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Grand cours: LE DROIT (11 de 16)

Publié le 22/02/2012

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C) LA VERTU DE JUSTICE

- Outre sa dimension juridique, politique, sociale et économique, la justice désigne également une vertu, si l’on entend par vertu la dispositionhabituelle à accomplir le bien, à réaliser un acte moral. Elle est même considérée, dans la philosophie grecque, comme une vertu cardinale avec le courage, la tempérance et la prudence. La justice comme vertu serait cette capacité à faire rayonner en soi et hors de soi l’égalité et l’équité.

- L’esprit de justice se caractérise d’abord par la conscience du fait qu’il y a des choses à faire et des choses à ne pas faire dans la relation avec les autres : des obligations et des interdictions. Etre juste, c’est faire ce qu’on doit. A mes devoirs, correspondent les droits des autres. Etre juste, c’est aussi donner à chacun ce à quoi il a droit, ce qui lui revient.

- Ainsi, être juste, au sens moral du terme, c’est refuser de se mettre au-dessus des lois (la justice, même comme vertu, reste liée à la légalité) et des autres (par quoi elle reste liée à l’égalité). La justice repose sur le principe de l’égalité (« la loi doit être la même pour tous”) et celui de l’équité (“on doit offrir à chacun ce qui lui dû”).

- Définition d’André Comte-Sponville (Petit traité des grandes vertus) : «  Qu’est-ce qu’un juste? C’est quelqu’un qui met sa force au service du droit, et des droits, et qui, décrétant en lui l’égalité de tout homme avec tout autre, malgré les inégalités de fait ou de talents, qui sont innombrables, instaure un ordre qui n’existe pas mais sans lequel aucun ordre jamais ne saurait nous satisfaire «.

- Selon Platon, la justice est l’une des quatre vertus principales avec la tempérance, la prudence et le courage. La vertu est l’effort pour se bien conduire, l’habitude acquise de bien agir. Selon Aristote, l’homme juste est celui qui fait sans effort des actions justes, voire prend plaisir à pratiquer la justice, laquelle est pour lui comme une seconde nature. Pour étudier la justice, dit Aristote, il faut observer les actions des hommes justes : ce n’est pas la justice qui fait les justes, ce sont les justes qui font la justice.

- La justice n’est pourtant pas une vertu comme une autre : elle est l’horizon de toutes, toute valeur la suppose et toute humanité la requiert; elle est ce sans quoi les valeurs cesseraient d’en être (ce ne seraient plus qu’intérêts ou mobiles), ou ne vaudraient rien. « Si la justice disparaît, écrit Kant, c’est chose sans valeur que le fait que des hommes vivent sur la terre « (Doctrine du droit, II, 1) : s’il fallait, pour sauver l’humanité, condamner un innocent, torturer un enfant, l’humanité ne vaudrait pas la peine de vivre. La justice vaut plus et mieux que le bien-être ou l’efficacité; même l’humanité, même le bonheur, même l’amour, ne sauraient, sans la justice, valoir absolument : être injuste par amour, c’est faire de l’amour favoritisme ou partialité; être injuste pour son propre bonheur ou pour celui de l’humanité, c’est faire du bonheur égoïsme ou confort. Sans justice, en somme, il n’y aurait ni légitimité ni illégitimité.

- La justice est cette vertu par laquelle chacun tend à surmonter la tentation égoïste de se mettre plus haut que tout et à tout sacrifier à ses désirs et à ses intérêts. La justice est le contraire de l’égoïsme et de l’égocentrisme. En ce sens , elle est proche de l’altruisme et de l’amour. Si, comme nous l’avons aperçu, la justice est l’équité qui suppose l’intelligence, la prudence, le courage, la fidélité, la générosité, la tolérance, elle suppose aussi la miséricorde (« l’équité, c’est de pardonner au genre humain «, Aristote) puisqu’il faut, pour que le jugement soit équitable, avoir surmonté la haine et la colère (d’où la distinction entre la sanction pénale, fondée sur la raison, et la vengeance dont le ressort est passionnel. Cf. infra).

- Mais les hommes ne paraissent pas très capables d’agir spontanément de façon juste, de sorte qu’il a paru indispensable de régler les comportements par des règles de droit, ou lois. Les faire respecter est l’affaire de la justice, dans le sens cette fois d’institution judiciaire (les tribunaux), fût-ce par l’utilisation de la contrainte, de la force.

Conclusion :

- L’idée de justice renvoie donc à l’exigence de réciprocité, d’équivalence entre ce que l’on prend et ce que l’on donne (justice commutative), d’égalité (selon laquelle les cas similaires doivent être traités de manière similaire), d’impartialité mais aussi de correction et de compensation (justice corrective). La justice, en somme, entant que norme et vertu du droit, se décline comme égalité et comme équité, avec toute la difficulté que nous avons aperçue à établir un critère du juste. La question de l’articulation du droit et de la justice rebondit avec le problème épineux de la violence qui, nous allons le voir, relance la thématique de la légitimité.

  

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