Peut-on se fier à l'intuition ?
Publié le 17/01/2004
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La question « peut-on « se comprend dans un sens double : elle porte en effet sur le fait (suis-je simplement capable de faire telle ou telle chose ?), mais aussi sur le droit (suis-je autorisé à faire telle ou telle chose ?). Se fier à, c’est faire confiance à, savoir que l’on peut raisonnablement se reposer sur une chose, éventuellement avoir la preuve que cette confiance est fondée. L’intuition est généralement comprise comme un mode d’approche (éventuellement de connaissance) des objets sans en passer par l’intermédiaire de leur élaboration rationnelle en pensée. Avoir l’intuition de quelque chose, c’est avoir l’impression de connaître cette chose sans l’avoir rationnellement pensée : cette connaissance semble donc défaillante dans son fondement, et c’est justement ce sentiment de défaillance qu’il s’agit d’interroger ici. Le sujet ne définit pas de domaine d’application précis : cela pose problème, puisque l’intuition n’aura pas le même rôle dans le domaine de la connaissance scientifique que dans le domaine de la création artistique, par exemple. Il faudra donc envisager l’intuition dans les différents sens qu’elle peut avoir, dans ces différents domaines. Ainsi, on pourra rapprocher, en art, l’intuition de l’inspiration, alors qu’elle aura un sens très différent dans le domaine des théories de la connaissance. Dans ce domaine en effet, un problème se pose d’emblée : comment fonder une confiance en une forme de connaissance qui ne possède aucun fondement rationnellement élaboré ? Faut-il penser une forme d’adéquation spontanée de l’esprit à la chose dont il a l’intuition ? Ou bien, au contraire, faut-il refuser tout recours à l’intuition et ne se reposer que sur l’intelligence, sur l’élaboration rationnelle et méthodique des savoirs ? Cette question est le nœud du problème posé par le sujet, mais il ne faudra pas négliger les autres domaines (l’art, par exemple) pour tenter de définir la valeur qu’il convient d’accorder à l’intuition.
«
clarté.
Une idée neuve peut être claire parce qu'elle nous présente, simplement arrangés dans un nouvel ordre, desidées élémentaires que nous possédions déjà.
Notre intelligence, ne trouvant alors dans le nouveau que de l'ancien,se sent en pays de connaissance ; elle est à son aise ; elle « comprend Telle est la clarté que nous désirons, quenous recherchons, et dont nous savons gré à celui qui nous l'apporte.
Il en est une autre, que nous subissons, etqui ne s'impose d'ailleurs qu'à la longue.
C'est celle de l'idée radicalement neuve et absolument simple qui capte plusou moins une intuition.
Comme nous ne pouvons la reconstituer avec des éléments préexistants, puisqu'elle n'a pasd'éléments, et comme, d'autre part, comprendre sans effort consiste à recomposer le nouveau avec de l'ancien,notre premier mouvement est de la dire incompréhensible.
Mais acceptons-1a provisoirement, promenons-nous avecelle dans les divers départements de notre connaissance : nous la verrons, elle obscure, dissiper des obscurités.
Parelle, des problèmes que nous jugions insolubles vont se résoudre, ou plutôt se dissoudre, soit pour disparaîtredéfinitivement soit pour se poser autrement
DESCARTES
(...) Nous allons énumérer ici tous les actes de notre entendement par lesquels nous pouvons parvenir à laconnaissance des choses sans aucune crainte d'erreur ; il n'y en a que deux : l'intuition' et la déduction.
Parintuition j'entends, non pas le témoignage changeant des sens ou le jugement trompeur d'une imagination quicompose mal son objet, mais la conception d'un esprit pur et attentif, conception si facile, si distincte qu'aucundoute ne reste sur ce que nous comprenons ; ou, ce qui est la même chose, la conception ferme d'un esprit pur etattentif qui naît de la seule lumière de la raison et qui, étant plus simple, est par suite plus pure que la déductionmême, qui pourtant elle aussi ne peut être mal faite par l'homme (...).
