Devoir de Philosophie

Dans ces pages, Saint-Exupéry exprime les réflexions que lui inspire la mort de ses compagnons aviateurs disparus au cours de leurs missions. Vous analyserez ce texte en vous attachant à dégager les constatations, les idées autour desquelles s'organise cette méditation.

Publié le 16/02/2011

Extrait du document

Puis, sans vous en tenir à l'exemple des aviateurs, vous examinerez le problème soulevé par Saint-Exupéry dans cette phrase : « La grandeur d'un métier est, peut-être, avant tout, d'unir des hommes «. Vous exposerez, bien entendu, votre opinion sur la question.

LA MORT DES CAMARADES

Enfin, après douze années de travail, comme il survolait une fois de plus l'Atlantique Sud, il signala par un bref message qu'il coupait le moteur arrière droit. Puis le silence se fit. La nouvelle ne semblait guère inquiétante, et, cependant, après dix minutes de silence, tous les postes radio de la ligne de Paris jusqu'à Buenos-Aires commencèrent leur veille dans l'angoisse. Car si dix minutes de retard n'ont guère de sens dans la vie journalière, elles prennent dans l'aviation postale une lourde signification. Au coeur de ce temps mort, un événement encore inconnu se trouve enfermé. Insignifiant ou malheureux, il est désormais révolu. La destinée a prononcé son jugement, et, contre ce jugement, il n'est plus d'appel : une main de fer a gouverné un équipage vers l'amerrissage sans gravité ou l'écrasement. Mais le verdict n'est pas signifié à ceux qui attendent. Lequel d'entre nous n'a point connu ces espérances de plus en plus fragiles, ce silence qui empire de minute en minute comme une maladie fatale ? Nous espérions, puis les heures se sont écoulées et, peu à peu, il s'est fait tard. Il nous a bien fallu comprendre que nos camarades ne rentreraient plus, qu'ils reposaient dans cet Atlantique Sud dont ils avaient si souvent labouré le ciel. Mermoz, décidément, s'était retranché derrière son ouvrage, pareil au moissonneur, qui, ayant bien lié sa gerbe, se couche dans son champ. Quand un camarade meurt ainsi, sa mort paraît encore un acte qui est dans l'ordre du métier, et, tout d'abord, blesse peut-être moins qu'une autre mort. Certes il s'est éloigné celui-là, ayant subi sa dernière mutation d'escale, mais sa présence ne nous manque pas encore en profondeur comme pourrait nous manquer le pain. Nous avons en effet l'habitude d'attendre longtemps les rencontres. Car ils sont dispersés dans le monde, les camarades de ligne, de Paris à Santiago du Chili, isolés un peu comme des sentinelles qui ne se parleraient guère. Il faut le hasard des voyages pour rassembler, ici ou là, les membres dispersés de la grande famille professionnelle. Autour de la table d'un soir, à Casablanca, à Dakar, à Buenos-Aires, on reprend, après des années de silence, ces conversations interrompues, on se renoue aux vieux souvenirs. Puis l'on repart. La terre ainsi est à la fois déserte et riche. Riche de ces jardins secrets, cachés, difficiles à atteindre, mais auxquels le métier nous ramène toujours, un jour ou l'autre. Les camarades, • la vie peut-être nous en écarte, nous empêche d'y beaucoup penser, mais ils sont quelque part, on ne sait trop où, silencieux et oubliés, mais tellement fidèles ! Et si nous croisons leur chemin, ils nous secouent par les épaules, avec de belles flambées de joie ! Bien sûr, nous avons l'habitude d'attendre... Mais peu à peu nous découvrons que le rire clair de celui-là nous ne l'entendrons plus jamais, nous découvrons que ce jardin-là nous est interdit pour toujours. Alors commence notre deuil véritable qui n'est point déchirant mais un peu amer. Rien, jamais, en effet, ne remplacera le compagnon perdu. On ne se crée point de vieux camarades. Rien ne vaut le trésor de tant de souvenirs communs, de tant de mauvaises heures vécues ensemble, de tant de brouilles, de réconciliations, de mouvements du coeur. On ne reconstruit pas ces amitiés-là. Il est vain, si l'on plante un chêne, d'espérer s'abriter bientôt sous son feuillage. Ainsi va la vie. Nous nous sommes enrichis d'abord, nous avons planté pendant des années, mais viennent les années où le temps défait ce travail et déboise. Les camarades, un à un, nous retirent leur ombre. Et à nos deuils se mêle désormais le regret secret de vieillir. Telle est la morale que Mermoz et d'autres nous ont enseignée. La grandeur d'un métier est, peut-être, avant tout, d'unir des hommes : il n'est qu'un luxe véritable, et c'est celui des relations humaines.

