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Jean Racine : PHÈDRE - Acte I, Scène III : Phèdre, Oenone.

Publié le 16/03/2010

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racine

 

PHÈDRE N'allons point plus avant, demeurons, chère Œnone. Je ne me soutiens plus ; ma force m'abandonne : Mes yeux sont éblouis du jour que je revois ; Et mes genoux tremblants se dérobent sous moi. Hélas ! Elle s'assied. ŒNONE Dieux tout-puissants, que nos pleurs vous apaisent ! PHÈDRE Que ces vains ornements, que ces voiles me pèsent ! Quelle importune main, en formant tous ces noeuds, A pris soin sur mon front d'assembler mes cheveux ? Tout m'afflige et me nuit, et conspire à me nuire. Comme on voit tous ses voeux l'un l'autre se détruire ! Vous-même, condamnant vos injustes desseins, Tantôt à vous parer vous excitiez nos mains ; Vous-même, rappelant votre force première, Vous vouliez vous montrer et revoir la lumière. Vous la voyez, madame ; et, prête à vous cacher, Vous haïssez le jour que vous veniez chercher ! PHÈDRE Noble et brillant auteur d'une triste famille, Toi, dont ma mère osait se vanter d'être fille, Qui peut-être rougis du trouble où tu me vois, Soleil, je te viens voir pour la dernière fois ! ŒNONE Quoi ! vous ne perdrez point cette cruelle envie ? Vous verrai-je toujours, renonçant à la vie, Faire de votre mort les funestes apprêts ? PHÈDRE Dieux ! que ne suis-je assise à l'ombre des forêts ! Quand pourrais-je, au travers d'une noble poussière, Suivre de l'oeil un char fuyant dans la carrière ? ŒNONE Quoi ! madame ? PHÈDRE Insensée ! où suis-je ? et qu'ai-je dit ? Où laissé-je égarer mes voeux et mon esprit ? Je l'ai perdu : les dieux m'en ont ravi l'usage. Œnone, la rougeur me couvre le visage : Je te laisse trop voir mes honteuses douleurs ; Et mes yeux, malgré moi, se remplissent de pleurs. ŒNONE Ah ! s'il vous faut rougir, rougissez d'un silence Qui de vos maux encore aigrit la violence. Rebelle à tous nos soins, sourde à tous nos discours, Voulez-vous, sans pitié, laisser finir vos jours ? Quelle fureur les borne au milieu de leur course ? Quel charme ou quel poison en a tari la source ? Les ombres par trois fois ont obscurci les cieux Depuis que le sommeil n'est entré dans vos yeux ; Et le jour a trois fois chassé la nuit obscure Depuis que votre corps languit sans nourriture. A quel affreux dessein vous laissez-vous tenter ? De quel droit sur vous-même osez-vous attenter ? Vous offensez les dieux auteurs de votre vie ; Vous trahissez l'époux à qui la foi vous lie ; Vous trahissez enfin vos enfants malheureux, Que vous précipitez sous un joug rigoureux. Songez qu'un même jour leur ravira leur mère Et rendra l'espérance au fils de l'étrangère, A ce fier ennemi de vous, de votre sang, Ce fils qu'une Amazone a porté dans son flanc, Cet Hippolyte…

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