Devoir de Philosophie

Voyage au bout de la nuit en son temps

Publié le 16/09/2018

Extrait du document

temps

qu'ils aient été depuis le début du siècle jusqu'au traité de paix en 1919, commencent tout de suite après l'armistice à se demander si l'énorme massacre était justifié. Passé la grande fièvre patriotique, le menu peuple compte ses tués, ses blessés, ses malades, ses infirmes. En outre, il doit s'avouer que la victoire ne lui ramène pas la condition matérielle d'avant-guerre : les économies qu'on avait faites sont anéanties, et le coût de la vie augmente plus vite que le traitement ou le salaire mensuel. Tant de souffrances, tant de sacrifices ne trouvent aucune récompense. La petite bourgeoisie se laisse charmer par Briand qui lui promet la paix universelle et perpétuelle, et qui réellement travaille à empêcher un nouveau conflit européen. Et Céline fait de l a guerre, au début de son roman, le tableau que l'on sait.

 

A ces deuils, à cette désillusion s'ajoute le sentiment d'un abaissement relatif dans la hiérarchie sociale. Un fossé se creuse entre la grande et la petite bourgeoisie. Les riches ne paraissent pas moins riches qu'avant-guerre. Non seulement la petite bourgeoisie pense qu'elle est seule à avoir été ruinée par le cataclysme, mais elle devine que les maîtres du pays s'éloignent d'elle d'une autre manière. En ces années les capitaux se concentrent au sein de quelques puissantes banques. Désormais le petit bourgeois, qui s'était figuré à la fin du xx8 siècle qu'il lui était possible de se hisser jusqu'au-dessus du panier, sait que cela n'arrivera jamais. Le monde où se meut Bardamu est un monde clos, sans issue, sans autre communication avec ses maîtres inconnus que les ordres cruels d'aller travailler ou, en cas de guerre, d'aller se faire tuer (p. 304-305 et p. 18).

 

Le petit bourgeois n'est pas moins amer quand il considère les ouvriers qu'il avait tant méprisés au xix“ siècle. Ce qui avait fait le privilège de la bourgeoisie, petite ou grande, c'était la sécurité, « la divine sécurité », comme dit Céline (p. 507). L'inflation a anéanti cette sécurité. Pour diverses raisons, il était alors permis de se demander si le prolétariat n'allait pas atteindre dans cet après-guerre une condition plus stable que celle du petit rentier. Hypothèse scandaleuse, perspective révoltante. Le Voyage peint impitoyablement l'aigreur et la méfiance de ces malheureux sur le chemin de la déchéance : le portrait des époux Henrouille (p. 315 sqq. ), par exemple. Dans le même ordre d'idées, je suis frappé par la concordance des allusions au prolétariat dans notre roman. Il s'agit surtout

temps

« n' est jamais décrit, il est seulement nommé : un pavillon de rentier, un imme uble locat if, un bec de gaz, un poêle qui fume dans le cou loir d'en bas (p.

315).

L'a llusion suffit à Cé line puis­ que seul importe l'usage que les êtres humain s font de tout ce la.

Il est donc inutile, pour situer le Voyage en son temps , de décrire les formes éphémères des voitures et des maisons.

Ce qui change aussi en France après la Première Guerre mond iale, c'e st la condition ouvrière.

Or, les travailleurs manue ls des villes ne sont que des figurants dans Voyage au bout de la nuit, quelques silhou ettes et une foule indistincte, sur lesque lles nous aurons à nous expliquer ailleu rs.

On peut aborder Céline sans conna ître précisément l'évol ution de la clas se ouvrière de 1920 à 1930.

Nous allons également passer vite sur deux autres catégo­ ries sociales, les pays ans et les grands bourgeois , bien que ces gens ne se transforment guère dans les anné es qui nous in téresse nt.

Ils ne figurent pas dans le Voy age.

Les pay sans sont éliminés parce que Cé line ne parle que de la vie urbaine.

On trouvera dans le texte des déclarations de Barda mu sur l' ho rreur qu'il éprouve dans la campagne , et même au Bois de Bou logne avec ses bosquets policés.

Barda mu n'a jamais regardé par la port ière d'un wagon ni par le hub lot d'un navi re, et qua nd, au début de la guerre, il a été contraint de parcou­ rir la Flan dre à cheval , il semble ne l'avoir fait que par des nu its sans lune .

Quant à la grande bourgeoisie, le lecteur du Voyage voit passer quelques silhoue ttes d'officiers, de médecins et d'in fir­ mières bénévoles ainsi que les hôtes de la péniche du peintre riche , tous plus ou moins durement caricatu rés.

Qu'imp orte al ors l'histoire du Tout-Par is pendant les '' anné es folles » et le début de la« crise » ? Nulle allu sion sous la plume de Céline aux peintres de l'École de Paris , aux musiciens du Groupe des six, aux surréal istes ou aux caciques de la N.R.F., Gide, Clau­ del, Valér y.

La bonne société, ses artistes et ses écriva ins n'i ntéressent pas l'auteur de Voyage au bout de la nuit.

LA PETITE BOURGEOISIE Voyage au bout de la nuit est le roman de la petite bour­ geoisie française de 1912 à 19 32.

Il va sans dire que le lecteur du Voyage est d'ab ord invité à haïr la guerre.

Or, les petites gens des villes, si cocardiers. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles