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Arendt et l'oeuvre

Publié le 20/01/2010

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"Parmi les choses qu'on ne rencontre pas dans la nature, mais seulement dans le monde fabriqué par l'homme, on distingue entre objets d'usage et oeuvres d'art ; tous deux possèdent une certaine permanence qui va de la durée ordinaire à une immortalité potentielle dans le cas de l'oeuvre d'art. En tant que tels, ils se distinguent d'une part des produits de consommation, dont la durée au monde excède à peine le temps nécessaire à les préparer, et d'autre part, des produits de l'action, comme les événements, les actes et les mots, tous en eux-mêmes si transitoires qu'ils survivraient à peine à l'heure ou au jour où ils apparaissent au monde, s'ils n'étaient conservés d'abord par la mémoire de l'homme, qui les tisse en récits, et puis par ses facultés de fabrication. Du point de vue de la durée pure, les oeuvres d'art sont clairement supérieures à toutes les autres choses ; comme elles durent plus longtemps au monde que n'importe quoi d'autre, elles sont les plus mondaines des choses. Davantage, elles sont les seules choses à n'avoir aucune fonction dans le processus vital de la société ; à proprement parler, elles ne sont pas fabriquées pour les hommes, mais pour le monde, qui est destiné à survivre à la vie limitée des mortels, au va-et-vient des générations. Non seulement elles ne sont pas consommées comme des biens de consommations, ni usées comme des objets d'usage : mais elles sont délibérément écartées des procès de consommation et d'utilisation, et isolées loin de la sphère des nécessités de la vie humaine" Hannah ARENDT, La crise de la culture.

Hannah Arendt (1906-1975), élève de Heidegger et de Jaspers, fut contrainte, par les persécutions nazies, de s'exiler aux États-Unis, où elle poursuivit sa carrière universitaire. On peut citer, parmi ses ouvrages Les Origines du totalitarisme (1951), Le Système totalitaire (1951), Condition de l'homme moderne (1958), Eichmann à Jérusalem (1963), Essai sur la révolution (1963), La Crise de la culture (1968).

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« FREUD L'artiste, comme le névropathe, s'était retiré loin de la réalité insatisfaisante dans ce monde imaginaire, mais àl'inverse du névropathe il s'entendait à trouver le chemin du retour et à reprendre pied dans la réalité.

Sescréations, les oeuvres d'art, étaient les satisfactions imaginaires de désirs inconscients, tout comme les rêves,avec lesquels elles avaient d'ailleurs en commun le caractère d'être un compromis, car elles aussi devaientéviter le conflit à découvert avec les puissances de refoulement.

Mais à l'inverse des productions asocialesnarcissiques du rêve, elles pouvaient compter sur la sympathie des autres hommes, étant capables d'éveiller etde satisfaire chez eux les mêmes inconscientes aspirations du désir.

De plus elles se servaient, comme « primede séduction », du plaisir attaché à la perception de la beauté de la forme.

Ce que la psychanalyse pouvaitfaire, c'était — d'après les rapports réciproques des impressions vitales, des vicissitudes fortuites et desoeuvres de l'artiste — reconstruire sa constitution et les aspirations instinctives en lui agissantes, c'est-à-direce qu'il présentait d'éternellement humain.

C'est dans une telle intention que je pris par exemple Léonard deVinci pour objet d'une étude, étude qui repose sur un seul souvenir d'enfance dont il nous fit part, et qui tendprincipalement à élucider son tableau de la Sainte Anne.

Mes amis et élèves ont depuis entrepris denombreuses analyses semblables d'artistes et de leurs oeuvres.

La jouissance que l'on tire des oeuvres d'art n'apas été gérée par la compréhension analytique ainsi obtenue.

Mais nous devons avouer aux profanes, quiattendent ici peut-être trop de l'analyse, qu'elle ne projette aucune lumière sur deux problèmes, ceux sansdoute qui les intéressent le plus.

L'analyse ne peut en effet rien nous dire de relatif à l'élucidation du donartistique, et la révélation des moyens dont se sert l'artiste pour travailler, le dévoilement de la techniqueartistique, n'est pas non plus de son ressort HEGEL Le but de l'art, son besoin originel, c'est de produire aux regards une représentation, une conception née del'esprit, de la manifester comme son oeuvre propre ; de même que, dans le langage, l'homme communique sespensées et les fait comprendre à ses semblables.

Seulement, dans le langage, le moyen de communication estun simple signe, à ce titre, quelque chose de purement extérieur à l'idée et d'arbitraire.

L'art au contraire, nedoit pas simplement se servir de signes, mais donner aux idées une existence sensible qui leur corresponde.Ainsi, d'abord, l'œuvre d'art, offerte aux sens, doit renfermer en soi un contenu.

De plus, il faut qu'elle lereprésente de telle sorte que l'on reconnaisse que celui-ci, aussi bien que sa forme visible n'est pas seulementun objet réel de la nature, mais un produit de la représentation et de l'activité artistique de l'esprit.

L'intérêtfondamental de l'art consiste en ce que ce sont les conceptions objectives et originelles, les penséesuniverselles de l'esprit humain qui sont offertes à nos regards. HEGEL L'universalité du besoin d'art ne tient pas à autre chose qu'au fait que l'homme est un être pensant et doué deconscience.

En tant que doué de conscience, l'homme doit se placer en face de ce qu'il est, de ce qu'il estd'une façon générale, et en faire un objet pour soi.

Les choses de la nature se contentent d'être, elles sontsimples, ne sont qu'une fois, mais l'homme, en tant que conscience, se dédouble : il est une fois mais il estpour lui-même.

Il faut donc rechercher le besoin général qui provoque une oeuvre d'art dans la pensée del'homme, puisque l'œuvre d'art est un moyen à l'aide duquel l'homme extériorise ce qu'il est.. »

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