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Le langage est-il objet de science ?

Publié le 15/08/2004

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Artificielle, indépendante des diverses langues existantes, la langue logique parfaite aurait été aussi une langue universelle, mettant fin à tous les malentendus : « il dépend de nous de fixer les significations, au moins dans quelque langue savante, et d'en convenir pour détruire cette tour de Babel «, écrit Leibniz dans ses Nouveaux Essais sur l'entendement humain (publiés en 1765). Leibniz renouait ainsi, à une époque d'essor des sciences exactes, avec l'aspiration à une communication sans obstacle qui inspirait déjà un épisode fameux de la Bible, celui de la tour de Babel : « Tout le monde se servait d'une même langue et des mêmes mots [...]. Ils dirent : "Allons ! Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux ! Faisons-nous un nom et ne soyons pas dispersés sur toute la terre !" [...] Et Yahvé dit : "Voici que tous font un seul peuple et forment une seule langue ! [...] Allons ! Descendons ! Et là confondons leur langage pour qu'ils ne s'entendent plus les uns des autres" « (Genèse, 11, 1-7).L'échec de cette tentative n'a pas suffi à dissiper la méfiance de certains logiciens à l'égard du langage ordinaire*, souvent considéré comme vague : mais si Frege, par exemple, a pu cultiver l'utopie d'une rationalisation de la langue par la logique, Wittgenstein en revanche s'est attaché à démontrer le caractère illusoire de toute quête d'un langage « idéal «. Si le langage ordinaire est parfait tel qu'il est, la logique n'a pas de tâche plus féconde que de décrire l'entrelacement de ses usages et la subtilité de ses « jeux «. La philosophie ne doit plus chercher à réformer l'usage ordinaire de la langue, ni même à le fonder en raison : « elle ne peut faire autre chose que le décrire. [.

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« pourrait-elle ne pas être informe? Les signes nous sont indispensables, souligne Leibniz, non seulement pourcommuniquer nos pensées à autrui, mais d'abord pour servir, dans le cours de nos propres réflexions, dereprésentants des choses auxquels nous pensons.

Le caractère discursif de toute pensée, même la plusabstraite, est en tout cas fortement souligné par Hegel : « c'est dans le nom que nous pensons », affirme-t-ilau § 462 de son Encyclopédie des sciences philosophiques (1827).

Nos pensées n'auraient ainsi de forme, etpour tout dire d'existence véritable, que dans les mots.Est-ce à dire que la fonction première du langage pourrait être de sous-tendre le monologue intérieur de laconscience ? A moins qu'il ne faille en réalité renoncer à concevoir la conscience comme une sphèred'intériorité, et la pensée comme une activité « mentale » à caractère privé.

Ce qu'on appelle un peuvaguement « pensée », affirme ainsi Wittgenstein, consiste exclusivement en une manipulation réglée designes.

La pensée n'est qu'un travail avec et sur la langue, une manière d' user d'une langue, bref un « jeu delangage ». Le langage est-il un instrument de domination ? Si le langage donne forme à la pensée, et délimite ce qu'il est possible de penser, il peut être un instrument dedomination politique.

En se rendant maître de la langue, le pouvoir politique pourrait se croire capable, nonseulement d'interdire l'expression publique de toute pensée subversive, mais même d'en empêcher l'articulation« privée » dans l'intériorité de la conscience individuelle.

Dans son roman 1984, Orwell décrit ainsi le travailengagé par le régime totalitaire de Big Brother pour substituer à la langue naturelle un code artificiel, la «novlangue ».

Parce que le langage conditionne la pensée, Big Brother professe que « la Révolution seracomplète quand le langage sera parfait ».

Plus précisément, le but de la novlangue est double : d'une part,faciliter la révision permanente de l'Histoire, en rendant incompréhensibles tous les documents antérieurs à laRévolution (droit, textes sacrés, littérature).

D'autre part, il s'agit surtout de rendre impossible toute penséehérétique.

Les esclaves de ce régime ne disposeront plus des mots pour exprimer ou concevoir intérieurementla moindre velléité d'opposition : par exemple, toute la déclaration des droits de l'homme ne pourra plus êtretraduite que par le seul mot « crime-pensée ».La vision cauchemardesque d'Orwell est d'ailleurs confirmée par la pratique effective des régimes totalitaires.Deux ans après la parution du roman, Staline se félicite dans la Pravda du 20 juin 1950 de ce que « avecl'apparition d'un nouvel État, d'une nouvelle culture socialiste, d'une nouvelle morale et, enfin, avec le progrèsde la technique et de la science, quantité de mots et d'expressions ont changé de sens et acquis unesignification nouvelle ; un certain nombre de mots surannés ont disparu du vocabulaire ».

Cependant, le désirde simplifier la langue n'est pas seule-ment l'apanage des tyrans : cette exigence de rationalisation peut aussiêtre le fait de savants, désireux de perfectionner le langage pour le rendre plus apte à une communicationexempte de malentendus.

C'est dire que le langage, comme tout autre ordre de réalité, peut faire l'objet d'uneobjectivation scientifique, et ainsi devenir objet d'étude et terrain d'expérimentation. Science de la langue et langue de la science Le langage est-il objet de science ? Signifiant et signifié chez SAUSSURE Dire que la signification ne se joue nulle part ailleurs que dans le langage,qu'elle est inhérente au jeu d'opposition des termes entre eux, c'estrenoncer à expliquer le langage comme s'il était une nomenclature, c'est-à-dire une simple correspondance entre un mot et une chose.

Le tort d'unetelle conception tient précisément au fait qu'elle ne nous dit rien sur lanature d'une telle correspondance ; en outre, elle présuppose que l'idéepuisse être donnée sans le mot, puisque le rapport du mot à la chose estpréalable au mot lui-même.

C'est pour sortir de ces difficultés que Saussurepropose de substituer aux termes de nom et de chose ceux d'imageacoustique et de concept, ou bien encore de signifiant et de signifié.

Larelation qu'il s'agit de penser de l'un à l'autre bien qu'arbitraire, c'est-à-direimmotivée (il n'y a aucun rapport entre le son [soer] et le concept de «soeur ») n'est pas pour autant extérieure, comme s'il s'agissait d'une simplecorrespondance entre le mot et son sens ; elle est, précise Saussure, demême nature que celle qui existe entre les deux côtés d'une pièce : bienqu'opposés, ces deux termes sont inséparables.

Les conséquencesphilosophiques de la linguistique sont considérables : d'une part, c'est laquestion des rapports de la pensée au langage qui est à nouveau posée(nos pensées ne constituent pas un réservoir de significations muettes quenous traduirions, en un deuxième temps seulement, dans le langage : lapensée et le son s'épousent comme l'eau et l'air à la surface des vagues) ;d'autre part, c'est la fécondité des méthodes de la linguistique structuralequi influence toute une partie de la philosophie du XXe siècle, et enparticulier les travaux de Lévi-Strauss ou de Lacan.. »

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