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Être libre, est-ce adhérer à la nécessité ?

Publié le 21/01/2004

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Épictète, Entretiens, trad. J. Souillé, Les Belles Lettres. L'autonomie par compréhension de l'ordre des choses et obéissance à cet ordre. Si les phénomènes s'enchaînent nécessairement, l'homme qui acquiesce à ces liaisons semble courbé, dira-t-on, sous un aveugle destin. 0r cette vision paraît naïve et unilatérale. Elle confond le fatalisme, qui enchaîne l'homme, et le déterminisme qui, au contraire, la libère. Par le travail et la technique l'homme peut, précisément, sans supprimer la légalité de la nature, sans tenter de lever la contrainte de ses lois, se libérer par l'obéissance elle-même. Hegel a fort bien analysé ceprocessus par lequel l'homme, sans jamais changer en son fond la contrainte des lois de la nature, peut ruser avec elle et, ainsi s'en rendre maître : C'est la ruse de l'homme : l'activité aveugle des forces naturelles dont on connaît les lois, est mobilisée au service de l'homme. Celui-ci, connaissant les lois et leur obéissant, laisse la nature s'user à son profit.

« parfaite indépendance, et jamais nous ne serons déçus.

Quoi qu'il arrive, je conserve ma liberté de jugement, je suishors d'atteinte.

Je considère froidement mes passions*, qui, tout comme mon corps, ne sont que choses extérieuresà moi-même, indignes d'attachement.

Le but du sage est d'atteindre l'« apathie ».

l'absence de passion.

par le refusde consentir à tous les entraînements de son corps.

Je ne suis pas mon corps, celui qui le torture ne m'atteint pas— d'où son acharnement, et la déception du sadique, qui voudrait soumettre mon âme, mais ne le peut.

Ainsi, dans une quelconque épreuve, le sage ne récrimine pas contre le cours du monde, ne s'emporte pas en vain,mais s'attache aucontraire à ce qui dépend de lui : il maîtrise sa crainte, qui seule est terrible, ne se laisse pas entraîner par sesreprésentations, refuse son assentiment aux délires de l'imagination, reste maître de lui-même, libre, tel un roc battupar les flots.

« Puisque l'homme libre est celui à qui tout arrive comme il le désire, me dit unfou, je veux aussi que tout m'arrive comme il me plaît.

- Eh ! mon ami, la folieet la liberté ne se trouvent jamais ensemble.

La liberté est une chose nonseulement très belle, mais très raisonnable et il n'y a rien de plus absurde nide plus déraisonnable que de former des désirs téméraires et de vouloir queles choses arrivent comme nous les avons pensées.

Quand j'ai le nom de Dionà écrire, il faut que je l'écrive, non pas comme je veux, mais tel qu'il est, sansy changer une seule lettre.

Il est de même dans tous les arts et dans touteslessciences.

Et tu veux que sur la plus grande et la plus importante de toutesles choses, je veux dire la liberté, on voie régner le caprice et la fantaisie.Non, mon ami : la liberté consiste à vouloir que les choses arrivent, noncomme il te plaît, mais comme elles arrivent.

» Épictète, Entretiens, trad.

J.Souillé, Les Belles Lettres. L'autonomie par compréhension de l'ordre des choses et obéissance à cetordre. Si les phénomènes s'enchaînent nécessairement, l'homme qui acquiesce à cesliaisons semble courbé, dira-t-on, sous un aveugle destin.

0r cette visionparaît naïve et unilatérale. Elle confond le fatalisme, qui enchaîne l'homme, et le déterminisme qui, au contraire, la libère.

Par le travail et latechnique l'homme peut, précisément, sans supprimer la légalité de la nature, sans tenter de lever la contrainte deses lois, se libérer par l'obéissance elle-même.

Hegel a fort bien analysé ceprocessus par lequel l'homme, sans jamais changer en son fond la contrainte des lois de la nature, peut ruser avecelle et, ainsi s'en rendre maître : C'est la ruse de l'homme : l'activité aveugle des forces naturelles dont on connaîtles lois, est mobilisée au service de l'homme.

Celui-ci, connaissant les lois et leur obéissant, laisse la nature s'user àson profit.

La large face de la force est attaquée par la pointe fine de l'intelligence humaine.

Par l'utilisation des loisnaturelles, les hommes rusent.

Sans jamais éliminer cette légalité naturelle, ils la canalisent à leur profit.

Ainsi, pourreprendre un exemple d'Alain, qui présente des idées fort semblables, l'homme avance contre le vent par la forcemême du vent.

Il se libère par l'action, en dominant les choses.

Par le travail et la technique, l'homme domestique lanature et construit sa liberté (se libère) ; il s'affranchit sans jamais s'attaquer à la légalité.

Il se rend maître de lanature en lui obéissant.

L'affranchissement se réalise parce que l'homme, rusé, s'adjoint les lois naturelles commeune médiation.

Hegel a donc fort bien saisi que l'obéissance aux lois permet la vraie liberté, celle qui est uneconquête et un affranchissement.

Engels, dans l'Anti-Dühring, reprendra, en des formules célèbres, ce même thème,soulignant que la liberté n'est pas dans une indépendance rêvée à l'égard des lois de la nature, mais dans laconnaissance de ces lois et dans le fait de leur obéir et de les mettre en oeuvre méthodiquement.

« Cela est vraiaussi bien des lois de la nature extérieure que de celles qui régissent l'existence physique et psychique de l'hommelui-même » (Engels, Anti-Dühring).

A ce premier niveau d'analyse, paradoxalement, c'est donc la soumission quiconditionne l'autonomie. L'autonomie par acceptation des lois de la cité. Dans la sphère civile, le même processus peut être mis en évidence : si la loi semble nous enchaîner et nousasservir, cette vision des choses est en réalité superficielle et même erronée.

Comme l'ont bien montré les grandspenseurs politiques (Spinoza, Kant, Rousseau ou Hegel) échapper à l'esclavage n'est pas agir selon son bon plaisir etselon le pur principe de la subjectivité, mais obéir à la loi civile qui est celle de la raison.

Quand il obéit aux loisciviles ou politiques fondées en droite raison, alors le citoyen, loin d'être asservi, s'affranchit.

Certes, toute loi nelibère pas, mais la loi de raison fait de l'homme un être véritablement autonome.

Il s'agit ici, non pas de la loi du bonplaisir, mais de celle de la raison.

Pourquoi nous libère-t-elle ? Parce que nous y reconnaissons notre propre volontéraisonnable.

Or, en cette reconnaissance, tout être humain sait qu'il échappe à l'arbitraire et au contingent.

Ilaccède à la vraie autonomie, comme obéissance à la loi universelle de la raison.

Dès lors, l'obéissance à la loiaffranchit profondément l'homme.

« La liberté de l'individu, dans la mesure où celui-ci se refuse à reconnaîtrel'universel et l'objectivité de la loi, où il veut se maintenir dans son individualité en tant que subjective, n'est riend'autre que l'arbitraire » (Eric Weil, Hegel et l'État, p.

53, Vrin).Contre l'arbitraire, la loi civile incarne la raison.

Certes, il est permis d'opter pour la passion ou le désir (contre la. »

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