Devoir de Philosophie

Commentaire de texte :pg 122-123, Fondation de la Métaphysique des Moeurs

Publié le 23/03/2012

Extrait du document

L’utilisation de l’image d’une sorte d’utopie pour montrer la façon dont les gens devraient se comporter moralement est un outil largement utilisé par les philosophes qui parlent de l’éthique. On pourrait citer la République de Platon, l’île de l’Utopia de Thomas More, ou le Nouveau Atlantis de Francis Bacon. Dans les Fondements de la Métaphysique des mœurs, Kant utilise aussi cet outil, appelant son utopie un « royaume des fins ». Mais comment cette utopie proposée par Kant peut-elle nous aider à vivre plus en harmonie avec la morale ?  Kant propose dans ce passage, extrait de la deuxième section, de montrer que le royaume des fins peut servir comme modèle pour la moralité, et en visant ce royaume utopique, que l’on peut agir plus moralement dans la vie de tous les jours. L’enjeu de ce passage est donc de décrire ce que peut nous apporter la vision d’un royaume des fins pour être alors plus dignes, sublimes et plus moraux. Pour expliciter et expliquer cela, nous montrerons comment, dans un premier mouvement argumentatif, du début à « se nomme devoir », cette vision peut permettre de catégoriser les actions et les volontés en tant que morales ou pas. Puis, de « On peut » à « pour cette raison », nous verrons en quoi la définition donnée de la moralité démontre la sublimité de l’homme moral. Enfin, dans un dernier mouvement argumentatif, de « Nous avons aussi montré » à la fin, nous verrons comment la dignité de l’homme est aussi démontrée par cette moralité.

 

                Dans ce premier mouvement argumentatif, Kant va expliciter en quoi l’utilisation du « royaume des fins » comme prémisse d’un impératif catégorique peut nous permettre à catégoriser les actions et les volontés en tant que morales ou pas. Dans la première phrase, il explique que dans la conception du royaume des fins, la moralité est définie comme le rapport des actions à l’autonomie de la volonté. Pour comprendre cela, il faut d’abord expliquer deux choses : ce que sont le royaume des fins et l’idée d’une maxime. Le royaume des fins est une sorte d’utopie. Pour Kant, il faut toujours penser que chaque personne est une fin en soi et pas seulement un moyen. Ceci est vrai si on considère que nous-mêmes, en décidant de faire des actions, on se considère comme fin de l’action et non comme moyen. Si toute action morale doit être universellement valide, on doit alors considérer que si nous sommes des fins et non seulement des moyens dans nos actions, alors, tout le monde l’est aussi. Le royaume des fins est donc une société où chaque personne est considérée, quand les lois sont faites, comme des fins en soi. De fait, si chaque citoyen est une fin en soi de chaque loi morale dans ce royaume, il est aussi auteur de cette loi, puisque la soumission à ces lois par chaque personne ne peut avoir aucun autre intérêt que la volonté d’agir moralement, en tant que fin. Ceci sera expliqué en plus de détails dans la deuxième partie. Ainsi, c’est la volonté, autonome, qui fait que telle loi morale est valide. Une action morale est donc celle qui est conforme à cette volonté d’obéir à la loi universelle et morale qui surgit de la compréhension que les gens sont des fins en soi. L’autonomie de la volonté dont Kant parle est la législation universelle qui est possible grâce aux maximes de cette volonté. Les maximes, pour Kant, sont définies comme les motivations derrière une certaine action. Pour une action morale, alors, et ceci est la première formulation de l’impératif catégorique, la maxime doit nécessairement avoir la possibilité d’être une loi universelle. La moralité dans ce royaume des fins, et donc dans la vie de tous les jours, doit être définie, comme le fait Kant, comme le rapport de l’action à l’autonomie de la volonté.

