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Peut-on nous reprocher une faute de goût ?

Publié le 01/02/2004

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Le goût est-il naturel, incorrigible ? Peut-il faire l'objet de reproches ? Répond-il à une norme, ou le goût peut-il être individuel ? Qu'est-ce qu'une faute de goût ? Est-ce une faute par rapport à soi, par rapport à une société précise (voir la Distinction de Bourdieu) ? Le goût peut être défini pour partie comme le sens du beau. Mais quand je dis : " Ce tableau est beau ", c'est bien un jugement ; mais le problème, c'est que le concept de " beau " paraît être un concept indéterminé et subjectif : par ce jugement j'exprime d'abord que ce tableau me plaît (subjectif), mais aussi qu'en droit il doit plaire aux autres (qualité objective du tableau). C'est par cette prétention à l'universalité qu'on peut approcher le problème de la " faute de goût ", en distinguant bien la faute de l'erreur : quand je dis d'un tableau horrible qu'il est beau, je fais une faute de goût, mais quand je dis que le ciel est bleu alors qu'il est gris, je fais une erreur. On peut ensuite se demander si la " faute de goût " existe bien, si ce n'est pas seulement un critère inventé par la société : dans ce cas, le goût concerne moins le beau que les usages (" ça ne se fait pas ") ; ce qui est de bon goût dans tel milieu ne le sera pas dans tel autre. Selon Kant (Critique de la faculté de juger), l'idée selon laquelle le goût et le beau sont simplement subjectifs, l'idée que " tous les goûts sont dans la nature ", est un lieu commun par lequel " ceux qui n'ont pas de goût pensent se défendre de tout blâme ". Le goût est-il objectif ou déterminé ? De quelle nature doit être le beau pour que, quand on commet une " faute " de goût, ce ne soit pas une erreur mais bien une faute (comme si le beau avait un contenu moral) ?
  • A. Thèse. La faute de goût n 'est pas susceptible d'être jugée ni condamnée.
 La faute de goût s'enracine dans les pesanteurs sociales et, dès lors, ne relève ni de la liberté ni de l'acte responsable. On ne saurait donc en être tenu pour « coupable « (thèse sociologique). Le goût est un pur problème de « compétence culturelle «.
  • B. Critique et antithèse. On peut me reprocher une faute de goût.
 La faute de goût relève de mon libre-arbitre. Par la faute de goût, je suis responsable et coupable d'une atteinte grave à l'harmonie universelle. Être libre, c'est s'ouvrir au Beau qui guide le goût.
  • C. Synthèse. Le goût se cultive.
 Tout en reconnaissant le rôle des pesanteurs sociologiques (thèse), il nous faut admettre cependant que le goût renvoie à une liberté et à une culture humaine s'opposant à la nature." Nous sommes donc, dans une certaine mesure, responsables d'une faute de goût par manque de travail et de culture. • Réponse à la question : on peut nous reprocher partiellement une faute de goût, dans la mesure où le goût est l'œuvre de notre culture s'appuyant sur un travail réel. 

« Conclusion Le goût, capacité de sentir des saveurs, semble largement déterminé par la culture, Rousseau le notait déjà.

Onpeut cependant, avec Kant, introduire une distinction entre deux usages du goût : Le goût qui différencie les saveurs (par exemple : est-ce amer ou sucré ?) ; dans ce cas, selon Kant, « le goûtpeut permettre un accord général sur la désignation à donner à certaines matières » (Anthropologie du point de vuepragmatique, Vrin, p.

100).

Cet « accord général » pourrait être interprété comme la marque de ce qui, dans legoût, est naturel, dans la mesure où l'on retrouverait en tout homme cette capacité de discrimination gustative dessaveurs acides, amères, sucrées ou salées.

Le goût qui apprécie ce qui a été dégusté (par exemple cette saveur amère peut m'être agréable).

Ici, plusd'accord général : des variations individuelles ou socio-culturelles qui semblent faire du goût un fait de culture,quelque chose d'acquis au cours de l'enfance.

Mais s'il est vrai que « tout est fabriqué et tout est naturel en l'homme », selon le mot de Merleau-Ponty (cf.

sujetsuivant), si les capacités physiologiques sont déjà travaillées par la culture, si l'homme développe ses potentialitésdans une culture et en Intériorise les valeurs même s'il n'en a pas conscience, la distinction kantienne doit êtreaccueillie avec réserve.

Transition.

