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Grand cours: LE DROIT (1 de 16)

Publié le 22/02/2012

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droit

INTRODUCTION

- Les deux notions de droit et de justice semblent inséparables, comme l’étymologie de justice le montre : jus désigne le droit; la justice est la vertu qui exige le respect du droit, sa défense, son extension ; elle est la volonté constante d’attribuer à chacun le Droit qui lui est dû. Autrement dit, être juste, c’est agir selon le droit. De même, la justice, dont la balance est l’objet et l’instrument symbolique, évoque les idées d’égalité, de proportion, de compensation.

- Or, si l’on entend par droit l’ensemble des règles et des lois qui organisent la vie des hommes en société, la fonction du droit n’est pas tant d’assurer la justice que l’ordre. L’adjectif droit désigne ce qui n’est ni courbe ni tordu (son contraire est tort) et, au sens figuré, le mot a une portée morale : être droit, c’est être honnête, n’être pas retors, de sorte que la droiture, c’est l’honnêteté. On peut filer plus avant la métaphore : de même qu’une règle (l’instrument) permet de tracer droit, de même une règle sociale permet d’agir droitement.

- Le droit peut être défini à plusieurs niveaux :

·       comme droit subjectif, il exprime une exigence de la conscience, lorsqu’on fait état d’une légitimité pour réclamer un bien, un « dû «. Le droit subjectif signifie alors le pouvoir moral d’agir, de posséder ou d’exiger quelque chose. Ce pouvoir demeure, même si ce droit n’est pas encore inscrit dans un code objectif ou s’il n’est pas respecté par la société dominante;

·       comme droit objectif ou positif, le droit désigne les lois écrites, le code propre à une société donnée, variable selon  temps et lieux, c’est-à-dire l’ensemble des normes qui règlent la vie sociale et sont exprimées dans des lois, coutumières ou écrites. Le droit positif est appliqué par le pouvoir exécutif de l’Etat.

- Qu’il soit subjectif ou objectif, qu’il puisse même parfois être injuste ou illégitime (le droit définit la sphère du légal), le droit a toutefois toujours peu ou prou pour finalité de faire régner ou reconnaître une forme de justice sans laquelle l’ordre social n’est guère possible.

- Cette tension entre le droit et la justice se retrouve du reste dans la notion même de justice. En effet, la justice est le respect du droit sous sa forme subjective et objective ; elle se définit alors doublement en rapport au droit :

·       la justice objective renvoie au code établi et définit l’ensemble des pouvoirs d’agir considérés comme licites; en ce sens-là, être juste, c’est obéir aux lois ;

·       la justice morale qui concerne l’attitude d’un homme vis-à-vis de son prochain quant au respect de sa personne dans toutes ses dimensions (biens, dignité…); elle implique la valeur de réciprocité.

- Cette dimension subjective de la justice transparaît particulièrement dans l’expérience vécue où elle est souvent appréhendée comme un sentiment, une aspiration, réclamant une dimension d’idéal à la lumière de laquelle nous apprécions nos relations avec le monde et les autres. Surtout, l’expérience de l’injustice revêt une dimension quasi initiatique dans la découverte de la justice :  frustrations, comparaisons, attentes sont des conditions pour une conscience de l’idée de justice. « Les hommes ne connaîtraient pas le nom de justice si les choses injustes n’existaient pas « (Héraclite). C’est ce que décrit Rousseau, dans Les confessions, lorsqu’il fait de sa première expérience de l’injustice (il fut durement puni, enfant, d’un crime qu’il n’avait pas commis) un événement significatif pour toute sa vie. On peut également énumérer les situations d’injustice où notre indignation s’enflamme : les partages inégaux (donner plus à l’un qu’à l’autre), les promesses non tenues qui ébranlent la confiance dans la parole donnée, les punitions non proportionnées aux fautes commises ou les éloges attribués arbitrairement à d’autres.

- Bien que distincts, ces deux aspects – subjectifs et objectifs - de la justice sont liés : le Code et les juges sont censés avoir la mission de faire régner ce qui est juste ; la justice désigne non seulement la vertu morale de l’homme, mais aussi l’ensemble des procédures sociales par lesquelles on peut contraindre les individus à respecter, de bon ou de mauvais gré, les règles tenues pour justes par la communauté. Or ce n’est là qu’une présomption souvent démentie par les faits : la nécessité d’assurer la sécurité et l’ordre fait que le droit est souvent l’expression d’un ordre imposé par les plus forts. Il y a des lois justes et des lois injustes et c’est au nom de la justice morale qu’ont lieu des luttes pour améliorer les lois (exemple de la défense des sans logis en France).

