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Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes

Publié le 31/01/2020

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Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes

Mais, quand les difficultés qui environnent toutes ces questions laisseraient quelque lieu de disputer sur cette différence de l'homme et de l’animal, il y a une autre qualité très spécifique qui les distingue et sur laquelle il ne peut y avoir de contestation, c’est la faculté de se perfectionner; faculté qui, à l’aide des circonstances, développe successivement toutes les autres, et réside parmi nous tant dans l'espèce que dans l'individu, au lieu qu’un animal est, au bout de quelques mois, ce qu’il sera toute sa vie, et son espèce, au bout de mille ans, ce qu’elle était la première année de ces mille ans.

Pourquoi l’homme seul est-il sujet à devenir imbécile? N’est-ce point qu’il retourne ainsi à son état primitif, et que, tandis que la bête, qui n'a rien acquis et qui n’a rien non plus à perdre, reste toujours avec son instinct, l’homme, reperdant par la vieillesse ou d’autres accidents tout ce que sa perfectibilité lui avait fait acquérir, retombe ainsi plus bas que la bête même? Il serait triste pour nous de convenir que cette faculté distinctive, et presque illimitée, est la source de tous les malheurs de l’homme; que c’est elle qui le tire, à force de temps, de cette condition originaire, dans laquelle il coulerait des jours tranquilles et innocents. Que c’est elle qui, faisant éclore avec les siècles ses lumières et ses erreurs, ses vices et ses vertus, le rend à la longue tyran de lui-même et de la Nature.

Gallimard, collection « Folio », 1997, p. 72.

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« COMMENTAIRE DE TEXTE Discours, l'homme moderne est comme une statue longtemps plongée dans la mer: elle est recouverte par tant d'éléments adventices qu'on ne reconnaît plus sa forme originelle.

D'autres difficultés s'ajoutent lorsque l'on essaye, comme vient de le faire Rousseau, de définir l'objet de l'anthropologie par différence avec les autres êtres vivants.

En effet, pour Rousseau, les animaux ne sont pas fondamentalement différents de l'homme « naturel >>.

Les capacités physiques de l'homme sont assez similaires (et même souvent inférieures) à celles des animaux.

!..'.homme ne se différencie pas non plus moralement des animaux.

Rousseau s'oppose ici aux thèses chrétiennes du péché originel ou de la conscience morale innée.

Les animaux, tout comme l'homme, sont sujets à deux affects fondam.entaux : ils éprouvent de la crainte pour leurs propres vies et de la pitié pour les douleurs que les autres ani­ maux subissent.

En somme, l'homme et l'animal sont tous deux capables de pré­ voir leurs propres souffrances par anticipation (c'est la crainte) et d'imaginer celles des autres par compassion et sympathie (c'est la pitié telle que la définit Rousseau).

Tirons les conséquences de ces difficultés sur le plan de la théorie de la connaissance.

Si le savoir scientifique se distingue par le caractère indiscutable de ses principes, l'anthropologie se heurte à une difficulté épistémologique impor­ tante : son objet est difficile à isoler, il prête à« disputes» (ligne 2).

Tout l'intérêt de ce texte réside précisément dans le fait que Rousseau donne à son anthropologie un socle stable et incontestable.

li attribue à l'homme une propriété distinctive : la perfectibilité (ligne 4).

!..'.homme est en effet capable, à la différence des animaux, de modifier radicalement, en les améliorant, ses conditions de vie et ses propres facultés.

On voit que Rousseau se rattache ici au courant des Lumières : l'homme est défini comme un être de progrès.

Mais il marque sa divergence avec une concep­ tion naïve du progrès humain : l'actualisation de cette perfectibilité est tributaire des> Oigne 5).

S'il était libre de toute menace et exempt de contraintes, l'homme ne serait pas forcé de se perfectionner, il resterait à son état animal.

Le progrès n'est pas une force irrésistible, une puissance qui trace à l'homme sa destinée quelles que soient les conditions de son existence.

!..'.anthropologie rous­ seauiste se donne donc ici des bases qu'elle veut réalistes et non idéologiques.

Elle essaye ainsi d'acquérir une forte« teneur en scientificité».

Elle cherche aussi à se doter de principes aussi simples et aussi peu nom­ breux que possible : la perfectibilité permet de comprendre le développement de facultés humaines (ligne 5).

Rousseau respecte ainsi un nouveau critère de scientificité : le principe d'économie que d'Alembert, son contemporain, réclame des savoirs scientifiques dans !'Essai sur les éléments de philosophie.

Selon ce mathématicien, un savoir ne devient scientifique que s'il a simplifié ses axiomes et en a réduit le nombre.

Dans la suite du Discours, Rousseau explique effectivement la naissance des techniques, du langage, de la morale et de la société grâce au concept de perfectibilité.

Cette dernière est la qualité distinctive de l'homme dans la mesure où elle n'appartient pas aux animaux: ces derniers sont voués, en effet, par Rousseau à la fixité.

Leurs instincts, leurs propriétés physiques et physiologiques, les caractéristiques de toute l'espèce sont, selon lui, identiques à travers le temps,. »

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