Lorsque le goût conduit à apprécier une valeur gustative, à dire qu'elle est agréable ou qu'elle est aucontraire source de déplaisir, ne sommes-nous pas déjà sur un autre plan ? Déguster un vieil alcool, ou trouver unplat succulent, est affaire de goût, mais de goût esthétique. 2.

Le goût esthétique « Des goûts et des couleurs...

» Le proverbe est péremptoire, il n'y aurait pas à discuter des valeurs esthétiques.

L'arbitraire du goût de chacunserait la « règle » à suivre : « tous les goûts sont dans la nature ».

Toutefois, on parle aussi du « bon goût » par opposition au « mauvais goût » ; on dit que certains êtres «manquent de goût », comme si le goût était unique, comme s'il y avait un goût, non des goûts arbitraires ;contradiction supplémentaire.

Lalande définit le gout (le bon goût) : « faculté de juger intuitivement et sûrement des valeurs esthétiques, enparticulier dans ce qu'elles ont de correct ou de délicat » (Vocabulaire technique et critique de la Philosophie).

D'oùviendrait donc une telle faculté, si même elle existe ? De notre éducation et de la culture par conséquent, ou denotre nature individuelle, ou encore de la nature humaine en général ? Sociologie du goût Qu'il soit alimentaire ou esthétique, le goût est analysé par le sociologue P.

Bourdieu par exemple, comme unedimension de l'ethos de classe, c'est-à-dire un système de valeurs caractéristique de la classe à laquelle appartientl'individu, système intériorisé au point qu'il peut passer pour « naturel », « spontané », « immédiat », voire « inné »aux yeux de celui qui le déploie sans hésitation dans ses jugements et dans ses pratiques.

Ainsi, la longuefréquentation de certaines œuvres d'art, jamais vécue sur le mode de l'apprentissage, la familiarité qu'elle suppose,peuvent produire chez un être cette sûreté du goût, ce sens de la contemplation, cette aisance du jugement quicaractérisent les « gens de goût ».

Au contraire, le « manque de goût » des classes populaires doit être compriscomme la présence d'un « goût » qui ne doit rien non plus à la nature, mais qui traduit des valeurs caractéristiquesde certaines classes sociales, telles que le travail bien fait, intense ou long, le respect de ce qui est déjà célèbre,etc.

Ces analyses doivent plusieurs de leurs catégories à celles que Kant a élaborées, auxquelles elles reprochentessentiellement d'Ignorer les conditions sociales de l'accession au goût cultivé.

Que disait donc Kant ? Le jugement de goût, jugement esthétique Selon Kant, le jugement de goût déclare tel ou tel objet agréable, source de plaisir, et c'est ce qu'il faut expliquer,puisque ce plaisir est désintéressé, il n'est pas la simple satisfaction d'un besoin ou d'un désir sensuel.

D'autre part, Il faut distinguer ce qui me plaît et ce qui, pour moi, est beau.

Ce qui me plaît, je comprends que çapuisse ne pas plaire à autrui : à chacun son goût, sur ce plan, que les raisons en soient naturelles, psychologiques,socio-culturelles.

Mais celui qui dit « c'est beau » dit davantage : « Il prétend trouver la même satisfaction en autrui» {Critique du Jugement, § 7).

Cette exigence, même si elle peut être déçue, est essentielle.

Toutefois, cette universalité à laquelle prétend le jugement de goût (c'est beau et pour moi et pour tous ceux quicontempleraient l'objet) n'est ni vérifiable expérimentalement ni démontrable logiquement : le jugement de goût n'estpas un jugement « scientifique » : « pas de preuve empirique qui puisse forcer le jugement de goût, [...] encoremoins de preuve a priori (ibid., § 33).

« Par cela même que le jugement de goût ne peut être déterminé par des concepts et des préceptes, le goût estparmi toutes les facultés et les talents, précisément celui qui a le plus besoin de trouver des exemples de ce qui,dans le développement de la civilisation, a reçu le plus long assentiment, s'il ne veut redevenir Inculte et retomberdans la grossièreté de ses premiers essais » {ibid., § 32).

Doit-on en tirer la conséquence que le goût est culturellement déterminé ? Non : si la culture prépare le jugementesthétique, elle n'en est pas la condition suffisante.

C'est bien l'objet contemplé qui met en mouvement, de façonharmonieuse et désintéressée, les facultés de mon esprit, et c'est ce libre jeu des facultés en présence de certainsobjets, qui procure le plaisir spécifique de la contemplation esthétique. Conclusion. »

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