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La médecine au XVIe siècle

Publié le 22/02/2012

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Après les désastres qui marquèrent et suivirent la chute de l'Empire romain d'Occident, pendant plusieurs siècles, les hommes ne purent penser qu'à la défense d'une vie misérable : tout lien avec la spiritualité antique avait été rompu et ce qui avait été acquis par les Anciens était pratiquement perdu. Aussi, lorsqu'un calme relatif fut rétabli, fallut-il que l'éducation de ces hommes fût reprise par la base, que leur fut fourni tout d'abord un enseignement élémentaire qui leur procurât les données de culture indispensables pour qu'ils passent ultérieurement reprendre une vie intellectuelle ; ce fut la tâche du moyen âge, période de recueillement, puis aussi et surtout de rééducation. Tout naturellement, cet enseignement fut d'abord théorique, stade préparatoire nécessaire avant d'aborder les faits qui, autrement, n'auraient pu entre appréciés : on commençait par le Trivium avant de songer au Quadrivium, et encore était-ce toujours le premier qui retenait plus particulièrement l'attention. C'était, d'autre part, une période de foi ardente où tout était dominé par la théologie qui donnait aux hommes de ce temps toutes les satisfactions qu'ils pouvaient désirer : toutes les sciences, comme toute la philosophie, étaient contenues dans les Sommes, vastes encyclopédies de toutes les idées et de tout le savoir humain. Ce ne fut que peu à peu que la philosophie se dégagea de cette emprise, et encore demeura-t-elle sous la tutelle de la théologie jusqu'au XVIe siècle, et sa libération marqua alors la fin du moyen âge.

« Aussi l'étude de l'anatomie, qui est cependant la base de la médecine, était-elle complètement négligée.

On s'entenait sur ce point à ce qu'avait établi Galien.

Celui-ci régnait alors en maître absolu sur la médecine et les médecins: tout ce qu'il avait dit était accepté les yeux fermés, et ces yeux voyaient ce qu'il avait décrit même lorsque celan'existait pas ; non seulement on le voyait, mais on l'introduisait dans les formules de médicaments, comme l'osincorruptible.

Par contre, on se refusait à admettre ce qui était l'évidence même, et un homme comme Vésale, ayantconstaté la non-existence de communications interventriculaires, n'osait pas tout d'abord en faire état et ne s'yrésolvait qu'avec du temps et de la réflexion.

Si Paracelse fut aussi maltraité, ce ne fut vraisemblablement pas tantparce qu'il s'adonnait à l'alchimie puisque tous alors, même Fernel, y touchaient quelque peu et admettaient lesinfluences divines et démoniaques ; ce fut bien plutôt parce que, publiquement, à Bâle, il avait brûlé le Canon demédecine d'Avicenne et jeté ainsi un défi à l'école de Galien.

Ce respect superstitieux se conserva même au delà dela période médiévale, puisque, en pleine Renaissance, Riolan, en présence de faits indiscutables, préférait dire que lanature avait du changer plutôt que de supposer un instant que Galien avait pu se tromper. Aussi, l'enseignement de l'anatomie était-il réduit à sa plus simple expression et, comme pour tout alors, se passaiten lectures et commentaires, et naturellement du livre de Galien sur l'Utilité des parties.

Ce livre était, au reste, plusphysiologique qu'anatomique, et cette qualité et ce choix marquaient bien la nature des conceptions de ce tempsqui prisait les choses en raison inverse de leur matérialité. Ayant ainsi perdu sa base naturelle et normale, la médecine en était réduite à des spéculations de plus en pluséloignées de son objet. Ce fut cependant dans ce domaine de l'anatomie, qui paraissait le plus réservé, que se produisirent les faits les plusmarquants au cours du XVIe siècle. Certaines possibilités avaient été accordées à la dissection, si longtemps prohibée, et, en 1316, Mondino de Luzziavait pu publier un ouvrage d'anatomie qui fut le premier du genre.

Au début du XVIe siècle, devançant les grandsthéoriciens de l'expérience et de l'expérimentation, quelques médecins se lancèrent dans des travaux dont lesrésultats furent tels qu'ils ont immortalisé leurs noms, attachés depuis à leurs découvertes.

