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Le respect d'autrui exclut-il toute passion ?

Publié le 05/11/2005

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Les hommes ont-ils un but, en se donnant des lois ? Sont-elles un moyen pour établir quelque chose ? Ont-elles été constituées en vue d'établir un Bien (vision antique), ou en vue de limiter l'emprise de chaque homme sur les autres ? Les hommes se donnent-ils des lois pour se contraindre ou pour être libres ? Le but est-il contractualiste, ou idéaliste ? Comment "les hommes" en général se sont-ils donnés (chacun à tous et tous à chacun) des lois en général, et dans quel but ? L'image sous-jacente est celle d'une assemblée d'êtres libres décidant librement de s'aliéner mutuellement pour protéger leur liberté. Le problème est qu'avant que les hommes ne se les donnent, les lois s'imposent aux hommes. Ne sont-elles pas naturelles, au lieu d'être leur création ? Il faut étudier cette intentionnalité suspecte que l'on plaque sur la vie politique : que révèle-t-elle ? À quoi/à qui sert-elle ? Peut-on la défendre comme un idéal en dépit de son caractère vraisemblablement idéologique ?

Références utiles : Montesquieu, L'Esprit des lois ; Rousseau, Du contrat social, I, chap. 6 ; Kant, Critique de la raison pratique, première partie, livre I.

« naturelle » et pratiquement obligatoire (qu'il s'agisse de celle que veut instaurer, sinon restaurer, Platon dans LaRépublique, ou de celle que reconnaît la société classique), l'autre désigne évidemment ce que je ne suis pas, maissa perception s'inscrit dans un cadre hiérarchique (il peut alors être mon objet, ou inversement) ou concurrentiel (sinous appartenons au même groupe) : dans un cas comme dans l'autre, il ne peut avoir la même valeur ousignification que moi.

Si donc, il suscite en moi une passion, il n'aura qu'un statut d'objet.

C'est ce qui se manifeste,de manière presque caricaturale, dans les romans de Sade, dont les personnages appartiennent à deux groupes pardéfinition opposés : les maîtres en jeux érotiques et les victimes qui doivent satisfaire leurs passions.Pour qu'autrui se manifeste, et qu'il s'accompagne d'une exigence de respect, il est donc nécessaire que lesrelations entre individus s'établissent dans le cadre d'une réciprocité au moins possible.

Cela ne peut avoir lieu quedans des sociétés affirmant l'égalité de tous leurs membres, que l'on nommerait « démocratiques » dans un sens quin'est pas nécessairement politique.

Dans un tel contexte, l'autre n'est plus seulement différent de moi, il devientmon égal ou mon équivalent, parce qu'il représente, au même titre que moi, l'humanité.

C'est donc parce qu'onadmet, dans cette dernière, une universalité de droits qu'autrui m'impose un devoir de le respecter comme personne,ou, comme le concevait Kant, de ne jamais le considérer comme un simple moyen. [III.

De l'« objet » au « sujet » de la passion partagée] Respecter la personne, c'est, par définition, ne pas la considérer comme un simple objet au service de masatisfaction.

C'est alors que se pose vraiment la question de savoir si le respect que je lui dois exclut toute passionà son égard.On peut sans plus attendre remarquer que, même si cette question appelait une réponse positive, on voit malcomment on pourrait empêcher la passion d'avoir lieu : il n'est guère concevable que, pour respecter l'intégrité due àautrui, l'être humain puisse se débarrasser de la passion par un acte de volonté, et cela est même en contradictionavec toutes les évocations classiques montrant ce même être humain bien incapable de maîtriser ses élans et enconstituant au contraire la première victime !Mais on doit aussi considérer qu'autrui peut susciter une passion sans être pour autant transformé en simple objet.Si le cas de la passion réciproque est en apparence idéal en ce qu'il garantit un partage équitable de la passion, ilfaut aussi souligner que chaque partenaire y connaît une exaltation, une modification de sa conception de la vie etdu monde, qui indique à quel point la passion, loin d'être seulement destructrice, peut être aussi enrichissante.Si la passion n'est pas totalement partagée, l'inégalité des situations n'est pas forcément synonyme d'une aliénationdu moins passionné : l'être aimé, même s'il n'aime pas, peut acquérir une meilleure conscience de ce qu'il est et desa valeur.

Sans doute la passion qu'il suscite peut-elle devenir à ses yeux gênante ou encombrante (les attentionsou les exigences de l'autre lui apparaissent incompréhensibles, et donc insupportables) et, en effet, dans de telscas, sa personne perd son autonomie et n'a plus droit au respect qui lui est dû : la passion frôle alors lepathologique.

Mais en dehors de ces cas excessifs, une relation imparfaitement symétrique peut être une occasiond'enrichissement pour celui qui aime le moins.

Quant au passionné authentique, il n'est pas obligatoire qu'il veuillefiger l'autre en objet ; bien au contraire, il peut, en raison même de son attachement, vouloir que son partenaire seréalise pleinement — ce qui, loin de le figer, l'invite à évoluer et à se transformer, ne serait-ce qu'en fonction de ceque lui apporte le passionné. [Conclusion] La diversité des situations passionnelles semble en fait interdire de répondre globalement à la question : la « passion», amoureuse ou autre, n'est peut-être qu'un mythe, qu'il faudrait remplacer par l'examen des diverses manièresd'être passionné.

On concevrait alors plus aisément qu'autrui peut susciter des passions sans nécessairement setrouver aliéné par leur virulence.

S'il y a des degrés dans les passions, il en existe aussi dans l'autonomie de ceux quien sont l'« objet ». « Une personne est ce sujet dont les actions sont susceptibles d'imputation.

» Kant, Doctrine du droit, 1797.« Les êtres raisonnables sont appelés des personnes, parceque leur nature les désigne déjà comme des fins en soi.

» Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, 1785. « L'homme, et en général tout être raisonnable, existe comme fin en soi, et non pas simplement comme moyendont telle ou telle volonté puisse user à son gré.

» Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, 1785. Respecter l'autre, c'est m'interdire de l'utiliser comme un simple moyen pour parvenir à mes fins.

Je ne respectel'autre qu'en tant que je respecte en lui la nature raisonnable de l'humanité, qui est à elle-même sa propre fin. « Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre. »

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