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Les Horloges de VERHAEREN (commentaire)

Publié le 29/03/2011

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La nuit, dans le silence en noir de nos demeures, Béquilles et bâtons, qui se cognent, là-bas; Montant et dévalant les escaliers des heures, Les horloges, avec leurs pas; Émaux naïfs derrière un verre, emblèmes Et fleurs d'antan, chiffres maigres et vieux; Lunes des corridors vides et blêmes, Les horloges, avec leurs yeux; Sons morts, notes de plomb, marteaux et limes, Boutique en bois de mots sournois Et le babil des secondes minimes, Les horloges, avec leurs voix; Gaines de chêne et bornes d'ombre, Cercueils scellés dans le mur froid, Vieux os du temps qui grignote le nombre, Les horloges et leur effroi; Les horloges Volontaires et vigilantes, Pareilles aux vieilles servantes Boitant de leurs sabots ou glissant sur leurs bas, Les horloges que j'interroge Serrent ma peur en leur compas. VERHAEREN (1) (Au bord de la route; 1891). Note : (1) Émile Verhaeren, poète flamand (1855-1916).  

Vous proposerez de ce texte un commentaire composé. Vous pourriez, par exemple, étudier par quels procédés (images, rythmes, sonorités, etc.) le poète présente une description fantastique des horloges et rend sensible la hantise que lui inspire le temps. Mais ces indications ne sont pas contraignantes, et vous avez toute latitude pour organiser votre exercice à votre gré. Vous vous abstiendrez seulement de présenter un commentaire juxtalinéaire ou séparant artificiellement le fond de la forme.

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« escaliers) mais produit un effet de mystère (quels sont ces béquilles et ces bâtons ?) et la correspondance n'estpas immédiate entre les bruits de la maison la nuit (facteurs d'inquiétude) et ceux des horloges. Strophe II Quatre vers, trois décasyllabes, irrégulièrement scandés (noter l'enjambement de 5 à 6), suivis du vers de septpieds avec le même effet que précédemment.

Après les bruits, les lueurs.

La description des horloges se précise,mais, par le biais des appositions, le poète projette sur les objets (émaux, verre, fleurs) leur présence vivante etinquiétante.

De même, la métaphore (lunes des corridors) en apposition, permet de condenser en une expression ledehors, le dedans, l'existence d'une lueur et d'un regard.

Ce qui se découvre semble renvoyer au passé (d'antan,vieux), un passé peu séduisant (vides, blêmes, maigres), mystérieux aussi (quels sont ces chiffres maigres et vieux?ceux des horloges? mais le mot peut aussi s'associer à emblèmes, tous deux renvoyant alors à des figuressymboliques imprécises et, par là même, troublantes). Strophe III Quatre vers se succédant selon 10/8/10/7 pieds, nouvelle irrégularité rythmique, introduisant au thème, plusmenaçant encore, de la mort.

Cette fois c'est la voix, ce sont les paroles des horloges qui se font entendre.

Uneopposition se dessine entre le poids (morts, plomb, marteaux), exprimé par les sonorités sourdes, et la légèreté dessecondes, exprimée par les sons «i» du vers 11.

Les images restent plus suggestives qu'explicites (la «boutique enbois», est-ce le corps même de l'horloge ou la maison? les «mots sournois », les «sons» et «notes» viennent-ils dutic-tac et du carillon ou des habitants de la demeure ?).

On pense à un atelier fantastique où se croisent des voixfantômatiques. Strophe IV Quatre vers de 8/8/10/7 pieds.

Les mètres courts gagnent du terrain, le rythme s'accélère, la mort se matérialise(cercueils, vieux os, ombre), l'effroi a gagné le poème, les sonorités des mots soulignent la présence du froid{froid/effroi, à la rime) et de l'ombre (ombre/nombre, également à la rime).

L'alliance du concret et de l'abstrait (lenombre qui grignote) crée le fantastique.

Noter aussi le raccourci expressif du vers 16 : « leur effroi » pour l'effroique suscitent, que provoquent les horloges. Strophe V Les dernières régularités du texte (strophes de 4 vers, rimes croisées) sont brisées à leur tour : six vers de3/8/8/12/8/8 pieds selon le schéma de rimes a/b/b/c/a/c.

Sur le plan rythmique la strophe va s'élargissant du vers17 au vers 20, retarde la venue du verbe censé compléter le sujet (horloges) par une comparaison renvoyant unefois de plus au passé ancien et aux habitants des demeures évoquées au vers 1 (les vieilles servantes), répète etrelance en écho le mot horloges (interroge, début et fin de vers), avant de livrer enfin le verbe principal de la phrase(serrent).

La métaphore finale (le compas), si elle évoque bien les aiguilles de l'horloge et leur inexorablerapprochement, renvoie aussi aux chiffres et au nombre, à une sorte de mathématique du temps, obscure etdangereuse.

Noter aussi, au plan sonore, l'écho peur/leur et la présence de l'heure (la dernière ?) dans leur. Le vers 20, très savamment dosé sur le plan sonore (utilisation d'harmonies imitatives pour suggérer successivementla boiterie (sons b/t/d/s/b) et la glissade (sons 1/s/s/l)), résume les divers rythmes du temps. Au terme de cette description, il semble possible de dégager quelques éléments dominants : — ce poème rend compte et rend sensible l'effroi que suscite chez l'auteur un objet bien précis : l'horloge ; — cet objet est décrit en relation très étroite, en correspondance avec la demeure où il se trouve, à tel point qu'onpeut se demander si ce n'est pas cette demeure tout entière qui est menaçante ; — les modalités de l'effroi sont suggérées simultanément par les rythmes, les sonorités, les images ; elles renvoientà l'ouïe, à la vue, à la pensée de la mort.

POUR LA COMPOSITION DU COMMENTAIRE Il paraît ici assez opportun de suivre les suggestions du libellé, lequel induit une organisation en deux temps : letexte comme description fantastique des horloges puis comme manifestation de la hantise du temps. En introduction, on pourrait indiquer, comme nous l'avons fait ci-dessus, la continuité du thème de la crainte dutemps, que celle-ci se manifeste dans des mythes antiques comme celui de Kronos ou dans des poèmes (voirRonsard, la poésie romantique, entre autres).

Dans ce texte de Verhaeren, le thème s'ancre dans le quotidien, maisun quotidien que la peur métamorphose.

Et le plus courant (en 1891...) des objets devient une créature terrifiante. I.

Une description fantastique. »

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