                Mais qu’est-ce que cela veut dire concrètement ? Dans la suite de son argumentation, Kant montre que de dire que la moralité est le rapport des actions avec l’autonomie de la volonté signifie que si l’action est en concordance avec la législation universelle permise par les maximes de la volonté, elles sont alors bonnes. Ceci peut sembler difficile, puisque c’est dire que toute action doit nécessairement avoir la motivation d’être universellement morale. Nous savons, en revanche, que les hommes ont toujours d’autres intérêts qui les motivent : l’argent, le plaisir, le confort. De plus, comme le dit Kant ailleurs dans la Métaphysique des Mœurs, il est impossible de savoir si les autres agissent en référence uniquement aux devoirs moraux et non pas pour d’autres intérêts extérieurs. C’est pour cela que Kant fait une concession dans la deuxième phrase : si une action peut être compatible avec l’autonomie de la volonté, elle est permise. En utilisant le mot « permise » il distingue cette action d’une action « bonne ». Puisque l’action qui n’est que compatible avec l’autonomie de la volonté pourrait être motivée par quelque chose autre que la loi universellement morale et valide, elle n’est pas nécessairement morale. Cependant elle ne peut pas être nécessairement proscrite non plus. Par exemple, si j’aide quelqu’un dans la rue, mais suis motivé de le faire parce que je sais qu’il est riche et qu’il pourrait me donner de l’argent, cette action n’a pas été faite uniquement parce que j’obéis au devoir moral.  Cette action n’est pas, alors, morale en soi. En revanche, elle doit être permise, puisqu’elle est conforme avec une loi qui pourrait être une loi universellement valable : aider des gens qui ont besoin d’aide. En revanche, bien sûr, n’importe quelle action qui est en contradiction avec une loi morale doit être interdite, puisqu’elle est alors immorale. On perçoit alors la catégorisation des actions que dresse ici Kant, en partant du fait qu’une action n’est morale que dans son rapport avec l’autonomie de la volonté. Une action est bonne ou permise si elle est au moins compatible avec la législation universelle créée par les maximes d’une volonté bonne, et donc mauvaise ou interdite si elle ne l’est pas. On doit supposer que dans le royaume des fins, ces questions ne se poseraient même pas, puisque tout-le-monde serait véritablement autonome et donc connaitrait facilement les lois morales. C’est pour cela que l’idée du royaume des fins est utile, puisque nous pouvons déterminer ce qui est moral en se demandant ce que serait l’action morale dans ce royaume métaphorique.

                Après avoir catégorisé les actions, Kant catégorise aussi les volontés, ce qu’il a déjà fait auparavant. Au tout début du livre, Kant avait défini une volonté bonne comme une volonté qui est bonne en soi, et donc la seule chose véritablement morale en soi. Ici, il va un peu plus loin : la volonté bonne, ou sainte comme il dit, est celle dont les maximes s’accordent nécessairement avec la loi de l’autonomie. Ce mot, nécessairement, renvoie à un concept très fort dans la philosophie de la logique : celle de la condition nécessaire. Si A est nécessaire pour B, cela veut dire que la non-existence de A  garantit la non-existence de B. Ainsi, dans ce cas, la volonté sainte doit être la volonté dont les maximes s’accordent sans exception à chaque fois avec la loi de l’autonomie. S’il y a une possibilité que dans une situation les maximes ne s’accordent pas avec la loi de l’autonomie, cette volonté ne peut donc pas être décrite comme sainte. Nous voyons comment la définition de la volonté bonne devient plus serrée, et aussi plus dure à atteindre. Comme pour les actions, Kant montre que même les volontés pas absolument bonnes peuvent quand même concorder avec la loi morale : à cause de l’obligation. Si on a une volonté qui n’est pas absolument bonne, on peut quand même agir avec un semblant de moralité, en comprenant ce qu’est d’avoir l’autonomie, et en dépendant de ses principes. Kant appelle cela une obligation. Cela veut dire que l’on donne des obligations à ses volontés, pour pouvoir agir d’une façon qui n’est au moins pas mauvaise. Bien sûr, l’être saint, qui a une volonté sainte, n’a pas besoin d’obligations, puisqu’il se réfère à sa propre volonté sainte. Les obligations dont Kant parle ici pourraient être perçues comme une tentative d’application pratique de ses théories sur la morale. Il montre comment ces théories permettent de faire des lois. Les lois dans la société servent à permettre, interdire, ou obliger les gens à faire des choses. Ici, il a montré comment sa définition de la moralité permet de faire exactement cela aussi. Il a parlé des actions permises, interdites, et maintenant des obligations. Dans sa conception d’une société utopique, la moralité universelle fonctionne, comme il le dit beaucoup, en tant que législateur. En disant que la nécessité objective des actions venant des obligations s’appelle le devoir, il montre comment les obligations dont il parle sont très liées à sa conception du devoir qu’il avait déjà expliquée dans la première section. Les devoirs sont les responsabilités que le fait d’avoir une volonté bonne nous donne. Il a également expliqué qu’une action n’est bonne que si elle a pour intention de remplir ces responsabilités. La nécessité objective d’une obligation ne peut donc qu’être le devoir, même si subjectivement ceci n’est pas toujours vrai.

