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Ne doit-on attendre de l'historien qu'un récit des faits tels qu'ils se sont passés ?

Publié le 12/03/2004

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Comme l'a dit Simiand, « il n'y a de rapport causal que s'il y a régularité de liaison, renouvellement identique de la liaison constatée ; le cas unique n'a pas de cause, n'est pas scientifiquement explicable. » Mais l'histoire est précisément la science des cas uniques. Certains historiens ont cru résoudre la difficulté en alléguant qu'il ne s'agit pas ici, comme dans les sciences, de déterminer des causes générales, encore moins des lois : il s'agit d'expliquer des événements, des faits particuliers. Mais la difficulté demeure : ainsi que le notait le sociologue Bouglé (1870-1940), « toute explication suppose la croyance à des rapports constants, escompte des propriétés plus ou moins permanentes, utilise des généralités », de sorte qu' « on n'explique pas un fait particulier par un autre fait particulier ». Les  historiens eux-mêmes, quand ils veulent expliquer un fait historique, font appel à des relations générales, à des sortes de lois qui restent sous-entendues. Ouvrons un manuel d'histoire : parmi les causes de la Révolution française, il nous donne « l'état d'esprit », ce qui implique que les causes idéologiques exercent une action réelle sur l'évolution historique : autrement dit, une hypothèse directrice, qui dépasse de beaucoup les faits, sur les causes de l'évolution sociale. Mais l'histoire est-elle capable, par des procédés proprement historiques, d'en administrer la preuve ? Certes, une méthode comparative pourrait nous tirer de difficulté. Mais elle nous ferait sortir du point de vue proprement historique : car comparer, c'est faire abstraction des différences particulières, c'est généraliser.   L'histoire repose sur des données objectives: vestiges architecturaux, témoignages écrits, archives administratives, etc.

L'histoire est-elle un récit? Est-elle le récit d'événements? L'historien décrit-il fidèlement le passé? L'historien n'aurait-il rien à dire sur notre présent et le sien? Sa connaissance du passé lui permet-elle d'éclairer l'actualité, voire le futur proche?

« L'histoire est connaissance des faits passésThomas Hobbes, dans le Léviathan, écrit: «Le registre où est consignéela connaissance du fait se nomme histoire.» Il distingue l'histoirenaturelle, qui concerne les faits qui .ne dépendent pas de la volontéhumaine, de l'histoire civile, qui est «l'histoire des actions volontairesdes hommes dans les Républiques» (ibid.).

Concernant ces deux sortesd'histoire, la raison doit appliquer les mêmes impératifs de rigueur et devigilance. L'histoire est une science descriptiveLe naturaliste classe les espèces et cherche à comprendre comment, àpartir d'un genre originel, elles se sont formées puis diversifiées.

Lascience historique doit suivre une démarche comparable.

Les migrationsexpliquent la diversification des types humains.

Les guerres expliquentla modification des frontières, etc. La matière de l'histoire doit être «nue et informe»Montaigne, dans ses Essais, critique les historiens qui ne savent pas secontenter de relater les faits.

Selon lui, l'honnête historien fournit unematière «nue et informe».

De cette matière, «chacun peut en faire son profit autant qu'il a d'entendement» (Essais).

C'est à cette condition que l'histoire peut prétendre àl'objectivité. [Les méthodes que l'on applique à la connaissance des faits naturels ne sont pas applicables à l'étude du passé humain.

L'histoire ne peut pas se contenter de relater.

Elle doit également interpréter.] L'histoire n'est pas une collection de faits brutsDéjà à l'époque de Thucydide et d'Hérodote, l'histoire apparaissait comme une démarche qui se distingue decelle du naturaliste.

Le travail de l'historien ne se limite pas à collecter des témoignages bruts.

Ceux-cidoivent être affinés, vérifiés, authentifiés.

Pour cela, il faut procéder à des recoupements.

Autrement dit,connaître le passé, c'est le recomposer à la lumière des connaissances actuelles. L'histoire fait appel à des notions proprement humainesUn fait est un fait.

Mais, en histoire, un événement donné n'obéit pas à des lois naturelles.

Telle guerre, telchangement de régime politique se rapportent nécessairement à des facteurs humains (désir, ambition,vengeance...) qu'il convient d'éclaircir.

C'est ne rien comprendre à l'enchaînement des faits que de secontenter de décrire les différentes phases d'une bataille. L'histoire est une interprétationPuisque l'histoire renvoie à l'humain, on ne peut pas se contenter de principes explicatifs externes.

(Parexemple: telle famine explique tel soulèvement populaire...).

L'historien, tout en se gardant bien de projeterson propre vécu sur la période du passé qu'il étudie, doit néanmoins interpréter les actions humaines afin demieux les comprendre. La synthèse historique. A la critique des documents, succède la synthèse historique, destinée à donner un tableau d'ensemble d'uneépoque ou d'un ordre de faits.

Ici se posent bien des problèmes. 1.

Les documents peuvent présenter des lacunes ou des insuffisances.

Or le silence des documents ne permet pas de conclure à l'inexistence des faits : ceux de l'antiquité sont à peu près muets sur l'esclavage ; ceux du XVII ième, sur la misère des paysans sousLouis XIV.

D'une façon générale, œuvre des classes privilégiées, les documents sont « enclins à exagérer l'importance des grands personnages, tandis que la vie de la population est laissée dans l'ombre. » (Seignobos ).

Il faudra donc d'abord combler ces lacunes. 2.

Il faut aussi faire un choix entre les faits.

Une histoire où aucun fait ne serait sacrifié, contiendrait tous les actes de tous les hommes àtous les moments du temps.

C'est évidemment impossible, et serait sans intérêt.

Le principe du choix est laissé à l'appréciation de. »

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