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Montesquieu et la politique

Publié le 11/01/2004

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montesquieu
L'effet naturel du commerce est de porter à la paix. Deux nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes : si l'une a intérêt d'acheter, l'autre a intérêt de vendre ; et toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels. Mais, si l'esprit de commerce unit les nations, il n'unit pas de même les particuliers. Nous voyons que dans les pays où l'on n'est affecté que de l'esprit de commerce, on trafique de toutes les actions humaines, et de toutes les vertus morales : les plus petites choses, celles que l'humanité demande, s'y font ou s'y donnent pour de l'argent. L'esprit de commerce produit dans les hommes un certain sentiment de justice exacte, opposé d'un côté au brigandage, et de l'autre à ces vertus morales qui font qu'on ne discute pas toujours ses intérêts avec rigidité, et qu'on peut les négliger pour ceux des autres.

MONTESQUIEU soutient que le commerce est vecteur de paix entre les nations. Cette thèse peut surprendre en ceci que, comme le rappellera MAX WEBER, les rapports entre Etats sont des rapports entre puissances.    Mais reconnaître qu'existent des différends commerciaux, c'est aussi reconnaître que ces derniers ne prennent pas un tour d'affrontement militaire. Affrontement commercial entre puissances ne signifie pas congé donné à la paix.    La raison principale, rappelée par MONTESQUIEU lui-même est que le commerce crée des liens réciproques de dépendance : chaque pays a besoin de l'autre dans la mesure où l'un produit ce que l'autre ne produit pas. On peut même aller plus loin et remarquer, comme le fera plus tard RICARDO, qu'un pays peut avoir intérêt à acheter à l'étranger ce qu'il produit lui-même s'il peut en contrepartie lui vendre autre chose.    Aussi les échanges marchands créent-ils des liens d'interdépendance, qui font que chaque pays n'a pas intérêt à attaquer militairement l'autre. Même s'il n'y a pas communauté d'intérêts, il y a au moins intérêt à ne pas attaquer l'autre.    Le commerce joue donc ici un rôle formellement comparable à celui de la Société des Nations dans le Projet de paix perpétuelle de KANT. Le besoin mutuel est donc un instrument préventif contre les conflits.    Il n'en va pas de même s'agissant des particuliers, hélas. MONTESQUIEU a en vue les formes dégénérées du commerce (le trafic) et l'inclusion dans la sphère marchande "de toutes les valeurs morales".    Ce n'est donc pas le commerce -évidemment- qui est en cause mais les situations où il n'y a QUE l'esprit de commerce, sans que rien ne vienne le contrebalancer.  Pour reprendre une expression pascalienne, il convient que l'esprit de commerce reste dans son ordre, sinon, c'est la tyrannie du commerce et de l'argent sur toute chose, qui s'impose.    L'esprit de commerce, selon MONTESQUIEU, induit enfin un "sentiment de justice exacte". L'auteur oppose ce sentiment au brigandage mais aussi aux attitudes morales dans lesquelles on ne place pas ses intérêts au premier plan.  Négliger ses intérêts pour ceux des autres, c'est ne plus commercer.  

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