Blaise Pascal, Pensées
Publié le 31/01/2020
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Blaise Pascal, Pensées
Guerre intestine de l’homme entre la raison et les passions. S’il n’avait que la rai-son sans passions... S’il n’avait que les passions sans raison... Mais, ayant l’un et l’autre, il ne peut être sans guerre, ne pouvant avoir paix avec l’un qu’ayant guerre avec l’autre : ainsi, il est toujours divisé, et contraire à lui-même. Cette guerre intérieure de la raison contre les passions a fait que ceux qui ont voulu la paix se sont partagés en deux sectes. Les uns ont voulu renoncer aux pas-sions, et devenir dieux ; les autres ont voulu renoncer à la raison, et devenir bêtes brutes (Des Barreaux). Mais ils ne l’ont pu, ni les uns ni les autres; et la raison demeure toujours, qui accuse la bassesse et l’injustice des passions, et qui trouble le repos de ceux qui s’y abandonnent ; et les passions sont toujours vivantes dans ceux qui veulent y renoncer.
Édition Brunschvicg, § 2,12-413, Gallimard, collection « La Pléiade », 1993, p. 1168.
«
'
COMMENTAIRE DE TEXTE
un dieu.
Par son corps, ses instincts et ses passions, l'homme appartient au monde
matériel, au monde de la « chair », au sens chrétien.
Mais, par sa raison, il se rat
tache à Dieu, car il se tourne vers lui grâce à son esprit.
Comment cette dualité peut-elle se transformer en rivalité? Ces deux dimen
sions de l'homme sont hostiles l'une à l'autre car l'une essaie perpétuellement de
prendre l'avantage sur l'autre.
L'.homme apparaît faible parce que« divisé, et contraire
à lui-même» (ligne 4).
Mais sa faiblesse résulte de l'affrontement de deux forces
qui sont puissantes prises séparément.
C'est le sens des deux suppositions de la
deuxième phrase.« S'il n'avait que la raison sans passions ...
», elle régnerait sans
partage et l'homme serait à lui-même son plus sûr soutien.
De même, si seules les
passions régnaient, il ne connaîtrait pas les affres des combats intérieurs.
Source de
faiblesse, cette dualité est aussi une source de souffrance.
C'est pourquoi ces deux
suppositions sont peut-être également des souhaits : « ah! si seulement.
..
».
Le conflit est permanent, car il a l'une« et» les autres (lignes 2-3).
Si bien que
la guerre fait rage sans pouvoir trouver de solution par l'anéantissement de l'un ou
de l'autre des adversaires.
Car l'homme est face à sa nature comme face à un
dilemme.
Qu'il choisisse l'un ou l'autre des adversaires, jamais la guerre ne cessera
car aucun des deux ne peut disparaître.
lis constituent la nature humaine : « il ne
peut être sans guerre » (ligne 3).
La conséquence de cette première argumentation est que l'homme est par
nature promis au malheur.
Ce devait être le but de la première partie de l'ouvrage
inachevé de Pascal auquel on donne le titre Pensées.
Il voulait d'abord mettre en
évidence la« misère» de l'homme, c'est-à-dire son impuissance, lorsqu'il est privé
de l'aide divine pour le pousser à la conversion.
C'est pour cela que, dans un deuxième temps, Pascal analyse les tentatives de
philosophes non chrétiens pour faire cesser cette guerre intérieure.
En montrant
leur échec, il produira un argument de plus en faveur de la conversion.
À présent, Pascal passe à une démonstration par la négative : son objectif est
de montrer l'impossibilité de la thèse adverse.
Car la condition conflictuelle et duelle
de l'homme a déjà été aperçue, sans pour autant être considérée comme la source
d'un conflit inexpiable.
Au contraire, certaines écoles philosophiques ont visé et
prétendu atteindre une pacification intérieure de l'homme.
C'est le cas du stoïcisme
et de l'épicurisme.
Tous deux visent l'ataraxie, c'est-à-dire la« paix» (ligne 6).
De cette façon, Pascal écarte aussi une objection implicite : « certes l'homme
a une double nature, mais en quoi cela est-il fatal?» Notons qu'il ne répond pas
seulement à des écoles mortes depuis !'Antiquité, car ces deux courants de pensée
sont très puissants au xv11e siècle.
De surcroît, il convient de prendre garde à ceci :
le terme de « sectes » (ligne 6), s'il possède déjà une connotation dépréciative à
l'époque de Pascal, n'en désigne pas moins très couramment de simples courants
de pensée.
Dès la présentation de ces « sectes », Pascal montre l'inanité de leurs efforts :
alors qu'ils aspirent à la paix entre l'homme et lui-même, ils se partagent (ligne 6),.
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