                Ainsi, on voit comment Kant montre que sa définition de la moralité qui part de l’idée d’un royaume des fins permet de catégoriser les actions et volontés morales. Ce-faisant, on peut envisager la mise en pratique de lois qui s’accordent avec cette moralité, même si c’est utopique. En revanche, l’idée d’une moralité basée sur l’autonomie qui résulte dans le fait qu’on est soumis à des lois peut sembler étrange. Cet apparent paradoxe est adressé dans le deuxième mouvement argumentatif.

 

 

                Cette conception kantienne des législations morales auxquelles on devrait obéir absolument semble, en effet, contredire d’une certaine façon l’idée que l’autonomie serait le facteur le plus important dans la moralité. Dans la première phrase de ce deuxième mouvement argumentatif, Kant met en opposition l’idée que sous le concept de devoirs il y a l’idée de soumission à des lois et l’idée de dignité et sublimité de celui qui remplit tous ses devoirs. Il doit donc montrer comment ces deux idées peuvent cohabiter ensemble. Il est intéressant pourtant, en premier de remarquer qu’en mettant ces deux idées en opposition dans le texte, il utilise deux concepts qui sont des concepts a priori. Il dit : « nous nous figurions sous le concept de devoir une soumission à la loi » et « nous nous représentons pourtant aussi en même temps par là une certaine sublimité et une dignité appartenant à la personne qui remplit tous ses devoirs ». Les formulations de ces deux concepts, c'est-à-dire l’utilisation de « nous nous figurions » et « nous nous représentons » montrent qu’il utilise des concepts a priori. Ceci est très important à comprendre avec Kant, et surtout dans la Métaphysique des Mœurs. Pour Kant, il y a deux formes de connaissances possibles : des concepts a priori et des concepts a posteriori. Les concepts a posteriori sont les connaissances qui nous adviennent par l’expérience ou les perceptions. Les concepts a priori sont les connaissances qui nous adviennent entièrement indépendamment de l’expérience ou des perceptions. La métaphysique doit être conçue sur des concepts a priori, puisque sinon, la moralité ne pourrait pas être universelle, elle devrait être subjective et définie par des contextes particuliers. Ici, en disant « nous nous figurions » et « nous nous représentons », on peut percevoir cela. Pour Kant alors, le fait que nous comprenons sous le concept de devoir une soumission, et que nous voyons aussi de la sublimité et de la dignité chez une personne qui remplit ses devoirs sont des concepts a priori, c'est-à-dire des concepts qui nous sont en quelque sorte innés.

