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Autrui - Cours complet

Publié le 15/02/2012

Extrait du document

Que représente, dans la formation de la conscience de chaque être, autrui ? Est-il le pendant objectif du moi ? Mais rien n'est plus abstrait que le moi, chaque être disant moi et y mettant un contenu bien différent de tout autre puisqu'il s'agit de son propre être, distinct bien évidemment de celui d'autrui. Autrui serait-il alors aussi abstrait ?

            Quel rôle peut jouer autrui dans ma prise de conscience du monde ? Est-ce à partir du rapport à l'autre que je me découvre et que je me construis ?

            Autrui renvoie au problème de la connaissance, à un double titre. S'il est bien l'autre pour moi, c'est seulement dans une problématique du sujet, où la certitude absolue que la conscience a d'elle-même devient fondement et garantie de toute existence, que le problème d'autrui se pose. Comment trouverai-je en moi les preuves de l'existence d'autrui alors que l'appréhension d'une autre conscience par la mienne contrevient au sens de la conscience comme présence à soi ? D'autre part, confrontée au risque du solipsisme*, une telle théorie du sujet ne peut garantir la valeur  transcendantale des représentations que par l'existence d'autrui. Exister autrement que comme représentation, c'est exister pour d'autres. Mais c'est ultimement le problème du Même et de l'Autre que toute philosophie d'autrui réactive. Comment puis-je ouvrir à ce qui, selon son sens d'autre, excède toujours cette ouverture ? Peut-on penser une relation à autrui qui ne se produise pas sur fond d'identité ?

            Ce qu'il faut admettre, avec une évidence rédhibitoire, c'est que nous ne pouvons nier la présence d'autrui.

            En effet, depuis les débuts de l'humanité, depuis la naissance de la division du travail, l'être humain, qu'il se situe dans la période néolithique ou dans la société hyper-technologique de 2007, vit dans un univers où l'autre est présent; même les formes pastorales les plus rudimentaires obligent le solitaire berger au contact et à l'échange : qu'il soit targui (singulier de touareg) et se déplace dans le Sahara, berger des Landes sud-américaines, Mongol des steppes de l'Altaï ou plus simplement berger de Pyrénées, le partage des points d'eau et des zones favorables au pâturage, l'hébergement dans les villages pendant l'hiver, la participation aux foires et marchés…

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« 2 Si nous faisons commencer la philosophie par l'établissement, au fondement du savoir, de la conscienc e de soi, d'un " Je " pensant, il peut se révéler particulièrement difficile d'ouvrir cet ego à la perception de quelque alter ego.

La deuxième méditation métaphysique de DESCARTES témoigne de cette solitude fondamentale du Je pensant ( ego cogitans ) : rien ne peut, en effet, assurer le sujet de l'existence d'autrui lorsqu'il est engagé dans la démarche du doute radical.

A proprement parler, le sujet ne perçoit que des corps , dont l'existence (contrairement à celle du cogito , toujours donnée dans une saisie intuitive directe) n'est pas absolument certaine, et qui, de toute façon, pourraient aussi bien être que des mannequins perfectionnés.

Seul le long détour par la démonstration de l'existence d'un Dieu tout puissant et bienveillant permet, selon l'auteur d u " Discours de la méthode ", d'acquérir la certitude métaphysique de l'existence du monde extérieur d'autrui.

Du point de vue d'une métaphysique de la subjectivité, qui fait de l' ego cogitans la norme essentielle de toute donation du réel, la question de l ' alter ego est donc indissociable de l'expérience de la solitude radicale de toute conscience qui, si elle peut par empathie ou par sympathie coïncider avec les vécus d'une autre conscience, ne vit jamais les vécus d'autrui.

Une conscience singulière ne pe ut que les conjecturer, se les représenter et non pas les saisir comme les données immédiates de l a vie psych ique.

L'ouverture fondamentale de la conscience à autrui.

La question essentielle posée par la notion est en fait de savoir si le rapport à aut rui est ou non constitutif de l'humanité de l'homme.

ARISTOTE écrit ainsi dans " La Politique " qu'un individu totalement isolé serait autre chose qu'un homme, à proprement parler : " Il est évident que la cité est une réalité naturelle et que l'homme est p ar nature un être destiné à vivre en cité (animal politique); celui qui est sans cité est, par nature et non par hasard, un être ou dégradé ou supérieur à l'homme : il est comme celui à qui Homère reproche de n'avoir "ni clan, ni loi, ni foyer"; un homme t el par nature est en même temps un homme avide de guerre; il est comme un pion isolé au jeu de dames.

Ainsi la raison est évidente pour laquelle l'homme est un être civique plus que tous autres, abeilles ou animaux grégaires.

Comme nous le disons, en eff et, la nature ne fait rien en vain; or, seul d'entre les animaux, l'homme a la parole.

Sans doute, les sons de sa voix (phoné) expriment -ils la douleur et le plaisir; aussi la trouve -t - on chez les animaux en général : leur nature leur permet seulement d e ressentir la douleur et le plaisir et de se les manifester entre eux.

Mais la parole (le logos), elle, est faite pour exprimer l'utile et le nuisible et, par suite, aussi le juste et l'injuste.

Tel est, en effet, le caractère distinctif de l'homme en face de tous les animaux : seul, il perçoit le bien et le mal, le juste et l'injuste, et les autres valeurs; or, c'est la possession commune de ces valeurs qui fait la famille et la cité." ARISTOTE Politique I 2, 1 252 b De même, une saisie radicale de l'existence humaine en tant qu' " être-au -monde " (In - der -Welt -sein) et non plus conscience de soi, peut conduire à concevoir le sujet comme projeté, au sein d'un monde nécessairement commun, dans une relation originaire avec d'autres existants.

Contesta nt la thèse suivant laquelle l'existant que je suis serait " de prime abord sans aucune relation avec autrui " et ne pourrait " qu'après -coup " entrer en relation avec d'autres, HEIDEGGER soutient que " l'être -avec " est une détermination fondamentale et nécessaire de l'existence humaine, au point que même la solitude ne signifierait pas l'absence de rapport à autrui.

Bien au contraire, poursuit ce philosophe, " l'autre ne peut ma nquer que dans et pour un être- avec.

L'être seul est un mode déficient de l'être- avec.

" (Etre et temps §26).

Déterminer l'homme, en son fond, comme existant, c'est-à -dire, littéralement comme étant " au -dehors " de. »

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