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L’art est-il soumis à des règles?

Publié le 31/01/2020

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Affranchir l'art de toute règle peut, en effet apparaître comme relativement illusoire. Certes, l'artiste se distingue du simple imitateur par une certaine originalité qui suscite l'intérêt de son public. Mais il est toujours tributaire d'une éducation artistique qui oriente son inspiration. Il est excessif de le considérer comme un novateur absolu. Par exemple, le poète latin Virgile puise des métaphores et des règles de composition chez Homère pour réaliser une épopée originale, l'Énéide. L'originalité n'est jamais une indépendance absolue à l'égard des règles, c'est ce que Kant souligne dans la Critique de la faculté de juger (§ 46) dans son étude du génie. Selon lui, il est absurde d'appeler « œuvres d'art »

« DISSERTATION étrangers.

Prenons l'exemple de la basilique de Saint-Denis.

Non seulement elle est construite en conformité avec les règles techniques des compagnons de l'époque, mais son plan est en outre dicté par la théologie de l'abbé Suger, en vertu de laquelle «Dieu est avant tout lumière».

Soumettre l'art à des règles, c'est en fait lui imposer des lois extérieures.

Tant que l'artiste reprend des procédés, des «trucs » hérités de ses maîtres, il n'assujettit pas véritablement l'art à des règles, il reste libre d'improvi­ ser, comme le note Platon dans Gorgias et dans La République.

Aussi considère-t-il qu'il faut soumettre l'art à des prescriptions morales, politiques ou religieuses pour le priver de sa liberté et de ses pouvoirs d'illusion.

Le but de Platon est de régenter l'art« de l'extérieur», par des règles qui ne lui sont pas propres.

De la sorte, il refuse de considérer l'originalité qui caractérise l'activité artistique et transforme toutes les œuvres en des créations« à thèse».

À considérer l'artiste comme un simple appli­ cateur de règles, il manque à la fois le plaisir que prend le spectateur à être surpris par des œuvres originales et les efforts d'innovation que fournit l'artiste.

L'art se différencie précisément de l'artisanat par une certaine absence de contrainte.

Le maçon est soumis à la nature des matériaux qu'il utilise, aux désirs de son commanditaire ou encore aux crédits qu'on lui alloue.

Les règles sont le propre de l'artisanat parce qu'il est pétri de contraintes.

Au contraire, dans Le rire, Bergson définit l'art par l'affranchissement de l'artiste à l'égard des servitudes de la vie ordinaire.

Redécouvrir le monde tel que notre moi profond le saisit voilà son pri­ vilège.

L'artiste est donc par nature opposé à l'idée de règles.

Les règles sont du domaine commun, elles masquent la singularité des objets et des êtres qu'il s'efforce de remettre au jour.

L'art est insoumis, au sens où il est une libération à l'égard des carcans sociaux, linguistiques ou techniques.

Mais un tel art peut-il trouver un public? Sans règles, comment pourra s'.éta­ blir cette« grille de lecture» qui sert de lien entre l'artiste et ses spectateurs, ses audi­ teurs ou ses lecteurs? Les règles ne sont-elles pas indispensables à la réception de l'œuvre d'art? On peut, au contraire, soutenir que l'obéissance de l'art à des pres­ criptions éloigne le public.

L'application systématique et répétée de règles conduit à la lassitude et à l'indifférence.

Une forte impression d'artificialité naît par exemple, des pièces de théâtre au dénouement attendu, aux péripéties prévisibles et aux person­ nages conventionnels.

Dans ces conditions, le public a la même réaction que le Grand Condé à propos d'une pièce de l'abbé d'Aubignac, dramaturge et grand théoricien des règles de la tragédie classique : «Je sais gré à l'abbé d'Aubignac d'avoir si bien respecté les règles d'Aristote, mais je ne pardonne pas à Aristote d'avoir fait faire à l'abbé d'Aubignac une si mauvaise tragédie.>> Les règles de l'art apparaissent comme les ennemies du plaisir du public et de l'inspiration artistique.

La soumission de l'art à des règles risque aussi d'entraver la force créatrice de l'art, l'originalité.

Comme le souligne Delacroix dans son)ournal, le respect des règles fait obstacle à l'invention de procédés techniques, à la création d'une esthé­ tique moins conventionnelle ou encore à la recherche de nouveaux thèmes artis­ tiques.

La condition de la création est la capacité de l'artiste à perpétuellement briser ,..

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