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Peut-on vivre sans référence à la mort ?

Publié le 18/01/2004

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Montaigne prône ici la « pré-méditation « de la mort. Pour combattre la crainte qu'elle suscite en nous, il faut l'apprivoiser, nous faire à son idée, nous habituer à elle : «N'ayons rien si souvent en tête que la mort «, dit-il plus loin. « La préméditation de la mort est préméditation de la liberté. Qui a appris à mourir, il a désappris à servir. « Montaigne, Essais, 1580-1588.S'accoutumer à l'idée de notre propre mort, c'est nous libérer de la frayeur qu'elle nous inspire. Ainsi, apprendre à mourir, c'est proprement nous libérer progressivement de la servitude en laquelle nous tient la crainte de la mort. « Un homme libre ne pense à aucune chose moins qu'à la mort; et sa sagesse est une méditation non de la mort mais de la vie. « Spinoza, Éthique, 1677 (posth.) « On ne cesse de penser à la mort qu'en cessant de penser.
La référence à la mort doit être saisie dans son enjeu, par rapport à la vie, dont elle permet une certaine évaluation. Le vécu, les événements divers, le quotidien, confrontés à la représentation de la mort, ne tendent-ils pas à se relativiser, à se « distribuer « sur une échelle de valeurs ? La pensée de la mort n'aboutit-elle pas, par exemple, à tourner en dérision les détails qui nous submergent ? Ne nous aide-t-elle pas à « voir l'essentiel « ? N'est-elle pas l'instrument d'une distanciation salutaire, libérant l'homme de l'accessoire, des séductions trompeuses du « divertissement « dont parle Pascal ( Pensées, Brunschvicg, 139 à 143) ? 
  • I) On peut penser la vie sans faire référence à la mort.
a) Il faut vivre pour penser et penser pour vivre. b) Il ne sert à rien de méditer sur le néant de la mort. c) La mort est une fiction.
  • II) On ne peut pas penser la vie sans faire référence à la mort.
a) La mort, le sel de la vie. b) La conscience de la mort stimule la pensée. c) Vie et mort sont indissociables.
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« pourrait survivre après la mort du corps, ont tort.

Car l'âme elle-même est faite de matière, certes plussubtile, puisque invisible ; mais si elle n'est qu'un agrégat d'atomes, elle aussi se décompose lorsque la mortsurvient, et même, selon l'expérience la plus commune, il faut penser qu'elle est la première à se décomposerpuisque le mort apparaît immédiatement privé de vie, de sensation, de pensée et de mouvement, alors que lereste de son corps semble encore à peu près intact et mettra plus de temps à commencer à se décomposer.Aussi, la mort se caractérise bien en premier lieu par l'absence de sensation : « Habitue-toi à la pensée que lemort n'est rien pour nous, puisqu'il n'y a de bien et de mal que dans la sensation, et que la mort est absencede sensation.

»En effet, les sensations que nous avons de notre corps et, à travers lui, des choses du monde sont la sourcede toute connaissance, et aussi de tout plaisir et de toute douleur, donc le vrai lieu de tout bien et de toutmal, puisque le bien réel n'est que le plaisir et le mal la douleur.

Nous pouvons désigner la pensée d'Epicurecomme un sensualisme qui fonde toute la vie intérieure sur la sensation.

La mort étant la disparition dessensations, il ne peut y avoir aucune souffrance dans la mort.

Il ne peut pas y avoir davantage de survie dela conscience, de la pensée individuelle: « Ainsi le mal qui effraie le plus, la mort, n'est rien pour nous, puisquelorsque nous existons, la mort n'est pas là, et lorsque la mort est là, nous n'existons plus.

»Dès lors je peux vivre, agir et profiter de cette vie sans redouter aucune punition post-mortem.

Et je sais quec'est ici et maintenant qu'il me faut être heureux, en cette vie, car je n'en ai aucune autre.

Mon bonheur dansla vie est une affaire sérieuse qui ne souffre aucun délai.

Tel est l'enseignement de la sagesse matérialiste. Pour la raison, la mort n'est qu'une fictionTout ce que je puis dire sur la mort renvoie immanquablement à ce que j'ai vécu et à ce que je vis.

Mieuxvaut donc arrêter de discourir sur elle.

La pensée classique, celle qu'incarne Descartes, occupée àappréhender la réalité au moyen d'idées «claires et distinctes», ne s'est pas attardée à définir une notion quin'a aucun contenu rationnel. "Le philosophe ne pense à aucune chose moins qu'à la mort et sa philosophie est une méditation dela vie, non de la mort" SPINOZA La philosophie de Spinoza est une ontologie optimiste : pour lui perfection et réalité, vertu et puissance sontmême chose.

Le bonheur absolu existe ici-bas dans la communion intellectuelle avec l'essence des choses.

Nil'erreur, ni le mal, ni la mort n'offrent la moindre prise à une pensée positive ; ils ne se définissent qu'à partirde l'Être dont ils sont défaut, privation ; la pensée de la mort est contradictoire, c'est une pensée folle carprétendre penser le rien revient très exactement à ne rien penser ; chacun de nous est une essenceparticulière affirmative qui tend obstinément à « persévérer dans son être »; et il faut bien comprendre que ce« conatus », cet effort vers la plénitude de l'existence n'a rien à voir avec un peureux et douillet instinct deconservation.

[L'homme est la seule créature qui, parmi toutes les espèces vivant sur terre, a conscience de sonexistence.

Il se sait mortel.

Voilà qui pose le plus grave des problèmes: qu'est-ce la vie au regard de la mort ?] La vie est courteHorace, dans ses Odes, a écrit ces mots célèbres: Carpe diem.

Ce qui signifie: «profite du jour présent».

C'estparce que je sais que je ne suis pas immortel que je réfléchis sur le temps qui passe, que je me demande ceque je dois faire de ma vie pour ne pas regretter, au jour de ma mort, de n'avoir pas vécu ce que je devaisvivre. La mort, comme néant, enrichit la vie.Semblablement, c'est parce que la mort, comprise comme néant, nous dévoile l'absurdité de la vie, que cettedernière pourra être authentiquement vécue, dans la conscience et la révolte : « Il s'agissait de savoir si lavie devait avoir un sens pour être vécue.

Il apparaît ici au contraire qu'elle sera d'autant mieux vécue qu'ellen'aura pas de sens.

Vivre une expérience, un destin, c'est l'accepter pleinement [...].

Vivre c'est faire vivrel'absurde.

Le faire vivre, c'est avant tout le regarder.

Au contraire d'Eurydice, l'absurde ne meurt que lorsqu'ons'en détourne.

L'une des seules positions philosophiques cohérentes, c'est ainsi la révolte [...] Cette révoltedonne son prix à la vie » (A.

Camus, Le Mythe de Sisyphe, Gallimard, coll.

Idées, pp.

76-77).

Ainsi, c'est dansle sentiment de notre finitude et la capacité que nous avons de faireface à notre propre mort que nous puisons la force et l'énergie de vivre pleinement et authentiquement la viequ'il nous est donné de vivre, car « la vie de l'esprit n'est pas la vie qui s'effarouche devant la mort et sepréserve pure de la décrépitude, c'est au contraire celle qui la supporte et se conserve en elle» (Hegel,Phénoménologie de l'esprit, p.

48, trad.

J.-P.

Lefebvre).. »

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