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Bergson: Quelle est la fonction principale d'un historien ?

Publié le 20/04/2004

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bergson
Il faut un hasard heureux, une chance exceptionnelle, pour que nous notions justement, dans la réalité présente, ce qui aura le plus d'intérêt pour l'historien à venir. Quand cet historien considérera notre présent à nous, il y cherchera surtout l'explication de son présent à lui, et plus particulièrement de ce que son présent contiendra de nouveauté. Cette nouveauté, nous ne pouvons en avoir aucune idée aujourd'hui, si ce doit être une création. Comment donc nous réglerions-nous aujourd'hui sur elle pour choisir parmi les faits ceux qu'il faut enregistrer, ou plutôt pour fabriquer des faits en découpant selon cette indication la réalité présente ? Le fait capital des temps modernes est l'avènement de la démocratie. Que dans le passé, tel qu'il fut décrit par les contemporains, nous en trouvions les signes avant-coureurs, c'est incontestable ; mais les indications peut-être les plus intéressantes n'auraient été notées par eux que s'ils avaient su que l'humanité marchait dans cette direction ; or cette direction de trajet n'était pas plus marquée alors qu'une autre, ou plutôt elle n'existait pas encore, ayant été créée par le trajet lui-même, je veux dire par le mouvement en avant des hommes qui ont progressivement conçu et réalisé la démocratie. Les signes avant-coureurs ne sont à nos yeux des signes que parce que nous connaissons maintenant la course, parce que la course a été effectuée. Bergson
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« sera le point de vue d'un avenir se constituant à partir de ce qui, dans notre présent, se sera montré fécond en «nouveauté » potentielle.

Autrement dit, il faudrait que nous soyons en même temps dans le présent et dans l'avenir: que nous échappions au temps.

Relever « dans la réalité présente ce qui aura le plusd'intérêt pour l'historien à venir » ne peut donc être intentionnel et n'arrive qu'exceptionnellement, par hasard. [C.

Événement et moment « historiques »]Une telle analyse est en accord avec les remarques formulées par Alexandre Kojève sur la définition et le repéragede ce que l'on nomme un « moment historique » : l'importance ne peut en apparaître sur le moment même ; ce n'estqu'à partir de ses conséquences ultérieures qu'il pourra être rétrospectivement jugé.

Au lieu de s'en tenir au seul «moment », Bergson généralise la différence d'appréciation à tous les événements : chacun d'entre eux peut changerde signification selon l'époque où on le considère. [III - Le trajet de la nouveauté en histoire] [A.

La nouveauté ne peut être annoncée]En prenant l'avènement de la démocratie comme « fait capital » des temps modernes, Bergson peut justementmontrer combien les faits passés peuvent acquérir une signification autre à partir de la lecture que nous en opéronsdu présent.

En effet, c'est bien parce que la démocratie s'affirme au xxe siècle comme l'organisation politique quisemble préférable à toute autre que nous éprouvons le besoin d'en chercher les sources dans les théories dessiècles antérieurs.

Mais ceux-ci, par définition, ignoraient ce que nous constatons : ils ne pouvaient donc passouligner ou mettre particulièrement en relief; dans ce qu'ils ont vécu et pensé, les éléments que nous pouvonsconsidérer comme annonciateurs de ce que nous nommons démocratie.

C'est très évident si nous comparons cettedernière à ce que les Athéniens nommaient de la même façon.

Ce l'est également si nous examinons les théoriciensdu xviii siècle (qu'il s'agisse de Rousseau, de Montesquieu ou de Voltaire) qui, tout en critiquant l'absolutisme, ne sedéclaraient pas pour autant partisans d'un régime démocratique.

Ce rôle (excessif) de précurseurs ne commence àleur être attribué qu'à partir de la Révolution française (que Rousseau par exemple est très loin d'espérer), et il fautensuite les analyses de Tocqueville pour que la démocratie se révèle souhaitable.On peut de la même façon rappeler qu'un événement qui sera jugé capital ou constitutif d'un « tournant » del'histoire n'apparaît pas nécessairement tel lorsqu'il se produit : le 6 août 1945, la bombe larguée sur Hiroshiman'inaugure pas ce qui sera nommé « ère atomique », elle (n')est (qu')une arme destinée à faire capituler le Japon. [B.

Le « cours » de l'histoire]Dans de telles conditions, et puisque la portée des événements n'apparaît qu'en raison et à partir de ce qui leursuccède, le cours de l'histoire possède une efficacité spécifique : tant qu'il n'est pas achevé, nous ne pouvons enconnaître la direction.On doit donc admettre, non seulement que l'interprétation du passé est liée à un point de vue qui n'était pas le sien,et que tout « signe avant-coureur » n'existe que rétrospectivement, mais aussi que, au présent, nous ignorons lesens ultérieur des événements.

En conséquence, il est vain de prétendre repérer une « fin » aux événementshistoriques, ou d'affirmer qu'ils obéiraient à une finalité globale. [Conclusion] Parce qu'il reconnaît à l'histoire une capacité créatrice, Bergson ne peut que contester toute philosophie de l'histoirequi lui attribuerait à l'avance un but final, de type plus ou moins hégélien : prétendre prévoir l'orientation future desévénements, c'est, de son point de vue, nier l'histoire dans sa réalité même. BERGSON (Henri-Louis) .

Né et mort à Paris (1859-1941). Il fit ses études au lycée Condorcet et à l'École normale supérieure.

Il fut reçu à l'agrégation de philosophie en 1881.Il fut professeur de philosophie aux lycées d'Angers et de Clermont-Ferrand.

Docteur ès lettres en 1881, il enseignasuccessivement, à Paris, au collège Rollin, puis au lycée Henri IV, et, à partir de 1898, à l'École normale.

Titulaire,en 1900, de la chaire de philosophie grecque au Collège de France, puis de celle de philosophie moderne, il entra àl'Académie des Sciences morales et politiques en 1901, à l'Académie française en 1914, et reçut le Prix Nobel delittérature en 1927.

— La méthode philosophique de Bergson est l'intuition :« Nous appelons intuition la sympathiepar laquelle on se transporte à l'intérieur d'un objet pour coïncider avec ce qu'il a d'unique et par conséquentd'inexprimable.

» Les données immédiates de la conscience doivent être saisies dans leur vraie nature et non à. »

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