Ainsi, chacun peut voir par intuition qu'ilexiste, qu'il pense, que le triangle est défini par trois lignes seulement, la sphère par une seule surface, et deschoses de ce genre, qui sont bien plus nombreuses que ne le pourraient croire la plupart des hommes, parce qu'ilsdédaignent de tourner leur esprit vers des choses si faciles (...).
On a déjà pu se demander pourquoi, outrel'intuition, nous avons ajouté un autre mode de connaissance qui se fait par déduction, opération par laquelle nousentendons tout ce qui se conclut nécessairement d'autres choses déjà connues avec certitude, bien qu'elles nesoient pas elles-mêmes évidentes, pourvu seulement qu'elles soient déduites à partir de principes vrais et connuspar un mouvement continu et ininterrompu de la pensée qui a une intuition claire de chaque chose.
C'est ainsi quenous savons que le dernier anneau d'une longue chaîne est relié au premier, même si nous n'embrassons pas d'unseul et même coup d'oeil tous les intermédiaires dont dépend ce lien, pourvu que nous ayons parcouru ceux-cisuccessivement et que nous nous souvenions que du premier au dernier chacun tient à ceux qui lui sont proches.Nous distinguons donc ici l'intuition de la déduction certaine en ce qu'on conçoit en celle-ci un mouvement ou unecertaine succession, tandis que dans celle-là, il n'en est pas de même ; et qu'en outre pour la déduction uneévidence actuelle n'est pas nécessaire comme pour l'intuition, mais plutôt qu'elle reçoit en un sens sa certitude de lamémoire.
D'où il résulte qu'au sujet des propositions, qui sont la conséquence immédiate des premiers principes, onpeut dire, suivant la manière différente de les considérer, qu'on les connaît tantôt par intuition, tantôt par déduction; mais les premiers principes eux-mêmes ne peuvent être connus que par intuition ; et au contraire lesconséquences éloignées ne peuvent l'être que par déduction
KANT
Il ne nous manque (...) pas de termes parfaitement appropriés à chaque espèce de représentations pour que nousn'ayons pas besoin d'empiéter sur la propriété d'un autre.
En voici l'échelle graduée.
Le terme générique est celui dereprésentation en général, dont la représentation accompagnée de conscience (perception) est une espèce.
Uneperception qui se rapporte uniquement au sujet, comme modification de son état, est sensation, une perceptionobjective est connaissance.
Cette dernière est ou intuition ou concept.
L'intuition se rapporte immédiatement àl'objet et est singulière; le concept s'y rapporte médiatement, au moyen d'un signe qui peut être commun à plusieurschoses.
Le concept est ou empirique ou pur, et le concept pur, en tant qu'il a uniquement son origine dansl'entendement (et non dans une image pure de la sensibilité), s'appelle notion.
Un concept tiré de notions et quidépasse la possibilité de l'expérience est l'idée ou concept rationnel.
Une fois habitué à ces distinctions, on nepourra plus supporter d'entendre appeler idée la représentation de la couleur rouge qu'il ne faut même pas appelernotion (concept de l'entendement).
Peut-on se fier à l'intuition ? (Seconde correction)
Définition des termes du sujetLa question « peut-on » se comprend dans un sens double : elle porte en effet sur le fait (suis-je simplementcapable de faire telle ou telle chose ?), mais aussi sur le droit (suis-je autorisé à faire telle ou telle chose ?).Se fier à, c'est faire confiance à, savoir que l'on peut raisonnablement se reposer sur une chose, éventuellementavoir la preuve que cette confiance est fondée.L'intuition est généralement comprise comme un mode d'approche (éventuellement de connaissance) des objetssans en passer par l'intermédiaire de leur élaboration rationnelle en pensée.
Avoir l'intuition de quelque chose, c'estavoir l'impression de connaître cette chose sans l'avoir rationnellement pensée : cette connaissance semble doncdéfaillante dans son fondement, et c'est justement ce sentiment de défaillance qu'il s'agit d'interroger ici.
Le sujet ne définit pas de domaine d'application précis : cela pose problème, puisque l'intuition n'aura pas le même.
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