- La justice apparaît ainsi toujours déchirée entre la révolte qui l’inspire et le pouvoir qui l’assure : contre l’injustice, on fait appel à la loi pour rétablir le droit bafoué; contre la loi injuste, on fait appel à la révolte.

- Le problème qui se pose au philosophe méditant sur ce hiatus entre la justice et le droit se situe à trois nouveaux d’analyse.

- Le premier niveau correspond à la question des fondements du droit et de la justice (première partie du cours) : sur quoi ces notions reposent-elles ? d’où viennent les lois ? les loix existantes suffisent-elles à faire régner la justice ou bien doivent-elles être évaluées en permanence à l’aune de normes transcendantes ?

- Le deuxième niveau concerne l’idée de justice proprement dite (deuxième partie du cours) : en quoi consiste cette vertu de justice dont le droit positif ne peut faire l’économie s’il veut être à l’origine de jugements justes et non simplement légaux ? renvoie-t-elle à un idéal, à un absolu que l’homme se propose sans jamais l’atteindre ? dans ce cas, que signifierait lutter pour une justice qui ne saurait être de ce monde ?

- La troisième partie de notre réflexion sur le droit et la justice sera consacrée au problème épineux du rapport entre le droit et la violence. Si le droit semble se définir par opposition à la violence, il semble toutefois ne pas pouvoir s’en passer tout à fait s’il veut, comme on le dit, avoir « force de loi « et ne pas rester lettre morte. Or, s’il est manifestement une violence légale (celle de la sanction pénale, par exemple, qui peut aller jusqu’à la peine de mort), une violence légitime est-elle concevable, qui serait au service du droit et de la justice ? Peut-on même envisager un droit, voire un devoir, de désobéissance civile à la loi, lorsque celle-ci bafoue la justice ?  

PLAN DU COURS

I)                LE FONDEMENT DU DROIT

A)   DROIT, FAIT ET DEVOIR

1)     Le droit et le fait

2)     Le droit et ses composantes

2.1 – Les règles

2.2 – Les tribunaux

2.3 – Les moyens humains et matériels

3)     Le droit et le devoir

B)    LE DROIT COMME FACTEUR EMERGEANT DE L’ORDRE SOCIAL

1)     Le positivisme juridique

2)     Valeur et limites du positivisme juridique

C)   L’IDEE DE DROIT NATUREL ET LE CONTRAT SOCIAL

1)  Le droit divin

2)  Le droit naturel antique

3)     Le droit naturel moderne

3.1 – Présentation générale

3.2 – La notion de contrat social

3.3 – Thomas Hobbes

3.4 – Samuel von Pufendorf

3.5 – Rousseau

3.6 – Intérêt et actualité de la théorie du contrat social

4)     La critique libérale et l’émergence du couple société-Etat dans la théorie politique moderne

D)   LES DROITS DE L’HOMME

1)     Définition et fondement

2)     Droits civils, politiques et sociaux

3)     Critiques et défense des droits de l’homme

3.1 – Critiques des droits de l’homme

3.2 – Les limites de ces critiques. Défense des droits de l’homme

II)             LA JUSTICE, VERTU ET NORME DU DROIT

A)   LES DIFFERENTES DEFINITIONS DE LA JUSTICE

1)     La justice comme hiérarchie

2)     La justice comme égalité

2.1 – égalité et identité, égalité de droit et égalité de fait

2.2 – l’égalité métaphysique

2.3 – l’égalité juridique

2.4 – la justice distributive

2.5 – la justice corrective

2.6 – la justice commutative

B)    EGALITE ET LIBERTE

1)     L’égalité, un principe difficile

2)     Liberté et inégalités

3)     Une théorie moderne de la justice : John Rawls

3.1 – Le voile d’ignorance

3.2 – Les principes d’égale liberté et de différence

3.3 – Critique de la théorie de Rawls

C)   LA JUSTICE, VERTU CARDINALE

III)           LE DROIT ET LA VIOLENCE

A)   L’OPPOSITION DU DROIT ET DE LA VIOLENCE

1)     Force et violence

2)     Du droit du plus fort

B)    LE DROIT DE PUNIR

1)     La notion de peine

2)     La vengeance

3)     Les fonctions de la peine

3.1 – Fonctions sociales

3.2 – Fonctions individuelles

4)     Le problème de la peine de mort

4.1 – La justification de la peine capitale

4.2 – L’opposition à la peine de mort

C)   LA VIOLENCE LEGITIME : LA DESOBEISSANCE CIVILE

1)     Le devoir d’obéissance à la loI

2)     Désobéissance et révolte

2.1 – La notion de révolte

2.2 – La révolte, un droit et un devoir

2.3 – La révolte garante du droit

2.4 – La désobéissance civile

3)     Conclusion : la violence au service du droit

CONCLUSION GENERALE

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