                Ceci donne plus de force, en revanche, au fait que ces deux concepts semblent être contradictoires. Si, en plus, ce sont des concepts a priori, il est étrange de penser que ces deux concepts puissent être contradictoires. Kant explique en premier la sublimité, et puis, dans le dernier mouvement argumentatif, il parle de la dignité. Pour Kant, si une personne qui remplit ses devoirs à de la sublimité, ce n’est pas en tant qu’elle est soumise à la loi morale, mais parce qu’elle est aussi l’auteur de cette loi. Pour mieux comprendre cela, il faut d’abord expliquer ce qu’est la sublimité pour Kant, puisqu’il en a une définition assez précise. La sublimité, pour Kant, vient du moment où nous réalisons le pouvoir extrême de notre propre rationalité. Par exemple, en voyant les pyramides de Giza, notre imagination ne peut pas complètement comprendre la taille qu’elles ont. Nous savons, rationnellement, qu’elles ont telle hauteur, telle longueur et d’autres mensurations mathématiques, mais on ne peut pas vraiment imaginer ce que cela veut dire dans notre perception quand on les voit. Ainsi, nous réalisons que notre pouvoir rationnel est plus fort que notre imagination, et nous éprouvons le sentiment de la sublimité. Dans chaque expérience de la sublimité, pour Kant, c’est une expérience de ce genre qui se produit : on comprend le pouvoir de notre propre rationalité, et nous éprouvons donc la sublimité. Ici, alors, il parle de la même expérience : en étant à la fois législateur des lois morales, et à la fois subordonné pour cette raison, on perçoit le pouvoir de notre rationalité. Kant montre que le fait d’être soumis à des lois n’est pas contradictoire avec le fait que nous nous représentons une sublimité chez la personne qui remplit tous ses devoirs. Le fait d’être soumis à des lois n’a nulle sublimité en soi, mais le fait d’être soumis à des lois dont nous sommes les auteurs, en revanche en a. Une société basée sur cela devrait avoir alors, elle aussi, une certaine sublimité.   

                Le fait d’être des législateurs des lois morales nous démontre alors la sublimité de la personne qui remplit tous ses devoirs. Etre législateur et aussi soumis aux lois dont nous sommes législateurs est aussi un aspect très important du royaume des fins. Kant est arrivé à cette idée de législateur et soumis à la fois, en suivant un cheminement un peu complexe. Si chaque être rationnel est une fin en soi, et non un moyen pour atteindre cette fin, il s’en suit que chaque être doit être l’auteur des lois morales qui le gouvernent. Si l’on n’était pas chacun auteur des lois morales, on serait alors soumis à des lois qui seraient des motivations extérieures à nous. Par exemple, on ne volerait pas  quelque chose, non parce que l’on sait que c’est moralement mauvais, mais parce qu’une loi extérieure nous dit que l’on ne devrait pas le faire. Dans cette situation, nous nous utilisons comme un moyen : mes actions sont le moyen de ne pas me retrouver en prison. Si nous sommes les législateurs en plus d’être les sujets des lois morales universelles, nos actions sont des fins en soi, et non des moyens pour atteindre des buts extérieurs à nous-mêmes. Le royaume des fins est donc une société où tout le monde est législateur des lois morales universelles. En pratique, bien sûr ceci semble assez difficile à atteindre, et c’est pour cela que c’est une métaphore utopique, mais dans la conception kantienne de la sublimité, en tant qu’elle est une expérience de pensée morale, c’est véritablement un concept sublime. Ce concept d’être législateur des lois morales s’appelle l’autonomie pour Kant, et on perçoit alors pourquoi les actions morales sont basées sur cette autonomie. En proposant une société bâtie sur l’autonomie et des lois universelles, Kant propose un modèle de la société purement démocratique, dans la même veine que la société que propose Rousseau. C’est une société qui est égalitaire, et qui écoute les demandes morales de chacun.

