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La tolérance est-elle indifférente à la vérité ?

Publié le 03/01/2004

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La « preuve » n'est jamais un principe de contrainte mais tout au contraire un principe de liberté, car dès que la preuve fournie par autrui est de moi comprise, elle devient ma preuve et j'adhère librement à la vérité. Certes la pensée rationaliste ne redoute pas mais appelle de tous ses voeux la plus large tolérance, la diffusion de toutes les idées, la discussion la plus ouverte. Ainsi voit-on Pasteur réclamer aux partisans de la génération spontanée leurs arguments et leurs protocoles d'expérience. Car c'est précisément la libre discussion des preuves qui permet à la vérité de s'imposer, entendons par là non d'exercer sur nous une contrainte, mais de mériter notre libre assentiment.Tout à l'opposé ce sont les opinions arbitraires et les pensées non fondées qui ont peur de la lumière et qui fuient le dialogue et la pacifique discussion. C'est lorsque je suis incapable de démontrer clairement l'objet d'une croyance obscurément liée à mes passions, à mes habitudes, que j'ai la tentation de l'imposer par la violence, d'en faire une doctrine officielle, protégée de toute confrontation et de toute critique par la puissance du bras séculier. «Le fanatisme», dit Jung, « n'est qu'une surcompensation du doute. » Et Montaigne disait : « Pour Dieu merci, ma créance ne s'établit pas à coup de poing. Qui establit son discours par braverie et commandement montre que la raison y est faible. »De tels arguments, cependant, suffisent-ils à résoudre ce problème de la tolérance ?

• Le terme a été créé au XVIe siècle lors des guerres de Religion : les catholiques ont fini par « tolérer « les protestants et vice versa. On peut appréhender ici, que du moins à l'origine, la tolérance constituait une sorte de « pis-aller «, une attitude consistant à supporter l'expression d'idées que l'on appréhendait comme parfaitement erronées.  Remarquer que cette tolérance n'impliquait nullement une indifférence vis-à-vis de ce que catholiques ou protestants considéraient comme « la vérité «.  • En fait, cette tolérance s'adressait fondamentalement aux personnes, non aux idées en tant que telles. On peut d'ailleurs se demander si — en toute rigueur — l'idée de « tolérer « n'implique pas que l'on se situe soi-même sur un plan de supériorité par rapport aux autres et qu'en ce qui concerne la « possession de la vérité « on se situe également sur un plan de supériorité : une telle attitude pourrait-elle être fondée sur une indifférence à la vérité ?  • On peut certes concevoir une forme de « tolérance « fondée sur un certain scepticisme, sur une certaine indifférence à la vérité, sur une certaine « lassitude « : mais peut-on encore, à proprement parler, parler ici de « tolérance «, que l'on « tolère « ?

« mutuellement, bien loin de s'exclure.

On rejettera énergiquement la formule de Comte pour qui « il n'est pas deliberté de conscience en géométrie ni en astronomie ».

Car il y a là un contresens sur la véritable signification de laliberté.

En effet, si l'adhésion que donne mon esprit à un théorème est nécessitée par la puissance interne duraisonnement, elle n'est contrainte par aucune force extérieure.

On n'imagine pas, dit Albert Bayet, « Riemann ouEinstein faisant appel à des bataillons ou à une majorité politique pour défendre les géométries non euclidiennes oula Relativité ».

La vérité rationnelle n'opprime aucunement la liberté, car elle repose sur mon assentiment.

La «preuve » n'est jamais un principe de contrainte mais tout au contraire un principe de liberté, car dès que la preuvefournie par autrui est de moi comprise, elle devient ma preuve et j'adhère librement à la vérité.

Certes la penséerationaliste ne redoute pas mais appelle de tous ses voeux la plus large tolérance, la diffusion de toutes les idées, ladiscussion la plus ouverte.

Ainsi voit-on Pasteur réclamer aux partisans de la génération spontanée leurs argumentset leurs protocoles d'expérience.

Car c'est précisément la libre discussion des preuves qui permet à la vérité des'imposer, entendons par là non d'exercer sur nous une contrainte, mais de mériter notre libre assentiment.Tout à l'opposé ce sont les opinions arbitraires et les pensées non fondées qui ont peur de la lumière et qui fuient ledialogue et la pacifique discussion.

C'est lorsque je suis incapable de démontrer clairement l'objet d'une croyanceobscurément liée à mes passions, à mes habitudes, que j'ai la tentation de l'imposer par la violence, d'en faire unedoctrine officielle, protégée de toute confrontation et de toute critique par la puissance du bras séculier.

«Lefanatisme», dit Jung, « n'est qu'une surcompensation du doute.

» Et Montaigne disait : « Pour Dieu merci, macréance ne s'établit pas à coup de poing.

Qui establit son discours par braverie et commandement montre que laraison y est faible.

»De tels arguments, cependant, suffisent-ils à résoudre ce problème de la tolérance ? On remarquera qu'il ne se poseguère au niveau des vérités rationnelles démontrables, qui effectivement comme l'aventure scientifique en fait foi —s'accommodent fort bien de la liberté.

En revanche le problème est essentiel lorsqu'il s'agit de croyancesmétaphysiques et religieuses.

On fera observer qu'ici il peut y avoir vérité sans qu'il y ait évidence ou sans qu'il y aitpreuve, au sens expérimental, parce qu'il s'agit de « vérités » d'un autre ordre que les vérités de la science.

On peutcependant, même dans ce domaine, justifier la tolérance sans tomber dans un scepticisme radical.

Les chrétiensinvoquent l'exigence de charité qui nous prescrit de respecter les consciences « erronées » lorsqu'elles sontsincères.

D'autre part le croyant le plus convaincu accordera que d'autres systèmes, d'autres expressions religieusesque la sienne peuvent comporter au moins une part de vérité.

La conscience religieuse peut accorder la tolérancelorsqu'elle est réellement pénétrée par la transcendance du vrai.

Le croyant authentique se considère plus comme lepèlerin de la vérité que comme le propriétaire de la certitude.

Pour lui, la vérité n'est pas plus à moi qu'à toi.

Elle estdevant nous.

Certes il ne s'agit pas de répéter avec le scepticisme que la vérité nous est étrangère ; du moinséprouve-t-on qu'elle nous dépasse de telle sorte qu'il y a toujours dans les paroles humaines qui expriment notre foiune part d'inadéquation et d'approximation.

L'homme n'est pas pur esprit, chacun est en partie déterminé par lesconditions historiques concrètes de son enracinement.

Dans nos opinions il y a d'une part une mentalité, qui n'estpas conforme à la vérité, qui reflète une époque et des données historiques, et d'autre part une visée quitranscende cette mentalité et se dirige vers la vérité.

C'est pour cette raison qu'il est nécessaire de respecter descroyances en apparence très diverses.

Au fond, à travers des vêtements différents elles visent la même vérité.

Latolérance, c'est le devoir qui nous incombe d'instaurer entre ces croyances un dialogue.

Chacun en dépouillant —grâce au dialogue — ce qui dans sa croyance est pure contingence et pure relation à l'histoire, se rapprocherapeut-être d'une visée spirituelle plus pure.

Sous la diversité des opinions on apprendra à reconnaître la diversité desépoques, des tempéraments.

L'échange des diversités — par la fécondité du dialogue — peut rapprocher les hommesde l'Unique Vérité, tout en leur enseignant à se respecter et à s'aimer.

Comme dit Saint-Exupéry : « Si tu diffères demoi, loin de me léser, tu m'enrichis.

». »

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