L'art et le style dans la Condition Humaine de Malraux

« Ce constant déplacement des points de vue sera compa­ rable à celui d'une caméra dont l'indépendance est la base de l'art cinématographique.

Malraux va ainsi allier la techni­ que du roman américain d'Hemingway, qui procède de la notation journalistique simple, sans intervention apparente de l'auteur, la technique du cinéma, an du mouvement et de l'éclairage, et la tradition psychologt."que française.

Parvenu à éviter de refaire les « beaux romans paralysés » à la manière de Flaubert, il allait utiliser largement le monologue intérieur, ou le style indirect, ou même le mélange de style direct et de style indirect dans les réflexions des personnages, aux­ quels, dans les grandes circonstances, l'auteur pouvait se substituer comme le chœur aux personnages de la tragédie antique.

STRUCTURE DU ROMAN Dans l'article cité plus haut Malraux déclare que le premier travail du romancier moderne est de découper la réalité en scènes (ce qu'il appelle la «mise en scènes»).

En l'occurrence il a choisi une forte concentration dans le temps.

L'action est dense.

Kyo a raison de songer avec un peu d'effroi : « Que de choses avant le jour ...

»(p.

20).

Ce caractère touffu avait démonté André Gide qui lisait d'abord le roman dans les livraisons de la N.R.F.

II déclarait par la suite que le livre lui apparaissait très clair.

Le schéma que nous avons proposé (p.

20) fait ressortir cette clarté.

C'est celle d'une tragédie: une première série de scènes (action/réflexion) à Shanghai aboutit au triomphe, déjà annoncé comme provisoire, des communistes.

Ensuite une partie centrale, statique, située à Han-Kéou, loin du théâtre des combats, permet la confrontation des points de vue, discussion sur les buts et les moyens de la Révolution.

Cette scène est aussi un combat, mais d'idées, comparable à ce qu'était la parabase dans la comédie athéniennë, où l'auteur discutait, présentait sa thèse sur les événements de l'heure.

La troisième série deux semaines plus tard, de nouveau à Shanghai, est symétrique de la première et mène les princi­ paux personnages au tenne de leur destin, c'est-à-dire à la mort.

L'épilogue situé beaucoup plus tard fait tirer les leçons du drame par les survivants et ouvre sur l'avenir.. »