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KANT: Paresse, ambition et insociable sociabilité

Publié le 16/04/2009

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kant
Le moyen dont la nature se sert pour mener à bien le développement de toutes ses dispositions est leur antagonisme au sein de la société, pour autant que celui-ci est cependant en fin de compte la cause d'une ordonnance régulière de cette société. - J'entends ici par antagonisme l'insociable sociabilité des hommes, c'est-à-dire leur inclination à entrer en société, inclination qui est cependant doublée d'une répulsion à le faire, menaçant constamment de désagréger cette société. L'homme a un penchant à s'associer, car dans un tel état, il se sent plus qu'homme par le développement de ses dispositions naturelles. Mais il manifeste aussi une plus grande propension à se détacher (s'isoler), car il trouve en même temps en lui le caractère d'insociabilité qui le pousse à vouloir tout diriger dans son sens ; et, de ce fait, il s'attend à rencontrer des résistances de tous côtés, de même qu'il se sait par lui-même enclin à résister aux autres. C'est cette résistance qui éveille toutes les forces de l'homme, le porte à surmonter son inclination à la paresse, et, sous l'impulsion de l'ambition, de l'instinct de domination ou de cupidité, à se frayer une place parmi ses compagnons qu'il supporte de mauvais gré, mais dont il ne peut se passer. L'homme a alors parcouru les premiers pas, qui de la grossièreté le mènent à la culture dont le fondement véritable est la valeur sociale de l'homme ; c'est alors que se développe peu à peu tous ces talents, que se forme le goût. [...] Sans ces qualités d'insociabilité, peu sympathiques certes par elles-mêmes, source de la résistance que chacun doit nécessairement rencontrer à ses prétentions égoïstes, tous les talents resteraient à jamais enfouis en germes, au milieu d'une existence de bergers d'Arcadie, dans une concorde, une satisfaction, et un amour mutuels parfaits ; les hommes, doux comme les agneaux qu'ils font paître, ne donneraient à l'existence guère plus de valeur que n'en a leur troupeau domestique ; ils ne combleraient pas le néant de la création en considération de la fin qu'elle se propose comme nature raisonnable. KANT

Dans Idée d'une histoire universelle du point de vue cosmopolitique, Kant explique que les vices de l'homme sont en réalité des ruses de la nature qui le pousse ainsi à se surpasser et à créer la culture. Kant est en cela précurseur des philosophies de l'histoire du XIXe siècle.     Problématique    Les tendances contradictoires de l'homme le poussent à s'associer dans une société, tout en demeurant méfiant ou hostile à l'égard des autres hommes. Si les hommes ne possédaient pas ces tendances mauvaises, la civilisation ne se serait pas développée.     Enjeux.    La justification du mal par l'intentionnalité bonne de la nature et de Dieu n'est-elle pas un alibi pour ne pas penser le mal en lui-même ? L'idée selon laquelle le Mal est nécessaire à l'avènement du Bien désinvestit l'homme de ses responsabilités.

• Quel est l'effet positif, selon Kant, du penchant à s'associer de l'homme? • Quel est l'effet négatif selon Kant, de Vinsociabilité de l'homme? — « L'insociabilité « de l'homme n'aurait-elle pas, cependant, selon lui, un effet paradoxalement positif? • « L'insociabilité « et « le penchant à s'associer « sont-ils des phénomènes d'ordre naturel ? • Quel est le résultat, « en fin de compte « de l'antagonisme « insociabilité-sociabilité « (naturel?) de l'homme? • Est-ce sur la base du développement de phénomènes tenant à la nature (en quel sens?) que l'homme atteint à la culture (selon Kant)? • Peut-on maintenant comprendre la première phrase? • Quel est l'enjeu de ce texte? — mettre à jour Vinsociable-sociabilité des hommes? — mettre à jour comment se développe (voire se résoud) cet antagonisme ? — tenter de penser comment l'homme passe de la nature à la culture ? — autre-chose?

kant

« Kant propose de substituer à la Providence de Bossuet, la Nature.

Cette dernière se sert des passionshumaines et des conflits qu'elles génèrent pour accomplir son dessein secret :« Le moyen dont se sert la nature pour mener à bien le développement de toutes ses dispositions est leurantagonisme au sein de la Société, pour autant que celui-ci est cependant en fin de compte la cause d'uneordonnance régulière de cette Société j'entends ici par antagonisme l'insociable sociabilité des hommes,c'est-à-dire leur inclination à entrer en société, inclination qui est cependant doublée d'une répulsiongénérale à le faire...

»Kant découvre que c'est la vanité des hommes, leur désir de domination, cet esprit toujours inventif decompétition qui sont à l'origine de toute créativité sociale.

Il perçoit, avant Hegel, que rien de grand ne sefait sans passion, c'est-à-dire sans l'attachement intéressé des hommes.

Or les passions sont partie de lanature humaine, à travers elles la Nature agit.

De conflit en conflit, l'espèce approche de la réalisation de laforme d'organisation politique qui autorisera le règne sans partage de la liberté.

Cette forme degouvernement, Kant l'appelle République, elle correspond à ce que nous désignons aujourd'hui parl'expression « démocratie libérale ».

Cette Idée d'une histoire universelle ouvre la voie à l'interprétationhégélienne et annonce déjà le thème de la fin de l'Histoire. Introduction Comment un être peut-il développer toutes les facultés qui ne se trouvent en lui qu'en germe ? Dans la quatrième proposition de l'opuscule Idée d'une histoire universelle du point de vue cosmopolite , Kant propose une solution à ce problème : ce développement des facultés n'a pas lieu à un niveau individuel, mais du point de vue del'espèce, car il l'accumulation et l'effort progressif nécessaire à ce progrès ne saurait se satisfaire d'une simple viehumaine.

Ce point apparait très clairement dans la deuxième proposition du même opuscule : « chez l'homme (entant que seule créature raisonnable sur terre), les dispositions qui visent à l'usage de sa raison ne devraient êtredéveloppées complètement que dans l'espèce, mais non dans l'individu ».

Faut-il pour autant imaginer que l'histoirede l'espèce humaine prend pour moteur la bonne volonté des hommes, leur effort et leur sens du devoir ? nullement,Kant, avec le sens du réel qui le caractérise constate que le ressort de l'histoire humaine est bien plutôt ce qu'onpourrait appeler l'amour de soi.

Ce sont donc la lutte, le conflit, et la concurrence des individus qui est au principedu progrès culturel.

Le progrès est donc dialectique : l'antagonisme entre conflit et solidarité permet deperfectionnement de l'homme et lui permet d'atteindre sa destination morale.

Dans ce texte, nous allons voircomment Kant, après avoir expliqué la nature de l'antagonisme montre qu'il est surmonté par un équilibre salvateur. I.

Description de l'insociable sociabilité A.

Le rôle de la nature.

La première phrase du texte constitue à la fois une formulation de la thèse kantienne et une mise en perspective de cette thèse : « le moyen dont la nature se sert pour mener à bien le développement detoutes ses dispositions est leur antagonisme au sein de la société ».

l'antagonisme (qui sera explicité par la suite)est donc le véritable moteur du développement humain.

Mais ce moteur n'est pas une initiative de l'homme, puisqu'ilrelève du dessein de la nature.

La nature, chez Kant, peut être définie comme la forme d'une connexion légale,systématique, universelle, nécessaire, a priori (il faut entendre par là qu'elle précède toute expérience), cohérente, continue et homogène, en vertu du principe d'affinité dicté par la raison.

Autrement dit, la nature est une grandelégislatrice, et il ne faut en aucun cas entendre par nature la nature empirique (celle dont on cherche à serapprocher en allant à la campagne).

On se trouve donc en présence d'une certaine ruse de la nature qui utilise lesantagonismes pour atteindre l'harmonie.

En effet, cet antagonisme est « la cause d'une ordonnance régulière decette société » : par ordonnance régulière, il faut entendre que l'antagonisme est en réalité une mise en ordre, ladisposition conformément à une règle. B.

L'antagonisme inscrit au cœur de l'homme : cet antagonisme, Kant le nomme, d'une expression restée célèbre : « l'insociable sociabilité ».

Mais que signifie au juste cet oxymore ? l'homme a deux types de désirs contraires : d'unepart, il a un penchant naturel à chercher la compagnie de ses semblables, c'est-à-dire qu'il ne se sent exister quepar la relation à autrui.

Aristote définissait déjà l'homme comme un « animal politique », c'est-à-dire un animal dontla caractéristique est de vivre en communauté.

C'est là un besoin moral de l'homme : il veut échanger,communiquer, se lier d'amitié.

Cette sociabilité est inscrite dans l'humanité même : l'homme vit en société nonseulement par intérêt, mais aussi par plaisir.

Mais d'un autre côté, l'amour propre pousse chacun à privilégier sapropre personne, à faire passer son intérêt particulier avec l'intérêt général.

Tout en désirant vivre avec les autres,l'homme désire soumettre ces autres à sa propre loi, et en cela il constitue une menace pour la cohésion de lasociété.

En cela, il est donc insociable.

Le vocabulaire de Kant relève ici des passions et des désirs : il est questiond' « inclination » et de « répulsion », ce qui montre bien que nous sommes dans l'ordre de l'instinct et aucunementde la volonté et du devoir. C.

L'antagonisme n'est pas une fatalité : contrairement à Hobbes, qui dans le Léviathan décrit les rapports humains comme des rapports essentiellement conflictuel, pour Kant, la sociabilité vaut tout autant que l'insociabilité.

Hobbesconsidère que « l'homme est un loup pour l'homme », les intérêts particuliers ne peuvent que prévaloir, et il convientde les contenir en créant un pouvoir fort, qui seul garantie la pérennité de la société.

Pour Kant, l'insociabilité n'estpas ce qu'il faut détruire ou refouler, mais ce qui, par une dialectique rusée de la nature est le moteur même de lacivilisation. II.

L'équilibre miraculeux des antagonismes au sein de la société. »

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