Ce qui fut remarquable,en particulier dans la question de la circulation qui allait bientôt être réglée par Harvey, et cela malgré leurdispersion dans plusieurs centres d'études, ce fut la continuité avec laquelle furent poursuivis ces travaux qui,souvent, ainsi, purent aboutir à des données définitivement acquises.

Nous pouvons citer, parmi ces hommes quifurent en somme des précurseurs, Charles Etienne, Nicolas Massa, Sylvius, Gunther d'Andernach, Falloppe, MichelServet, Vésale, Berenger de Carpi, Cisalpin, Eustachius, Arantius, Ingrassias, Columbus, Bauhin, Fabriced'Aquapendente, auxquels nous devons ajouter Léonard de Vinci. L'audace de ces anatomistes avait été grande d'oser entreprendre des recherches qui, dès l'abord, paraissaientmettre en doute et, en définitive, infirmaient ce qui avait été établi par Galien.

Aussi n'y gagnèrent-ils l'estime quede l'élite et furent-ils, par les écoles et la généralité des médecins, considérés comme des novateurs dangereuxcontre lesquels on ne saurait s'élever avec trop de vigueur.

On continua donc, dans l'ensemble, à s'en tenir à Galienet, encore à la fin du XVIIe siècle, trouvons-nous, dans Molière, l'expression de l'opinion courante sur "lesprétendues découvertes de notre siècle, touchant la circulation du sang et d'autres opinions de même farine". L'évolution des autres branches de la médecine avait été soumise aux mêmes influences qui avaient agi sur celle del'anatomie.

Si, au départ, il n'y avait point pour elles un texte aussi rigide que, pour celle-ci, le livre de Galien surl'utilité des parties ; si, d'autre part, la fréquentation des malades et la nécessité de suivre la marche des affectionspouvaient favoriser quelques observations utiles, la variabilité des données était telle que toutes les fantaisies dansl'ordre des idées en cours étaient permises.

Ainsi avaient pu intervenir des facteurs qui, encore bien davantage pources branches, avaient contribué à augmenter la confusion et le désordre et à les accentuer même de plus en plus. A l'origine, tout contact avait été perdu avec la médecine grecque ; peu à peu, quelques textes plus ou moinscomplets avaient été retrouvés ; mais, le plus souvent, ils n'arrivaient dans les pays d'Occident qu'indirectement :les ouvrages grecs avaient été traduits pour les Arabes par des Juifs et, sur cette première traduction, une secondeavait été faite pour qu'ils fussent accessibles aux médecins de l'Occident.

Ces passages successifs, agrémentés decommentaires arabes déjà dangereux, alors que tout contrôle était pratiquement impossible du fait de l'ignorance oùl'on était de la langue grecque, n'avaient pas été sans déterminer bien des altérations des textes originaux, etencore ces textes furent-ils soumis aux erreurs de lecteurs et commentateurs souvent eux-mêmes infidèles, erreursqui s'accumulaient et allaient en s'aggravant avec le temps. A la manière d'Oribase qui, le premier, avait réuni dans un ouvrage tout ce qui, au point de vue médical, avait étéacquis jusqu'à son époque, Avicenne avait bien, pour fixer à son tour les données médicales, établi un Canon dont ilespérait qu'il serait une sorte de "Coran" de la médecine ; mais il se basait sur les idées d'Hippocrate, et c'étaitGalien qui était roi ; aussi, bien que son autorité fût grande et qu'elle demeurât durable, elle n'eut pas celle deslivres de ce dernier, sans compter que ce Canon fut soumis aux déformations que subissaient alors si souvent et sifacilement les textes.

Cependant, dans le désordre où se débattait la médecine, ces Institutes étaient bien et deplus en plus nécessaires ; mais ils ne furent guère réalisés pleinement qu'au XVIe siècle, d'abord par Léonard Fuchs,puis par Fernel, dont l'Universa medica fut le modèle du genre.

Au reste, ces deux ouvrages arrivèrent trop tard et,s'ils eurent l'avantage de fixer les idées du passé, ils contribuèrent, par l'apparente facilité qu'ils offraient, àmaintenir les idées du moment et à retarder l'évolution naissante de la médecine.. »

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