                Ainsi, dans ce deuxième mouvement argumentatif, Kant démontre en quoi il n’est pas contradictoire de percevoir une sublimité dans le fait de remplir tous ses devoirs, même si avoir des devoirs veut dire se soumettre à des lois. En fait, il montre surtout en quoi la moralité fondée sur l’autonomie est bien sublime. Ceci montre encore le coté utopique du royaume des fins. Il avait aussi dit, en revanche qu’il y avait une dignité apparente dans l’homme qui remplit tous ses devoirs, ce qu’il n’a pas encore expliqué.

 

 

                Pour Kant, une action morale montre la dignité de l’homme. Il dit que ce qui fait qu’une action soit morale est qu’elle soit mobilisée par le respect d’une loi morale universelle. La mobilisation doit être le respect, et non la peur ou l’inclination. Kant explique auparavant dans la deuxième section que seule la loi universellement morale fait agir par respect. Les autres lois dites morales font agir plutôt par peur ou par inclination. Les lois religieuses, par exemple, pour Kant, font agir par peur. Nous agissons moralement en accord avec les lois religieuses parce que l’on a peur des conséquences en agissant autrement. On a peur d’être condamné à aller en enfer, où quelque chose de similaire. Dans les lois de la société dont nous ne sommes pas législateurs, il y a cette même idée : nous agissons moralement par peur d’aller en prison. Pour ce qui est l’inclination, cela veut dire agir selon nos désirs. Par exemple, si je donne de l’argent à une œuvre de charité, si je le fait parce que je veux le faire, et donc si je n’avais pas voulu le faire je ne l’aurais pas fait, ce n’est pas agir en obéissance avec les devoirs, mais simplement par inclination. Quand on fait une action par inclination, on le fait pour satisfaire un désir, et donc ce sont les conséquences qui nous motivent pour faire l’action. L’action n’est donc pas vraiment morale, parce que l’on ne pense qu’aux conséquences. Dans les deux cas, on agit uniquement en référence aux conséquences de nos actes. Ceci, pour Kant, ne peut pas être moral, puisqu’un acte moral doit être bien en soi, et non en référence aux conséquences. Ainsi, la motivation pour une action morale doit être simplement le respect, ou la révérence, pour la loi morale universelle. Ceci est, bien sûr, en directe opposition avec les idées utilitaristes, qui diraient que les conséquences d’une action feraient que l’action soit morale. La morale de Kant, en opposition avec l’utilitarisme ou le conséquentialisme, pourrait plutôt être désignée comme une éthique déontologique.

                Avec une vision déontologique de la morale, c’est l’action en soi qui doit être considérée comme morale, et donc c’est l’action, et surtout la motivation pour cette action, à laquelle on doit le respect. Ainsi, si cette motivation émane des maximes d’une volonté bonne et autonome, Kant dit que c’est cette volonté bonne que l’on doit respecter et révérer. Cette conception de la moralité peut être problématique, en revanche. Si telle ou telle action est morale juste parce qu’elle est conforme avec le respect d’un devoir moral, sans prendre en compte les conséquences, on peut envisager des cas où se poseront des problèmes. En premier, si cela est juste le respect des lois d’une société où nous nous trouvons, le respect d’une loi pourrait être moralement méprisable, par exemple : les lois Jim Crow dans les Etats Unis. Ceci, à la limite, pourrait être expliqué par le fait qu’on doit adhérer à des lois plus élevées encore : les lois universellement valides. En revanche, même en considérant ceci, il peut y avoir des problèmes. Par exemple, s’il est moralement méprisable universellement de mentir, mais qu’en mentant dans un cas précis on peut aider quelqu’un en détresse, quel devoir faut il respecter : ne pas mentir ou toujours aider les gens en détresse ? Nous percevons alors une vraie critique de cette vision déontologique de la morale, où seul le respect pour les devoirs moraux doit motiver nos actions. On pourrait peut-être répondre avec une possible hiérarchisation des lois morales. Par exemple : le fait de sauver la vie de quelqu’un est une loi plus forte et importante que de ne pas mentir. Même ici, en revanche, il y a une certaine prise en compte des conséquences, donc mise en contexte des lois, ce qui les rend moins universelles. Kant répondra peut-être que de toute façon il est impossible pour quelqu’un de se fier absolument et sans exception aux lois universellement morales et valides, mais qu’il faut essayer d’être le plus moral que l’on peut. Ainsi, la volonté absolument bonne n’existe peut-être pas dans la vraie vie. En revanche, le fait que nous voulions faire plier notre volonté aux lois morales est ce en quoi consiste la vraie dignité de l’homme.

