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L'événement historique ?

Publié le 07/02/2004

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Est-ce un fait quelconque? Non pas. C'est un fait notable. Or comment l'historien juge-t-il qu'un fait est notable ou non ? Il en juge arbitrairement, [...] car les faits ne se divisent pas, de leur propre nature, en faits historiques et en faits non historiques. » Anatole France, Le Jardin d'Épicure, 1894. « C'est la multiplicité et la durée des effets produits, c'est l'intensité de la répercussion dans l'espace et dans le temps qui caractérisent l'événement. [...] De même qu'il y a des hasards indifférents et des événements, il y a des individualités négligeables et des personnages.

« L'événement est, selon Cicéron, ce qui arrive selon le temps, les devoirs et les nécessités » (De finibus).

En tantque fait, il est donc le résultat de l'enchaînement d'autres faits à partir desquels on peut en rendre raison.

Ces faitsprésentent une unité temporelle.Un événement est donc un fait dans la série des faits dont l'unité est celle d'une coupe temporelle. Si le temps est une continuité, toute coupe dans le temps suppose la différenciation et la comparaison de deuxétats de fait.

Un événement est en conséquence un fait ayant une unité temporelle, mais doté d'un effetmodificateur.

Par exemple, l'arrivée de l'automne fait événement dans sa différence avec l'été.

Toutefois, tout cequi arrive de nouveau ne fait pas nécessairement événement : un fait divers est limité dans le temps et transformel'état antérieur, mais ce n'est pas un événement.

Il convient donc introduire un principe d'évaluation afin dehiérarchiser les faits selon leur importance.

Un événement doit produire une modification significative. La question devient alors celle du critère retenu pour juger de l'importance d'un fait au regard de sa reconnaissancecomme événement.

Le critère du journaliste — et il faudrait encore distinguer entre le chroniqueur des faits diverset l'éditorialiste — est différent de celui de l'historien.

Celui du philosophe est encore autre chose : si, pour Kant, laRévolution française est un événement, c'est qu'elle signifie pour le genre humain la possibilité d'accéder à la liberté.Pour le philosophe, la distinction temporelle sera expressive de la série idéale (l'histoire du genre humain) jouantcomme critère d'évaluation.

Si le temps n'est pas un processus réel, mais naît de mon rapport aux choses, alors il n'y a pas d'événement sansobservateur et pas de temps sans une vue sur le temps.

Cette analyse de Merleau-Ponty a soulevé plusieursobjections.

On ne peut concevoir un observateur isolé et immobile car alors il ne pourrait y avoir de confrontationentre les points de vue de deux observateurs distincts, ni de distinction entre perception et hallucination, cettedernière étant une perception sans objet.

L'événement ne saurait d'autant moins être réduit à l'observateur que siune chose est perçue, c'est qu'elle doit être perceptible (Krzysztof Pomian, l'Ordre du temps, 1984).

Mais surtout, ladéfinition de l'événement comme simple effet de la perception de l'observateur ignore que la perception n'est passeulement réception passive, mais activité.

Et que cette activité, en sélectionnant un événement parmi d'autres eten l'intégrant dans un univers de permanence produit par l'observateur, produit du nouveau et donc un monde à elle(Alfonso M.

Iacono, l'Événement et l'Observateur, 1998).

L'observateur transforme ainsi l'action en événement.

Ilfait lui même partie de l'observation par l'interprétation qu'il en donne.

C'est pourquoi l'histoire est inséparable d'une«histoire de l'histoire» (Fontenelle, Sur l'histoire, 1761) qui s'interroge sur ce qui commandela sélection pour l'accession d'un fait au rang d'événement.. »

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