SAINT-EXUPÉRY, Terre des Hommes (Gallimard).

« 2e temps — Il réfléchit à la perception, d'abord vague, qu'ont les aviateurs de la mort d'un camarade.

La routine du métieratténue tout d'abord le sentiment de son absence.— C'est le métier qui détermine la manière de vivre la camaraderie : elle est à la fois sûre et lointaine.

Lacommunauté d'existence, alliée aux séparations continuelles, crée des rapports impersonnels et cependant solides. 3e temps — Le silence s'éternisant, tous prennent une conscience aiguë de la perte d'une présence qu'entraîne la mort ducamarade.Cette mort place les hommes et les liens qui les unissent dans un temps qui est avant tout « passé » : lacamaraderie fondée sur une communauté de vie, prend corps dans le temps, et la mort d'un camarade y laisse unvide que rien ne peut ni ne pourra jamais combler.L'auteur rappelle la personnalité de Mermoz (reprenant ainsi le point de départ) et celle des autres aviateurs(élargissant ainsi son idée) pour leur attribuer la « morale » tirée de cet épisode.Cette étude nous a permis de distinguer la façon dont plusieurs thèmes s'organisaient.

Nous avons trouvé deuxthèmes principaux, et un thème secondaire qui participait des deux autres.

Nous pouvons adopter le schéma suivant: I - Résonance chez les aviateurs de la mort d'un camarade. L'homme et le camarade dans le temps. II - Grandeur de la camaraderie. COMMENTAIRE IMPOSÉ « La grandeur d'un métier est, peut-être, avant tout, d'unir les hommes.

» INTRODUCTIONAu terme de sa réflexion sur la camaraderie chez les aviateurs, Saint-Exupéry exprime ce qui fait la valeur de toutecommunauté de travailleurs : « La grandeur d'un métier est, peut-être, avant tout, d'unir les hommes.

» Cetteremarque est d'autant plus intéressante que le métier envisagé par l'auteur ne peut permettre à des relationsintimes constantes de se nouer.

La nature des liens qui unissent les hommes à l'intérieur d'une même profession enest d'autant plus facile à cerner.

Mais si Saint-Exupéry expose en quelque sorte un cas-limite, sa réflexion peutconcerner tous les corps de métier.

On peut dire à ce propos que tous les hommes, en tant que travailleurs,prennent une nouvelle dimension par leur appartenance à une communauté d'activité.

Cette phrase nous pousse à ladéfinir. I.

- NATURE DU MÉTIERLes termes utilisés par Saint-Exupéry sont tout d'abord importants par ce qu'ils excluent.

Ils différencientfondamentalement le « travail » du « métier ».

Les hommes ne sont pas envisagés dans leur activité sociale, qu'ellesoit physique, manuelle ou intellectuelle, mais dans le corps qu'ils constituent pour avoir adopté la même activité.Or, si l'on parle volontiers de la grandeur du travail, il semble moins légitime de parler de celle du métier, qui, en tantque simple organisation, ne possède pas de valeur propre.

Le travail met en œuvre les capacités de l'homme, sesressources techniques, psychologiques et intellectuelles, pour les rendre créatrices d'un produit, ajoutant ainsi à larichesse du monde.

Rien de tel pour le métier, qui regroupe les travailleurs d'une même spécialité, qu'ils soient bonsou mauvais, paresseux ou zélés, créateurs ou passifs.

La grandeur du métier doit donc, ainsi que le fait Saint-Exupéry, être pensée en dehors de toute considération d'efficacité ou de conscience professionnelle. II.

- DÉFINITION DES RAPPORTS QU'IL CRÉESi la valeur du métier est de créer des rapports, des liens entre les hommes, encore nous faut-il en définir la nature.Le métier réunit de façon parfaitement arbitraire des hommes aux personnalités fort différentes, voire opposées, etqui n'ont pas choisi de vivre ensemble.

Il n'est même pas certain qu'ils aient en commun certaines aspirations d'ordreprofessionnel, dans la mesure où chacun ne choisit pas forcément son métier, qui lui est souvent imposé par sonmilieu social ou le déroulement de ses études.

Il est probable que les aviateurs dont parle Saint-Exupérypartageaient un certain enthousiasme de pionniers, mais c'est là un cas exceptionnel.

De plus ces hommes nepossèdent pas tous les mêmes préoccupations intellectuelles ou psychologiques, sont plus souvent divisés qu'unispar des conceptions politiques ou religieuses diverses.

Voici donc des êtres aussi disparates réunis artificiellementpar une commune activité.

Et l'on prétend trouver une véritable grandeur à cette réunion ! Quelles sont donc les. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles