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Le droit met-il fin à la violence ?

Publié le 03/05/2012

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 Le droit en tant qu'ensemble des lois régissant les rapports des hommes entre eux, semble de prime abord exclure naturellement l'idée même de violence. En effet l'adjectif «droit«, du latin directus, désigne ce qui est, d'un bout à l'autre, sans déviation. On parle ainsi d'une «pensée droite« à propos d'un raisonnement correct, ou d'un «homme droit« pour un individu qui ne s'écarte pas d'une règle morale. La violence serait présupposée comme la déviation première d'une règle normative, la loi. Ainsi, la violence se comprend en tant qu'opposition au droit, celle-ci semble même ne pouvoir se définir qu'en relation à des lois qu'elle viole. De même, on peut comprendre le droit comme le garant statutaire d'une liberté universelle, tandis qu'à l'inverse, la violence est l'exercice de la force pour soumettre quelqu'un contre sa volonté, c'est-à-dire contre le droit. Il y a donc de fait, une coexistence du droit et de la violence, l'un donnant sens à l'autre, dans leur opposition substantielle. Or, l'idée d'une violence comme «déviation« d'un droit universel est-elle satisfaisante pour la pensée, sachant que l'idée de «mettre fin« présuppose une antériorité de la violence au droit ? Ne peut-on pas déceler dans le droit les stigmates d'une violence qui l'aurait fondé ? Que penser de la punition pénale, à la fois réalisation en acte et condition de possibilité du droit, comme forme manifeste de la violence ? Aussi, sommes nous en droit de réhabiliter la violence dans sa positivité, en tant qu'elle est force fondatrice et nécessaire ?

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« ainsi la frontière fondamentale entre le sujet et le monde, par l'affirmation de la propriété.

Bien que cette notion depropriété dans le droit soit fluctuante, notamment avec l'idée de l' «habeas corpus», elle se cristallise dans l'article 17 de laDéclaration des droits de l'homme comme «droit inviolable et sacré».

Si ce droit se montre en premier lieu commefondamental, c'est bien parce que la propriété est la première chose en danger quand règne le «droit du plus fort».

Ellesemble même être l'objet premier de la contrainte d'autrui.

En effet, de part mon existence en tant qu'elle est déploiementde ma liberté, je suis contraint que si je veux me laisser contraindre.

En partant du postulat qu'un sujet est une volontéeffectivement libre, toute action d'une contrainte sur l'existence libre de ce sujet est antithétique.

Ce qui amène Hegel à direde la violence, prise abstraitement, qu'elle est «injuste» au paragraphe 92 des Principes de la philosophie du droit.

Du faitque la violence se détruit dans son concept, une violence détruisant une autre violence, le droit abstrait comme le désigneHegel est construit pour mettre fin à cette violence première.

La suppression de la contrainte par la contrainte devient alorsune nécessité.

Le droit se fonde donc contre un état de nature, désigné par Hegel comme «état de violence en général».

Ledroit trouve donc sa légitimité dans le combat de la violence.

Mieux, il légitime sa propre violence par l'éradication d'uneviolence première et a priori.

Ce droit est nommé par Hegel le «droit des héros» au paragraphe 93.

Hegel fait sans douteréférence aux héros grecs et romains, en fondant un héros intermédiaire entre l'état de nature et l'État.

Rappelons en outreque l'action de ces héros mythologiques était elle-même teintée d'une violence autotélique, se rapprochant de la barbarie laplus sauvage : le corps d'Hector écartelé par deux chevaux sous la colère d'Achille au chant XXII de l'Illiade.

Or, Hegel multiplieles réductions de la notion de droit à un «sens strict» et à une abstraction.

Car ce droit-là «intervient d'abord dans le cercle del'injustice».

Pourtant pouvons-nous déjà accepter l'idée paradoxale d'une injustice, c'est-à-dire d'une violence, du droit ? Sice droit dit «abstrait» s'apparente à la contrainte, c'est parce qu'il est subordonné au «Droit», celui de la «famille» ou de«l'État».

Et bien que ces autres droits ne sont pas dans «le cercle de l'injustice», ils ne mettent pas non-plus un terme à laviolence humaine.

Doit-on pour autant en conclure un échec des différents droits ? Ne doit-on pas prendre encore en compteune certaine tolérance de la violence ? Et à plus forte raison, la violence ne se forme-t-elle pas dans une «vacance de lalégalité», dont parle Sartre dans les Cahiers pour une morale ? Mais la question d'une violence tolérée, acceptée et donclégale pose problème.

En effet, quelles formes revêtent cette violence qui ne serait pas contraire au droit ? Est-ce de part sonmobile — encore que les violences exemptes de motifs apparaissent comme les plus «barbares» — ? Ou de soneffet, alors que le décalage entre violence reçue et violence perçue est transmis dans les écoles ? Il s'agit de poser laquestion de la légitimation de la violence : peut-on agir avec violence en droit ? On accepte l'idée que sur un ring, lorsque leboxeur assène un coup à son adversaire, il ne l'agresse pas réellement.

Toutefois, il est interdit pour le sportif d'attaquerl'autre une fois la cloche sonnée, ou que son concurrent est K.O.

ou encore que le match est terminé.

Dès lors, cette violenceest bien délimitée, réglementée, et justifiée.

Elle est acceptée, et même élevée au noble rang de «sport», parce qu'elle nerevête pas la forme de la contrainte.

En théorie, les boxeurs montent sur le ring de leur propre chef.

Les cas de violencesréglementées sont nombreux, mais il faut se demander si le droit légitime certains cas de violences contraignantes.

Quepenser de la «légitime défense» par exemple ? L'expression, en elle-même paradoxale, indique l'utilisation par un agentd'une force violente pour défendre son existence.

Anthropologiquement, ce mécanisme de défense semble aller de soi ; eneffet, il va dans le sens de l'auto-conservation propre à tous les êtres vivants.

Mais ce recours à la violence, dans les cas où ilest inévitable, est-il conforme au droit ? Tout en sachant que la légitime défense est invoqué à de nombreuses reprises pourjustifier des crimes réels.

Voilà une des raisons pour lesquelles Kant range la légitime défense parmi les cas douteux du«droit équivoque» dans la Doctrine du droit.

Derrière le droit abstrait hégélien, il faut tenir compte d'un droit des faits,fluctuant et adaptable au besoin, un droit de circonstance.

Si Kant préconise une certaine modération dans la légitimedéfense, ou le droit dit ‘‘de nécessité'', cela «ne relève pas même du droit, mais de l'éthique».

Par cettenomination même de «droit de nécessité», on comprend bien qu'il n'y a pas à attendre du droit une quelconque justification,puisque la nécessité y fait loi.

L'action violente n'est donc pas «innocente, mais impunissable».

Le droit sous ces formesdiverses peut donc s'accommoder d'une certaine violence, à condition que cette dernière soit légitimable et justifiable,comme si elle était sur la voie d'une certaine moralité.

Ainsi, le droit se construit en réaction à la violence humaine, qu'il délimite plus qu'il n'y met fin.

Pourtant, le concept de«droit de résistance», jugé «naturel et imprescriptible» par la Déclaration des droits de l'homme de 1789, subordonne le droitet par-là même l'État, à la violence révolutionnaire.

Ce «suicide de l'État» comme le désigne Kant parait absurde, comme si ledroit se court-circuitait lui-même.

On pourrait croire que ce droit, en tant qu'il rend une révolution légale, bien que sous saforme la plus restreinte de «résistance à l'oppression», l'affaiblit.

Or, on peut lire dans ce droit fondamental contenu dansl'Article 2, la mise en lumière d'un certain héritage de la violence, comme violence créatrice et même fondatrice.

Comme sicet article rendait hommage à la condition de possibilité révolutionnaire qu'est la violence, celle qui a fondé un nouveaudroit universel.

Il s'agit désormais de reconsidérer la notion de violence, non plus dans son immoralité mais bien dans sonpotentiel d'actualisation d'une force positive, à l'instar d'Engels, comme «l'accoucheuse de toute vieille société qui porte enelle une nouvelle dans ses flancs».

Tout d'abord, il faut entendre dans le «violentia» latin, la racine de ‘‘vis'' signifiant ‘‘force''résonnant avec la ‘‘bia'' grecque.

Ainsi, l'étymologie du mot «violence», le rapproche de l'idée de force. »

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