                On perçoit ainsi chez la personne qui remplit tous ses devoirs par respect la dignité de la personne. La dignité de l’homme, dit Kant, est le fait de pouvoir faire des lois universellement morales, auxquelles nous nous soumettons volontairement pour pouvoir agir moralement. Ce terme, dignité, doit être commenté. Pour Kant, il y a des choses auxquelles on peut assigner des valeurs, comme des produits ou des commodités. On peut leur donner une valeur numérique, par exemple : payer un certain nombre d’euros pour une certaine commodité. Ces choses à qui ont peut mettre une valeur sont nécessairement relatives, puisque la valeur vient d’un jugement subjectif de cette objet. Les choses qui ne sont pas relatives sont donc des fins en soi. On ne peut pas alors leur donner une valeur. Ces choses ont une dignité. Comme on l’a déjà vu, seule la volonté bonne, et donc celle de l’homme, peut être une fin en soi. La dignité de l’homme vient alors du fait qu’il à cette possibilité d’une volonté bonne, et qu’il à l’autonomie de pouvoir être à la fois législateur et sujet des lois qu’il respecte totalement. Cette conception de la dignité est très importante pour notre conception de l’homme maintenant. Si l’homme a une dignité fondamentale qui vient de sa moralité, il a donc des droits, parce que l’on ne peut pas le traiter comme quelque chose ayant une valeur jugeable. L’autonomie est fondamentale pour cette conception de l’homme avec dignité. Ce sont les œuvres de Kant qui ont fait surgir cet idéal de la dignité de l’homme d’une obscurité relative à un point focal pour les philosophes Occidentaux jusqu’à aujourd’hui. La dignité est aussi importante pour l’idée d’un royaume des fins. Les hommes qui vivent dans un royaume des fins auraient alors une dignité en plus d’une sublimité.

                Kant termine ce passage dans ce troisième mouvement argumentatif en montrant en quoi cette capacité que nous avons de pouvoir être auteur des lois morales et universellement valides, et sujet à ces mêmes lois par pur respect pour les devoirs que ces lois engendrent, montre la dignité fondamentale de l’homme. Le problème que ce dernier mouvement argumentatif soulève, en revanche est de savoir s’il est possible d’être aussi bon moralement que Kant veut que l’on le soit. La coté utopique du royaume des fins sert alors comme un guide moral.

 

 

 

                Ce passage montre donc qu’en agissant comme si nous vivions dans un royaume des fins, nous pouvons commencer, en premier, à avoir des lois qui sont universellement morales. Ces lois nous donneraient des devoirs, ce qui catégorisent les actions, pour nous dire ce qui est permis, interdit ou obligatoire moralement. Ce-faisant, Kant montre qu’en agissant comme cela, nous montrons notre propre sublimité, qui vient du pouvoir intégralement rationnel de l’homme. Nous démontrons aussi notre dignité en tant qu’êtres rationnels comme fins en soi, et donc sans valeur estimable, pouvant agir avec respect des lois dont nous sommes les législateurs. Le royaume des fins est ainsi une utopie qu’il faut viser dans toutes nos décisions morales. Mais en ayant une vision utopique de la morale, Kant nous présente alors une moralité qui est peut-être trop éloignée de notre comportement de tous les jours. Ce problème sera repris plus tard par Hegel, qui dira que la morale de Kant est trop abstraite pour nous être utile. Peut-on vraiment baser notre conception de la moralité sur une conception qui ne prend pas en compte les contextes habituels de nos vies ?

Liens utiles