Renoncer à sa liberté, est-ce renoncer à sa qualité d'homme?
Publié le 26/01/2005
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politiques et religieuses), qui affirme, comme le fera Rousseau , que l'homme est naturellement libre, qu'il a naturellement droit de se gouverner lui-même, de décider lui-même ses actions.
La conséquence majeure est que lepouvoir, l'Etat, l'autorité, sont donc des créations volontaires, artificielles, des hommes.
Rousseau et ses prédécesseurs admettent que l'homme est naturellement libre et indépendant, et donc que les hommes décidentvolontairement, et dans un but précis, de se soumettre à une autorité commune qu'ils ont eux-mêmes créée.
Un auteur partisan du droit divin, Ramsay (1686-1743), décrit les principes de ses adversaires et les points sur lesquels portent le désaccord des deux courants :
« Rien n'est plus faux que cette idée des amateurs d'indépendance que toute autorité réside originairement dans lepeuple, et qu'elle vient de la cession que chacun fait, à un ou plusieurs magistrats de son droit inhérent à segouverner soi-même.
Cette idée n'est fondée que sur la fausse supposition que chaque homme est né pour soi, horsde toute société, est le seul objet de ses soins et sa règle à lui-même ; qu'il naît absolument son maître, et libre dese gouverner comme il veut. »
Ce qu'admet l'école du droit naturel, et que rejettent les partisans du droit divin, ce sont toutes les conséquencesde « L'homme est né libre » : chaque homme étant libre et indépendant des autres, mu par son propre intérêt, touteautorité s'exerçant sur un groupe d'hommes a été créée par eux volontairement, et donc le pouvoir résideoriginairement en chacun de nous ; dans le peuple.
On retrouve ici les fondements de notre démocratie.
Mais reste à expliquer comment il peut se faire que, naturellement libre, l'homme soit « partout dans les fers ». Rousseau poursuit : « Comment ce changement s'est-il fait ? Je l'ignore.
Qu'est-ce qui peut le rendre légitime ? Je crois pouvoir résoudre cette question.
»
L'effort théorique de Rousseau et de ses prédécesseurs ne consiste pas à rechercher comment, historiquement, les hommes ont pu devenir esclaves ou asservis.
La question n'est pas une question de fait à trancher rationnellement ;qu'est-ce qu'une autorité légitime ? Qu'a-t-on le droit d'exiger de moi ? Si je suis naturellement libre, à qui ai-jepromis d'obéir, dans quel but, dans quelle limite ?
Si l'on arrive à ce paradoxe d'un homme libre vivant dans les fers, si l'on voit un ordre social injuste, ou des guerresciviles, c'est que les fondements politiques ne sont pas assurés, c'est qu'on a construit des Etats sur du sable ou dela boue.
On ne peut donc s'appuyer sur la pratique des hommes pour savoir quelle est la forme légitime de l'Etat, carcomme le déclare Hobbes dans le « Léviathan », un siècle avent le « Contrat social » :
« De toute manière, un argument tiré de la pratique des hommes est sans valeur […] En effet, même si en tous lesendroits du monde les hommes établissaient sur le sable les fondations de leurs maisons, on ne pourrait inférer de làqu'il doit en être ainsi.
L'art d'établir et de maintenir les républiques repose, comme l'arithmétique et la géométrie,sur des règles déterminées ; et non comme le jeu de paume sur la seule pratique. »
Il s'agit de droit et non de fait.
En réalité, ce que tentent Hobbes puis Locke et Rousseau dans l'ordre de la politique, est semblable à ce qu'a tenté Descartes dans l'ordre de la métaphysique : jeter les fondements d'une science, quitte à contester toute la tradition, et à récuser l'histoire.
« L'homme est né libre et partout il est dans les fers », ce paradoxe exige que l'on sache comment le passage de la liberté naturelle à l'obéissance politique est légitime.
Résoudre ce problème consiste à discerner ce que veutvraiment l'homme, en vivant en société, qu'il en ait clairement conscience ou pas.
Il faut déterminer pourquoi nous,qui avons naturellement le droit de décider de nos propres actions, acceptons d'obéir à des lois communes, à unpouvoir commun.
Or, déclare Rousseau : « Les philosophes qui ont examiné les fondements de la société ont tous senti la nécessité de remonter jusqu'à l'état de nature .
»
Qu'est-ce que cet état ? C'est un outil théorique destiné à répondre à la question : « que voulons-nous vraiment en vivant en société ? ».
C'est un état fictif, une construction intellectuelle, et non un état historique.
On tente de déterminer comment les hommes vivraient s'ils disposaient de leur liberté naturelle, en l'absence de tout pouvoircommun.
On essaie de se représenter ce que seraient les hommes si les principes admis par l'école du droit naturelpouvaient s'incarner dans un état de l'humanité.
Une fois décrit cet état, on pourra comprendre ce qui aurait pupousser les hommes à en sortir, c'est-à-dire les motivations réelles qui nous poussent à vivre ensemble sous unpouvoir commun.
Il s'agit de décrire les hommes comme s'ils sortaient des mains de la nature, c'est-à-dire n'ayant jamais été soumisaux normes sociales et politiques, bref les hommes effectivement libres, pour savoir ce qui les pousse à créer unesociété, un Etat, des lois auxquelles ils se soumettent.
Il s'agit de décrire ce que chacun abandonne de son droitnaturel de se gouverner, et en l'échange de quoi, ou encore le contrat que passent entre eux les hommes quand ilscréent un pouvoir commun et acceptent d'obéir.
La spécificité de Rousseau tient en ce que, s'il accepte le problème politique tel que le pose l'école du droit naturel, il en récuse les solutions.
En particulier, Rousseau est le seul à faire de la liberté un bien inaliénable ; c'est-à-dire.
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