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Le comte Sforza, libéral italien, écrit en 1931 (Document et analyse)

Publié le 26/02/2011

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«Ce ne fut qu'après la guerre que les dictatures envahirent l'Europe : des dictatures qui différaient par les origines et par les buts, réels ou vantés; mais ayant toutes en commun la nécessité d'imposer le despotisme le plus absolu sur toutes les formes de la vie nationale... Quatre ans de guerre apprirent aux survivants, ou du moins à beaucoup d'entre eux, que la violence était un devoir même dans le champ moral ; que l'obéissance la plus aveugle était une vertu nationale, même dans les matières de l'esprit... On pourrait presque dire que cette excitation des passions nationalistes chez les masses constitue la caractéristique commune et essentielle des dictatures d'après-guerre... A la vérité, il n'est pas difficile de découvrir des passions et des égoïsmes qui, certes, ont existé pendant des siècles, mais qui jamais ne s'allièrent aussi cyniquement qu'à présent ; on commence presque à avouer leur alliance en Allemagne comme en Italie, en France comme dans certains cercles britanniques qui n'ont pas trouvé leur Mussolini ou leur Hitler, mais sont en train d'en chercher un... Ces passions sont : — la revanche offensive des autocraties contre les démocraties, sous une forme violente qui est l'effet des habitudes de la guerre ; — la lutte engagée par les industriels et les propriétaires terriens, soi-disant contre le danger bolchévique, en réalité contre toute forme de mouvement socialiste et travailliste; ... Les meneurs de cette lutte sont presque heureux d'avoir l'épouvantail du bolchévisme comme cri de ralliement; ... — et finalement, quoique beaucoup moins important, tout au moins hors d'Allemagne, le mouvement antisémite, dont on a entrevu l'apparition, à la suite de la dictature, même dans des pays qui en avaient été exempts, comme l'Italie... Il a été plus ou moins à la mode, ces dernières années, un peu partout en Europe et aux États-Unis, de médire de la démocratie

comme d'une forme de gouvernement des plus basses et des plus médiocres, tandis que la dictature serait, elle, le régime où les meilleurs auraient eu leur chance à l'abri de l'aveugle sort des urnes... Les dictatures ne peuvent durer et prospérer que dans une atmosphère de guerre ; et si leur politique étrangère reste, ou semble, pacifique, c'est seulement parce qu'elles se sentent liées par une atmosphère internationale qu'elles ne sont pas assez fortes ou assez audacieuses pour défier. Mais qu'une fissure se forme, et toute dictature se mettra à espérer que le jeu sanglant approche à nouveau. « Comte Sforza, Dictateurs et dictatures d'après-guerre, Gallimard, Paris 1931. A partir du document ci-dessus, vous pouvez, au choix : — faire un commentaire composé à votre initiative, — faire un commentaire organisé, en répondant aux questions suivantes : 1. Quand s'est établie la dictature en Italie? en Allemagne? 2. Quels rapports l'auteur voit-il entre la guerre de 1914-1918 et le développement du fascisme? 3. Quelles sont les causes politiques qui poussent à la dictature ? 4. Quelles sont les causes sociales qui poussent à la dictature? 5. Quel rôle a joué l'antisémitisme dans l'établissement et le maintien des régimes totalitaires?   

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« développement Introduction • Le xixe et le début du xxe siècle, surtout après la victoire des Alliés, marquent le triomphe apparent de ladémocratie.

Ce régime apparaissait comme le plus adapté aux exigences de la vie moderne et du développement économique.

Ilavait, en outre, l'avantage d'éviter le recours à la violence dans les rapports politiques et d'assurer la liberté detous.

Démocratie et progrès semblaient donc être étroitement associés. • Pourtant, contre ce que certains estimaient être le « cours de l'Histoire», de très nombreux régimes dictatoriauxs'établissent en Europe, au point que la dictature devient un des phénomènes majeurs de l'entre-deux-guerres.Mussolini établit solidement son régime à partir des «lois fascistissimes» de 1925.

Bien vite, Horthy, en Hongrie,Pilsudski, en Pologne, Salazar, au Portugal, sont à la tête de régimes à tout le moins autoritaires.

