Devoir de Philosophie

La civilisation de l'image condamne-t-elle l'écrit à disparaître ?

Publié le 21/09/2005

Extrait du document

CIVILISATION (lat. civitas, la cité)

Gén. Ensemble des caractéristiques (religieuses, morales, esthétiques, techniques...) d'une société donnée. Opposée à la barbarie, la civilisation est un état jugé supérieur moralement. L'homme s'humanise (devient plus homme) quand ses pulsions se disciplinent et se règlent en fonction d'interdits sociaux. Ethno. On peut distinguer la civilisation comme situation matérielle d'une société (civilisation de l'âge de pierre ou du charbon) et la culture qui est comme son âme, son esprit (civilisation chinoise ou grecque). En ce sens, la supériorité matérielle d'une civilisation n'implique pas sa supériorité morale. Le progrès technique peut s'accompagner d'actes de barbarie (camps de concentration). On peut donc radicalement séparer l'idée de civilisation de celle de progrès.

L’expression « civilisation de l’image « est employée pour désigner le monde contemporain depuis les années 1960 environ, c'est-à-dire à partir du moment où les différentes formes de production et de diffusion de l’image (télévision, cinéma, publicité, presse à grands tirages qui comprennent plus de photos que de textes…) sont devenues omniprésentes et occupent une place importante dans le paysage. La civilisation de l’image est donc la société qui est la notre, où l’image est devenue omniprésente et dont on suppose qu’elle joue un rôle considérable par son influence immédiate sur les comportements.

A l’image s’oppose l’écrit, c'est-à-dire le moyen d’expression et de diffusion des idées majeur jusqu’à l’émergence de l’image dans les sociétés contemporaines. Par écrit nous entendrons toutes les formes par lesquelles la pensée s’énonce dans la forme du langage scripturaire, par opposition au langage pictural, ou iconique, c'est-à-dire celui des images.

Si quelque chose condamne une autre à disparaître, c’est parce que son existence et son action sont une menace directe et efficace pour elle. Ainsi, la civilisation de l’image peut être considérée comme une menace pour l’écrit, dans la mesure où la place de l’image en vient peut être à occuper toute celle jadis occupée par l’écrit.

Nous nous demanderons donc si la civilisation de l’image peut être considérée comme la cause efficiente de la disparition de l’écrit, ou si l’image et l’écrit se nourrissent réciproquement sans que l’un participe à la disparition de l’autre.

« Introduction Depuis qu'en 1895, les frères Lumière ont présenté leur appareil de projection, le « cinématographe » est devenu le« cinéma » et même le « ciné » ; à mesure que le terme se rétrécit, semblable à une peau de chagrin, le talisman,lui, s'étend, s'amplifie, devient un phénomène social ; il est donc l'objet de violentes critiques et sujetd'enthousiastes discussions et d'ardents panégyriques : « Passe-temps d'illettrés », disent les uns.

« Aucun autreart ne peut sauver l'expression d'un visage », affirme un autre.

D'où la question : l'image remplacera-t-elle un jourl'écrit comme moyen de culture ? Développement Oui, affirment ceux qui prétendent que « le cinéma donne l'éternité à l'éphémère ».

En fixant sur la pellicule uneinterprétation choisie d'une scène tournée des dizaines de fois, dans un éclairage, des circonstances attenduesaussi longtemps qu'il le faut, le cinéma sauve, par la fixation, l'instant idéal de ce qui est, dans la nature, passagercomme le chant d'un oiseau, éphémère comme le souvenir d'un artiste.Indiscutablement, nous regrettons de ne pas savoir comment la Champmeslé jouait la mort de Phèdre, et de ne pasposséder l'interprétation d'Alceste par Molière lui-même.

Mais, en exprimant ce regret, c'est à l'enregistrement quel'on songe, beaucoup plus qu'au film ; il ne convient pas d'attribuer au cinéma, art visuel par excellence, un méritequi ne lui est nullement propre et pour lequel il ne peut prétendre « remplacer le livre »! D'autre part, même unfervent de l'écran comme Henri Agel reconnaît le côté éphémère de l'image, tout comme il est impossible de nier lemanque de communion des salles obscures : l'image ne peut tout de même remplacer la présence physique etcertains iront même jusqu'à préférer la simple audition, sans image, ou même la lecture, à cette semi-présence qui,en fin de compte, n'en est pas une.La pellicule s'use, les modes d'expression et l'interprétation évoluent, et plus encore les progrès techniques.

