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À quelles conditions une démarche est-elle scientifique ?

Publié le 04/02/2004

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scientifique

■ Analyse du sujet — Aspect un peu paradoxal de la question : lorsque « je « parle, je peux avoir le sentiment de maîtriser totalement ce que je dis. Mais certains aspects du langage lui-même ne m'interdisent-ils pas cette maîtrise ? — On doit tenir évidemment compte de la dimension collective du langage et de son vocabulaire (penser, par exemple, aux critiques qu'en font Nietzsche et Bergson). — Même si je prétends maîtriser ce que je dis, puis-je garantir une maîtrise semblable sur ce que l'autre entend ? et sur le sens qu'il saisit ? — Que serait une parole qui ne dépendrait que de moi ? Demeurerait-elle bien communicable ? ■ Pièges à éviter — Éviter de ne traiter qu'un aspect de la question : on doit tenir compte aussi bien, par exemple, de la dimension collective du vocabulaire que de l'intervention éventuelle de l'inconscient. — On ne peut se contenter d'énumérer des exemples de situations où nos paroles nous échappent plus ou moins : il faut parvenir à classer les différents cas autour d'un certain nombre de concepts. — Ne pas être maître de ses paroles, cela peut signifier qu'elles s'éloignent de mon intention de signification, soit par excès (elles en disent plus), soit par défaut (elles n'en disent pas assez) : il faut tenir compte de ces deux aspects et les équilibrer dans la copie.

• Attention à la précision de la question : il s'agit moins d'analyser la démarche scientifique en elle-même que d'en repérer les conditions de possibilité. • On peut en conséquence adopter, au moins partiellement, un point de vue historique, pour préciser comment s'instaure la scientificité : sur quels auteurs peut-on prendre appui ? • La « démarche scientifique «, une fois historiquement établie, demeure-t-elle toujours identique ?

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« [III.

Activité de l'esprit] Un esprit soumis à la perception ne peut qu'opérer des déductions consistant à généraliser à partir, non dephénomènes significatifs, mais de faits éventuellement anecdotiques ou marginaux, qui ne peuvent révéler la loi quiles détermine.

Ce n'est donc qu'à partir du moment, comme le rappelle Kant, où l'esprit pose, relativement auxphénomènes de la nature, des questions précises et « locales », qu'il commence à adopter une attitude scientifique.En restant soumis à la perception, on suppose (c'est ce qu'admettait Aristote) que la nature peut se dévoiler de sonpropre mouvement à la raison, qui n'a plus alors qu'à classer et organiser les informations qu'elle en reçoit.

Il enrésulte de fausses théories, comme pouvaient l'être l'astronomie antique, ou la conception des « lieux propres » —vers chacun desquels un corps est spontanément porté à revenir — d'Aristote.Pour que la démarche scientifique s'affirme, on doit au contraire supposer qu'il n'y a pas coïncidence ouconcordance entre l'apparence et le fonctionnement sous-jacent et, de plus, qu'un phénomène naturel ne révèleson fonctionnement (la loi à laquelle il obéit) qu'à la condition qu'on l'interroge d'une certaine façon.

Il n'y a plus,dès lors, de complicité entre la nature et la raison, et il s'agit de mettre en oeuvre une expérimentation qui amène lanature à répondre aux questions que l'esprit scientifique lui pose.Dès lors, la démarche scientifique est synonyme de démarche expérimentale : comme l'a montré Claude Bernard, elleformule une hypothèse après une observation questionnante, et vérifie son « explication anticipée » par un montageexpérimental qui reproduit le phénomène à expliquer en en maîtrisant les causes.

Là encore se marque unedifférence notable relativement aux pseudo-sciences, qui sont incapables d'expérimenter, et ne diffusent leurs «connaissances » qu'en faisant état d'observations généralement invérifiables, puisque révélant des phénomènes parnature exceptionnels. [IV.

Rapport mouvant à la vérité] Toute démarche scientifique espère découvrir, élaborer des vérités.

Mais sa relation à la vérité est assezparticulière, et la distingue également d'autres attitudes.Pour une démarche scientifique, aucune vérité, même la mieux établie ou la mieux vérifiée, ne peut en effet êtreadmise comme définitive.

Le scientifique développe son travail dans un domaine qui a déjà une histoire, et celle-cil'avertit de l'évolution des concepts, des lois et des théories.

Cela signifie, d'une part, que le réel n'a pas encorelivré tous ses secrets, et ne les livrera sans doute jamais — c'est-à-dire qu'il convient de ne pas confondre véritéscientifiquement établie et réalité.

Mais, d'autre part, cela indique que la vérité à découvrir risque de ne pas êtreéternelle, et sera à plus ou moins long terme remplacée par une autre formulation, plus complète ou plus précise.Plus elle progresse, plus la science enseigne à relativiser ses vérités : les lois de Newton nous apparaissentdésormais comme valides à une certaine échelle, au-delà de laquelle il convient de prendre appui sur la théorie de larelativité.La démarche scientifique est, ainsi, à la fois ambitieuse et modeste.

L'ambition anime le désir de faire progresser laconnaissance.

La modestie réside dans la conscience que toute nouvelle avancée du savoir, même si elle sembleimportante, est condamnée à n'être que temporaire. [Conclusion] Une démarche scientifique, en raison de ses conditions historiques de possibilité, ne peut être totalitaire oudogmatique.

Elle doit en effet se connaître comme inscrite dans le développement en cours d'une science, et elle nepeut prétendre remplacer tous les discours.

Car la science est, par définition, limitée à l'examen des faits.

Dès quedes questions dépassent ses compétences (comme c'est le cas avec les problèmes relevant de la métaphysique),les démarches scientifiques laissent le champ libre à d'autres attitudes de l'esprit.

Mais il reste possible à la sciencede critiquer celles-ci lorsqu'elles prennent l'aspect de pseudo-sciences et usurpent une respectabilité à laquelle ellesn'ont pas droit.. »

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