En 1931, date deparution du texte de Sforza, Hitler et les nazis, forts de leur succès électoral de 1930, menacent la République deWeimar, affaiblie par la crise économique.

Les régimes démocratiques les plus solides eux-mêmes sont attaqués pardes extrémistes de droite (par exemple, en France, les Jeunesses Patriotes et les Croix de Feu) dont les succès deMussolini et les difficultés de la crise alimentent les rêves dictatoriaux.

C'est ce phénomène original que le comteSforza, libéral italien, ancien ministre des Affaires étrangères qui démissionna avec éclat lors de la prise du pouvoirpar Mussolini et qui vit en exil, analyse ici. • L'analyse de Sforza se décompose en trois parties.

Après avoir décrit l'originalité du phénomène fasciste, ils'efforce de démasquer les forces occultes qui le soutiennent et l'expliquent.

Enfin, il dénonce les menaces deguerre que le fascisme, par sa logique même, fait courir au monde. I.

Le phénomène fasciste 1.

Un totalitarisme nationaliste Les dictatures modernes se distinguent du despotisme et des tyrannies «classiques» par leur totalitarisme et leurnationalisme.• Le totalitarisme du nouveau despotisme fasciste se traduit par sa volonté de contrôler tous les aspects de la viede la Nation.

Comme l'affirme Mussolini : «L'État est tout, l'individu n'est rien.

» La dictature politique se traduit parl'autorité incontestée du Chef, Duce, Führer, Caudillo, etc., par l'existence d'un parti unique et par le pouvoir despolices politiques laissées pratiquement libres d'agir en dehors de la loi.

L'État intensifie démesurément son rôleéconomique : il contrôle les entreprises, leur enjoint de se plier aux décisions du Plan, se substitue au secteur privédans les domaines où il s'avère défaillant.

Il détermine les rapports professionnels (charte du travail, syndicatscontrôlés par le parti, corporations italiennes, «Front du Travail» allemand.

Il surveille la vie intellectuelle etartistique, organise les loisirs (Dopolavoro, Kraft durch Freude) encadre la jeunesse (Balilla, Avanguardisti, HitlerJugend).

Même la vie privée des citoyens n'échappe pas au droit de regard de l'État fasciste. • Le nationalisme sert à justifier la dictature.

Le fascisme est né des nationalismes blessés («Victoire mutilée»italienne, « Diktat » de Versailles pour les Allemands) et des prétendues menaces de la subversion intérieure«internationaliste».

Il fonde théoriquement sa dictature sur la conception de ' .

« lutte pour la vie» qui caractérisel'Histoire.

Celle-ci est présentée comme la lutte entre les Nations ou les races.

De ce combat seuls les plus fortssortent vainqueurs, et « malheur aux vaincus ! ». 2.

La fanatisation des masses Les dictatures modernes utilisent les nouvelles techniques de manipulation des masses.

Contrairement à la droitetraditionnelle qui s'appuyait essentiellement sur les notables locaux et le pouvoir de l'argent, les partis fascistesrassemblent des centaines de milliers de militants fanatisés. • Le devoir de violence.

Les fascistes condamnent la tolérance qu'ils assimilent à la faiblesse.

Ils revalorisent, aucontraire, la violence.

Mussolini veut «viriliser» l'Italie; les fascistes organisent des « expéditions punitives » contreleurs adversaires politiques.

Hitler veut « une jeunesse brutale, violente, cruelle » ; SA et SS se déchaînent contretout ce qui prétend résister à la volonté du Führer et du peuple allemand.

Les camps de concentration (îles Lipari,Dachau) mettent les victimes à la merci des bourreaux. • « Une obéissance aveugle » est exigée et considérée comme une des premières vertus du fasciste.

Chacun doitprêter un serment personnel de fidélité au chef.

Comme le dit le «catéchisme» fasciste : «Le Duce a toujoursraison».

Cette exaltation de l'obéissance va à l'encontre du rationalisme et de l'esprit critique qui avaient caractériséle siècle précédent et étaient à la base de l'esprit scientifique. 3.

L 'héritage de la guerre. »

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