Vouloirdonner au cinéma l'avantage de fixer à tout jamais le « miracle d'un jour », c'est-à-dire l'impression momentanée etrenouvelée que nous éprouvons grâce à la lecture, c'est rendre un bien mauvais service au cinéma qui peutprésenter bien d'autres intérêts pour nous et nous proposer d'autres attraits.Pour remplacer le livre dans notre culture, il faudrait d'abord que le cinéma ne soit pas cet « opium pour refoulés etinsatisfaits » que font trop souvent de lui le public, les conditions du spectacle et les impératifs commerciaux.Le public est ainsi défini par les statistiques : 10 à 20 % vont au cinéma par besoin ou routine ; 60 à 70 % par désird'oubli, d'évasion, de détente, de distraction ou d'euphorie ; 10 à 15 % seulement par plaisir artistique et 5 % parplaisir cinématographique.

Ainsi, le rêve, ventilation de l'inconscient et ferment de toute imagination créatrice, a étérévélé à la foule, mais au lieu d'être pour elle une méditation et un stimulant, il en est devenu rapidement unevéritable drogue.

Cette fin va de la curiosité intense et parfois malsaine à l'exaltation de la conscience mythique.L'individu, par le cinéma, se libère de ses éléments préhistoriques ; à cela, s'ajoute la recherche de la « suffocationcollective » et le besoin d'ébranlements nerveux.

A ce degré, le cinéma n'est rien de plus qu'un opium permettantaux refoulés, aux insatisfaits de toute espèce, de s'abandonner à une seconde vie, à une existence d'emprunt, enmarge de la vie quotidienne. Les conditions du spectacle sont particulièrement propices à cette opiomanie : l'obscurité, le confort des fauteuilsfavorisent l'abandon de l'être à cette espèce de vertige ; l'obscurité permet d'être seul au milieu d'un public, et lespectateur s'identifie sans scrupule et impunément aux vedettes qu'il chérit.

L'écoulement ininterrompu des imagesajoute à cette tendance à la passivité ; le film court et vole vers sa fin, sans nous permettre la réflexion, le retouren arrière à quoi dispose la lecture.

Et ce voyage immobile dans le noir comble le spectateur moyen, d'un plaisirfacile que dénoncent ceux qui, après Georges Duhamel, voient dans le cinéma un « passe-temps d'ilotes ».Enfin, les conditions industrielles et commerciales de la production sont encore plus favorables à cet avilissement.Sous le patronage d'un certain nombre de compagnies ou de l'État, selon les régimes politiques, le film est produitpar un homme pour qui le problème essentiel est de déterminer avec une rigueur mathématique les goûts et lesbesoins du public : ainsi, naissent les deux tiers des films.

Pour satisfaire ces goûts et ces besoins, le producteurdispose de trois garanties : le système des vedettes, la limitation des sujets à certaines catégories déterminées,enfin la propagande et la critique. Ces réserves — qui éloignent définitivement le film du livre — bien établies, demandons-nous cependant si le cinéma,sans rien remplacer et surtout pas le livre, ne pourrait pas être un bon moyen de culture.La presse et la censure s'étant révélées, et s'affirmant de plus en plus, comme de faux remèdes, l'éducation dupublic, en particulier par les ciné-clubs, pourrait permettre d'accroître ce tiers du public qui voit dans le cinéma unart digne de soutenir la comparaison avec le livre.

Alors, le cinéma prendrait une valeur documentaire et serait déjàun instrument de culture.

Certes, actualités et documentaires jouent leur rôle en ce domaine.

Mais le film peut avoirsa valeur d'information intrinsèque : historique (Pour qui sonne le glas), géographique (Riz amer), social (Le Voleurde bicyclettes).La valeur purement culturelle ne serait pas moindre.

Il suffit en effet que la projection d'un film tiré d'un roman soitannoncée pour que la vente du livre augmente dans des proportions qu'aucune propagande ne pourrait provoquer.Certes, il ne suffit pas d'avoir vu Le Rouge et le Noir pour connaître Stendhal.

Certes, quand on voit le geste,insignifiant à l'écran, de Julien saisissant la main de Madame de Rénal et que l'on songe à l'importance de cet instantdans le roman, on peut penser que le cinéma oublie tout de la peinture psychologique ; mais si le spectateur aensuite, ou avant la projection, le désir de lire un ouvrage qu'il n'aurait jamais connu sans cela, alors on rend grâceau cinéma.

Point de culture sans étude, point de culture sans effort de mémoire et volonté d'acquérir quelque choseet de s'enrichir ; mais le film peut faire naître ce désir de connaître, ce goût de lire, de s'instruire, et dans ce sens,. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles