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LA LITTÉRATURE ET LES MOEURS

Publié le 28/02/2012

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Le rôle des deux libertins dépasse leur propre jeu; et il s'agit, une fois de plus, d'un rôle moral. Laclos entreprend dans Les liaisons dangereuses la peinture révélatrice d'un comportement humain (le libertinage), symbole d'une société en déclin (l'aristocratie), qui démasque la véritable nature des relations sociales (hypocrisie, conventions, conformismes). Aussi doit-on considérer également la Présidente de Tourvel comme une « possédée «...

« 368 LE XVIIIe SIÈCLE Choderlos de Lac los : de la strategic amou- reuse a Part d'eduquer.

B.

N.

Paris.) seconde moitie du xvme siècle, le mode Oise tolaire est ici utilise avec talent et originalite. En effet, loin d'être un simple moyen permettant a l'auteur de disserter ou de moraliser, la lettre est un element meme de l'intrigue.

De ce fait, Lac los reduit le decalage entre la matiere de sa fiction et la presentation de l'ensemble.

Les lettres jouent un role complexe : bulletins de victoires, comptes rendus de defaites, elles tra- duisent aussi le caractore particulier des libertins qui est de se conduire en spectateurs de leurs propres actes.

Mais, par la-meme, la correspon- dance cree l'atmosphere du roman : seuls les deux « roues » possedent le recul suffisant pour n'etre pas dupes de la cruaute qui impregne l'ouvrage. Un style realiste Cette utilisation du mode epistolaire pose le probleme de la yenta romanesque.

L' « Avertis- sement de l'Editeur » pretend que l'auteur, qui parait pourtant avoir cherche la vrai- semblance, l'a detruite lui-meme et bien maladroi- tement par l'epoque oil it a place les evenements qu'il publie. Loin de masquer la realite, au profit de themes divers, comme dans les ouvrages de Richardson (1), les lettres servent ici a la ren- forcer : ce n'est pas Laclos qui parle, mais bien 1.

Samuel Richardson (1689-1761), romancier anglais dont les oeuvres (Pamela, Clarisse Harlowe) relIvent du realisme moralisateur prone par Diderot qui, d'ailleurs, Ocrivit un Doge de son modIle britannique.

chacun des interlocuteurs, dans son propre langage.

Grimm soulignait déjà a ce propos qu' « it n'y a pas moths de variete dans le style de ces lettres qu'il n'y en a dans les differents caracteres des personnages :[...] elles n'ont d'autre rapport ensemble que celui d'être egale- ment vraies, egalement originales ».

De ce fait, les 'taros de Laclos deviennent de veritables types, « rassemblant dans un meme personnage les traits epars du meme caractere ».

L'ecrivain demonte ainsi de maniere impla- cable un « monde », et analyse avec une Otonnante lucidito ce que Roger Vailland appelle « le jeu dramatique » du libertin (1). Un « jeu de sociecter » : le libertinage Plus qu'un jeu de salon gratuit, le libertinage s'offre comme un drame social divertissant, « avec des figures bien determinees, aboutissant au moment de stile et a la mise a mort » (2).

Et de fait, rien ne donne plus l'impression d'un mecanisme impitoyablement regle que la corres- pondance des Liaisons.

Les relations des deux maitres-libertins, madame de Merteuil et Val- mont, forment la trame centrale du recit : ils sont les veritables moteurs d'une action qui ne progresse que par les decisions qu'ils prennent. On aboutit ainsi a distinguer le monde actif des libertins de celui des victimes, passives et souf- frantes : « action » des B roués >0 « passion » des [victimes] -0. 1.

choix 2.

seduction 4.

rupture 3.

refus puis chute Les chiffres mdiquent l'ordre des sequences.

Tout parait parfaitement huile : du premier moment Vous connaissez la Presidente de Tourvel, sa devotion, son amour conjugal, ses principes austeres.

Voila ce que j'attaque; voila l'ennemi digne de moi; voila le but oil je pretends atteindre (Lettre IV). jusqu'a la rupture finale cyniquement ponctuee par le retour du « ce n'est pas ma faute » Adieu, mon Ange, je t'ai prise avec plaisir, je te quitte sans regret : je te reviendrai peut-etre.

Ainsi va le monde.

Ce n'est pas ma faute (Lettre CXLI). Le drame de Laclos se construit donc avec methode : c'est une tragedie « qui ne melange 1.

Roger Vailland, Laclos par lui-mime, Le Seuil, p.

55. 2.

Ibid., p.

51. III 111111111111111111 imirmaril 11111511:1111811111 1111111111.1111 ampimmommom 368 LE XVIJJe SIÈCLE Choderlos de Laclos : de la stratégie amou­ reuse à l'art d'éduquer .

(B.

N.

Paris.) seconde moitié du xvme siècle, le mode épis­ tolaire est ici utilisé avec talent et originalité.

En effet, loin d'être un simple moyen permettant à l'auteur de disserter ou de moraliser, la lettre est un élément même de 1 'intrigue.

De ce fait, Laclos réduit le décalage entre la matière de sa fiction et la présentation de l'ensemble.

Les lettres jouent un rôle complexe : bulletins de victoires, comptes rendus de défaites, elles tra­ duisent aussi ie caractère particulier des libertins qui est de se conduire en spectateurs de leurs propres actes.

Mais, par là-même, la correspon­ dance crée l'atmosphère du roman : seuls les deux « roués » possèdent le recul suffisant pour n'être pas dupes de la cruauté qui imprègne l'ouvrage.

Un style réaliste Cette utilisation du mode épistolaire pose le problème de la vérité romanesque.

L' « Avertis­ sement de l'Éditeur » prétend que 1 'auteur, qui paraît pourtant avoir cherché la vrai­ semblance, 1 'a détruite lui-même et bien maladroi­ tement par l'époque où il a placé les événements qu'il publie.

Loin de masquer la réalité, au profit de thèmes divers, comme dans les ouvrages de Richardson (1), les lettres servent ici à la ren­ forcer : ce n'est pas Laclos qui parle, mais bien 1.

Samuel Richardson (1689.:1761), romancier anglais dont les œuvres (Pamela, Clarisse Harlowe) relèvent du réalisme moralisateur prôné par Diderot qui, d'ailleurs, écrivit un Éloge de son modèle britannique.

chacun des interlocuteurs, dans son propre langage.

Grimm soulignait déjà à ce propos qu' « il n'y a pas moins de variété dans le style de ces lettres qu'il n'y en a dans les différents caractères des personnages : [ ...

] elles n'ont d'autre rapport ensemble que celui d'être égale­ ment vraies, également originales ».

De ce fait, les héros de Laclos deviennent de véritables types, « rassemblant dans un même personnage les traits épars du même caractère ».

L'écrivain démonte ainsi de manière impla­ cable un « monde», et analyse avec une étonnante lucidité ce que Roger Vailland appelle « le jeu dramatique» du libertin ( 1).

Un « jeu de société » : le libertinage Plus qu'un jeu de salon gratuit, le libertinage s'offre comme un drame social divertissant,« avec des figures bien déterminées, aboutissant au moment de vérité et à la mise à mort » (2).

Et de fait, rien ne donne plus 1 'impression d'un mécanisme impitoyablement réglé que la corres­ pondance des Liaisons.

Les relations des deux maîtres-libertins, madame de Merteuil et Val­ mont, forment la trame centrale du récit : ils sont les ·v~ritables moteurs d'une action qui ne progresse · que par les décisions qu'ils prennent.

On aboutit ainsi à distinguer le monde actif des libertins de celui des victimes, passives et souf­ frantes : « action » des ·~roués >8 « passion » des [victimes] 1.

choix 2.

séduction 4.

rupture 3.

refus puis chute Les chiffres indiquent l'ordre des séquences.

Tout paraît parfaitement huilé : du premier moment Vous connaissez la Présidente de Tourvel, sa dévotion, son amour conjugal, ses principes austères.

Voilà ce que j'attaque; voilà l'ennemi digne de moi; voilà le but où je prétends atteindre (Lettre IV).

jusqu'à la rupture finale cyniquement ponctuée par le retour du «ce n'est pas ma faute» : Adieu, mon Ange, je t'ai prise avec plaisir, je te quitte sans regret : je te reviendrai peut-être.

Ainsi va le monde.

Ce n'est pas ma faute (Lettre CXLI).

Le drame de Laclos se construit donc avec méthode : c'est une tragédie «qui ne mélange 1.

Roger Vailland, Laclos par lui-même, Le Seuil, p.

55.

2.

Ibid., p.

51.. »

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