation sur la nature du théâtre.

1° Elle distinguent d'abord le point de vue de la salle

Les spectateurs viennent au théâtre comme pour regardér un de leurs rêves. Marthe n'y voit que quelque chose de factice ; Lechy Elbernon y voit la conséquence de la pauvreté de la nature humaine. L'homme assiste au spectacle comme à la représen¬tation de sa propre vie.

« 106 PROBLÈMES D'ESTHÉTIQUE L'homme s'ennuie, et l'ignorance lui est attachée depuis sa naissance.

Et ne sachant de rien comment cela commence ou finit, c'est pour cela qu'il va au théâtre.

Et il se regarde lui-même, les mains posées sur les genoux.

Et il pleure et il rit, et il n'a point envie de s'en aller.

Et je les regarde aussi, et je sais qu'il y a là le caissier qui sait que demain On vérifiera les livres, et la mère adultère dont l'enfant vient de tomber malade, Et celui qui vient de voler pour la première fois, et celui qui n'a rien fait de tout le jour.

Et ils regardent et écoutent comme s'ils dormaient.

MARTHE.

- L'œil est fait pour voir et l'oreille Pour entendre la vérité.

LECHY ELBERNON.

- Qu'est-ce que la vérité? Est-ce qu'elle n'a pas dix-sept enveloppes, comme les oignons? Qui voit les choses comme elles sont? L'œil certes voit, l'oreille entend.

Mais l'esprit tout seul connaît.

Et c'est pourquoi l'homme veut voir des yeux et connaître des oreilles Ce qu'il porte dans son esprit, -l'en ayant fait sortir.

Et c'est ainsi que je me montre sur la scène.

MARTHE.

- Est-ce que vous n'êtes point honteuse? LECHY ELBERNON.

- Je n'ai point honte! mais je me montre, et je suis toute à tous.

Ils m'écoutent et ils pensent ce que je dis; ils me regardent et j'entre dans leur âme comme dans une maison vide.

C'est moi qui joue les femmes : La jeune fille, et l'épouse vertueuse qui a une veine bleue sur la tempe, et la courtisane trompée.

Et quand je crie, j'entends toute la salle gémir.

Paul Claudel, l' Échange (Gallimard).

RÉSUMÉ Lechy Elbernon, actrice, explique à Marthe ce qu'est le théâtre: une salle, la scène.

Pour toutes deux le théâtre est comme un rêve, mais elles réagissent différemment à cette idée.

Pour Marthe il est factice, tandis que Lechy Elbernon y voit une sorte de réponse à l'angoisse des hommes plus ou moins conscients de leur vide.

A Marthe qui réclame la vérité, Lechy Elbernon réplique que. »

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